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Hommage à Edouard Glissant (par Bernard Mazo)

Par Florence Trocmé

Edouard Glissant

La grande voix des Antilles s’est tue 
Bernard Mazo rend hommage au poète Édouard Glissant 
 

Edouard Glissant vient de nous quitter le 3 février dernier. Né en 1928 à Sainte- Marie en Martinique Il avait 83 ans. Si René Char proclamait que « Celui qui vient au monde pour ne rien déranger ne mérite ni égards ni patience », il  n’aurait, certes jamais rangé Edouard Glissant parmi « les assis ». Ce géant, dans les deux sens du terme, dont la grande voix poétique et contestataire se tait quelques temps après celle de celui qui fut son professeur au lycée Schoelcher de Fort de France, puis son maître à penser dans le combat pour la réelle émancipation des Noirs, l’immense Aimé Césaire, c’est un grand froid qui s’abat  sur nos épaules et surtout sur celles de ses frères en « négritude ». Qui parlera désormais au nom de ceux qui n’ont pas la parole et n’ont pas les mots pour exprimer leurs frustrations, leurs rancœur vis à vis d’une métropole qui demeure encore, dans son inconscient collectif étatique et bureaucratique, et quoiqu’en pensent les « bons esprits », pétrie de préjugés à l’égard d’une population antillaise tenue à l’écart des grands centres de décision ? 
C’est ainsi qu’en conformité avec son engagement politique il fonde, très jeune, Le front antillo-guyanais, qui sera vite interdit avant d’être dissous, puis en 1965, L’Institut martiniquais d’études. De 1982 à 1988, il est Directeur du Courrier de l’Unesco.   
 
Contestataire de la première heure, cet intellectuel passé par la Sorbonne, où il obtient sa licence de philosophie, puis achève, toujours à Paris, ses études supérieures en philosophie et en ethnologie, Edouard Glissant publie ses premiers poèmes en 1953 tout en faisant entendre sa voix dénonciatrice dans des revues comme Présence africaine et les très engagées à gauche Lettres Nouvelles de Maurice Nadeau. Sa voix poétique d’une force tellurique et d’un lyrisme coloré, aura convoqué jusqu’au ressassement images, visions et mythe du passé qu’il greffe comme une problématique plus que jamais actuelle  sur le monde géopolitique et culturel d’aujourd’hui. Pour Edouard Glissant, poète par toutes ses fibres, l’écriture poétique est un combat incessant pour la dignité et la liberté du peuple noir, « son » peuple, un engagement de tous les instants y compris dans des essais comme Le discours antillais, (1981), Les murs tombent (1997) écrit en collaboration avec Patrick Chamoiseau ses recueils Les Indes, (1956), et tous les recueils de poésie qu’il publiera ensuite et rassemblés en 1994 chez Gallimard, ses romans dont La Lézarde, prix Renaudot (1958),  dont Le quatrième siècle (Le Seuil, 1965), Tout-monde (Gallimard, 1995) . La voix inspirée du chantre de « la créolisation » n’est pas prête à s’éteindre dans la mémoire des hommes de « bonne volonté » et des laissez – pour - compte de la mondialisation !  
 
Bernard Mazo   
 
photo@florence Trocmé : Edouard Glissant, le 19 juin 2010, au dernier marché de la poésie.  


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