Comment éviter l'épuisement maternel ?

Publié le 04 février 2011 par Dailyconso
Sentiment de solitude, tristesse, dévalorisation… Stéphanie Allenou a frôlé le burn out maternel. Dans son ouvrage « Mère épuisée », cette mère de trois enfants et ancienne éducatrice spécialisée, raconte son calvaire de femme au foyer. Aujourd’hui, elle donne des pistes aux mamans pour les aider à retrouver leur joie de vivre.

DailyConso : Avez-vous un jour imaginé que la maternité vous ferait vivre de tels moments de solitude ?

Stéphanie Allenou : A la naissance des jumeaux, je savais que j'allais mettre en veille ma carrière, je m'étais préparée à les allaiter, je savais qu'il fallait être très disponible pour eux. La première année ne s'est pas trop mal passée. Mais ils se réveillaient entre une et quatre fois par nuit, chacun. Ca a duré pendant un an et demi. En fait, il s'est avéré qu'ils avaient des troubles du sommeil. Mais il a fallu des mois et des mois pour récupérer physiquement et psychologiquement cet état d'épuisement maternel.

DailyConso : Comment bascule-t-on de la maternité " heureuse " à l'épuisement maternel ?

Stéphanie Allenou : On y arrive tout doucement, c'est insidieux. Le manque de sommeil est le premier facteur déclenchant. A cela, vient se greffer l'isolement, le fait d'avoir des enfants rapprochés...

DailyConso : Dans le livre, vous parlez du soutien de votre soeur. Qu'en est-il des autres membres de votre famille ?

Stéphanie Allenou : De manière générale, soit les grands-parents s'investissent énormément et sont très présents, soit ils disent : " Plusieurs enfants, ça me fait peur ". Garder des jumeaux, ça fait peur à tout le monde. Le fait de ne pas pouvoir faire garder ses petits, ça vous mine le moral. Même à la crèche, on vous dit " oui " pour un mais " non " pour les deux. A ce moment-là, j'ai vraiment eu l'impression qu'il s'agissait de non-assistance à personne en danger, tant je ne pouvais plus tenir. J'avais le sentiment que ça ne s'arrêterait jamais. Mon mari et moi étions tous les deux épuisés. Forcément, cela a des répercussions sur le couple et la qualité de nos relations avec les enfants.

DailyConso : Quand avez-vous senti que tout pouvait basculer ?

Stéphanie Allenou : A un moment, je me suis dit : " Ca va mal se terminer. Soit je vais les frapper, soit je vais partir de la maison ". C'était pendant les grandes vacances. A la rentrée scolaire, c'était soit eux, soit moi. Heureusement, en septembre, j'ai trouvé un établissement qui acceptait les jumeaux en très petite section.

DailyConso : Comment avez-vous fait pour remonter la pente ?

Stéphanie Allenou : J'ai essayé de sortir de la maison même si j'étais épuisée. J'ai découvert les lieux d'accueil parents-enfants. C'était des petits moments où les enfants jouaient avec d'autres bambins et où je pouvais me poser et échanger avec d'autres parents. Et puis, quand ils sont allés à l'école, j'ai enfin pu me reposer. J'en ai profité pour aller sur Internet. Je voulais savoir si j'étais la seule femme à être dans cet état, si cela venait de moi... Là, j'ai réalisé qu'il s'agissait d'un phénomène très fréquent. Savoir qu'on n'est pas seule à vivre ça, c'est une étape importante.

Plus tard, je suis arrivée à la fin de mon congé parental. Je ne voulais plus reprendre mon travail d'éducatrice spécialisée. J'ai donc réfléchi à un projet professionnel, j'ai fait des formations... Je me suis investie dans une association L'Ilôt Familles et j'ai créé une entreprise Tribuletsens. Je me sens à nouveau pleine d'énergie.

DailyConso : Quels conseils donneriez-vous aux mères qui vivent cet état d'épuisement maternel ?

Stéphanie Allenou : Sortir de chez soi. Chez soi, on est en relation de face à face avec les enfants. Les choses ne font qu'empirer et cela peut devenir dangereux. La maltraitance n'arrive pas comme ça. Il faut donc sortir de chez soi, même si ce n'est que pour aller au parc. Même si on ne se lie pas avec les autres mamans, il y a une vigilance partagée. Et puis, on peut aussi parler un peu avec les autres mères. Il faut aussi parler de ce qu'on ressent, rabâcher, se confier aux professionnels (crèche, médecin traitant, PMI...). Les professionnels médicaux doivent arrêter de minimiser cette situation qui peut déraper. Il faut arrêter de penser que ce n'est rien. Il faut aussi impliquer le conjoint.

DailyConso : Le travail peut-il aider les mères à s'en sortir ?

Stéphanie Allenou : Il est important de se poser la question de la reprise du travail. C'est vrai qu'il y a une sorte de jalousie entre les femmes qui travaillent et celles qui sont au foyer. Celles qui travaillent pensent que les autres ne font rien de leur journée. Alors que les mères au foyer envient celles qui travaillent car elles peuvent se confier, avoir de vraies conversations... De manière générale, il faut avoir un regard bienveillant sur les autres mères.

DailyConso : Pourquoi la société et notamment le personnel médical ne veulent-ils pas voir la souffrance des mères ?

Stéphanie Allenou : Aujourd'hui, on commence à parler de burn out professionnel. C'est normal de travailler mais pas d'avoir un burn out. Avoir des enfants, c'est naturel... Et puis, ça arrange tout le monde que les femmes s'occupent de tout. On est loin de l'égalité entre hommes et femmes. Les maris n'ont pas envie d'être impliqués. Et les professionnels de santé pensent que ça va passer et que ce n'est pas très grave. En ce qui concerne la société, je ne comprends toujours pas pourquoi personne n'a sonné à ma porte quand ça n'allait pas. Si vous entendez hurler une mère de famille dans votre immeuble, allez la voir et demandez-lui : " Est-ce que vous voulez prendre un café ? ", " Vous avez besoin d'aide ? ". Il faut être attentif à son environnement. Encore une fois, c'est pour le bien des enfants.

Propos recueillis par C.R

" Mère épuisée " de Stéphanie Allenou, éditions Les Liens qui Libèrent : 16 € sur La Fnac

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