Bonjour Philippe
Bonjour les zotres
L'an dernier, j'avais posé 9 questions aux trois finalistes du prix Qd9 2009 (Antoine Laurain, Vincent Ravalec et Eric Reinhard). Cette année, je n'ai pas attendu le choix des trois livres et j'ai envoyé des questions à plusieurs auteurs dont j'avais l'adresse e-mail. En attendant les réponses de Fabrice Humbert que je mettrai en ligne la semaine, prochaine, voici celles de Philippe Jaenada, évidemment hilarantes. Accessoirement, on apprend une excellente nouvelle à la fin de la réponse 7 !
Pour mémoire, deux livres de Jaenada sont en lice pour le prix Qd9 2010 dans la catégorie roman français :
- Le chameau sauvage (mon éloge dithyrambique (quasi empreint de dévotion) est ici. J'assume, ma chameausauvagitude n'est plus à démontrer)
- Plage de Manaccora, 16h30 (mon avis fort positif est là)
01 Lis-tu ce qu’on dit de toi sur les blogs ?
Pas spécialement, non. Je t’avoue qu’il m’arrive, les soirs d’hiver, quand il n’y a plus de whisky dans la bouteille, de taper « Jaenada » sur Google (ne le dis à personne, c’est la honte) et donc d’aller voir ce qui s’écrit sur mes livres ici ou là. Mais à part ça, je ne lis pas de blogs (sauf celui de cette courge de Wrath, pour rigoler).
02 Quel est ton coup de cœur littéraire parmi tes lectures de l’année 2010 ?
Tu veux dire : parmi les livres que j’ai lus en 2010, ou parmi ceux qui sont en sortis en 2010 ? (On reste dans la littérature française, hein ?) Parmi ce que j’ai lu : « Et mon coeur transparent », de Véronique Ovaldé. Parmi ce qui est sorti (et que j’ai lu, bien sûr) : « Où j’ai laissé mon âme », de Jérôme Ferrari. (Mon coeur, mon âme...)
03 Quel roman conseillerais-tu aux malchanceux/ses qui n’ont encore jamais eu le plaisir de lire un roman de Jaenada ?
Les pauvres, mon Dieu. Honnêtement, sans me défiler, je ne sais pas, ça dépend vraiment de ce qu’aiment les gens. Allez, pour faire simple, disons le premier, le Chameau sauvage.
04 Un blogueur m’avait demandé qui je choisirais comme nègre pour écrire mon autobiographie et j’avais répondu ça : « Sans la moindre hésitation, je choisirais EVIDEMMENT Philippe Jaenada : faute d'être passionnante, ma vie serait au moins racontée de façon drôle et décalée. » (voir ici). Et toi, quel(le) auteur(e) choisirais-tu ?
Tu me touches, Cécile. (Il faudra qu’on se prenne une semaine de vacances à Veules-les-Roses pour que tu me racontes ta vie, j’emporte un dictaphone.) Qui je choisirais, moi ? Virginie Despentes, je pense. Qu’elle mette un peu de force, de violence et de grâce dans ma vie molle.
05 Le chameau sauvage et Plage de Manaccora, 16h30 sont tous les 2 en lice pour le prix Qd9 2010. Quel sentiment l’emporte entre l’incommensurable fierté d’être le seul auteur dont 2 romans sont en compétition (ce qui signifie qu’ils figurent dans les tops 3 de l’année de deux membres du jury) ou le profond désespoir lié à la conscience que ce cannibalisme littéraire diminue tes chances de victoire ?
L’incommensurable fierté, sans le moindre doute. (Mais surtout parce que je ne comprends pas bien cette histoire de profond désespoir. Si j’ai deux chevaux qui participent à l’Arc de Triomphe, j’ai plus de chance de gagner que si je n’en ai qu’un, non ? Qué cannibalisme ?) Au fait, y a quoi à gagner, hormis l’immense prestige ? Au moins un dîner avec toi, j’espère.
06 Après ta brillante lecture lors du Literary Death Match consacrée à la scène culte où tu racontes qu’on t’a refusé l’entrée de l’Hippopotamus de la Place Clichy et la sensation de honte sociale que cela avait provoqué en toi, j’ai décidé de créer un groupe facebook consacré à un Jaenadathon plus ou moins calqué sur le principe du Téléthon. Chaque membre du groupe s’engageait à verser 1 € pour t’offrir un repas dans ce lieu qui, jusqu’ici t’était inaccessible. Dans l’hyppopothèse où je n’aurais pas traitreusement détourné les fonds versés pour m'offrir un dupleix à Miami et un Riad à Marrakech, qu’aurais-tu commandé ?
Exactement ce que j’écris dans le roman (j’écris toujours la vérité dans mes romans) : un tartare de tomates au thon et un onglet sauce roquefort. (Je suis obligé d’utiliser l’argent pour ça, il y aura un contrôleur ?)
07 Tu t’appelles Halvard Sanz dans Le chameau sauvage, Voltaire dans Plage de Manaccora 16h30 Où vas-tu chercher les noms de tes personnages ?
Un peu partout. Je n’arrive pas à « investir » des personnages avec des noms trop communs, comme Thierry ou Patrick, un peu comme on ne se sent pas vraiment chez soi dans une chambre d’hôtel Ibis, et je ne veux pas non plus de noms trop farfelus, comme Théodoncle ou Patabulle qui, on dira ce qu’on voudra, ne font pas sérieux. Donc j’ouvre les yeux et les oreilles (ça se voit moins, les oreilles) et j’essaie d’attraper ce qui passe. Halvard, c’était le prénom d’un navigateur qui faisait des courses transatlantiques à l’époque, Halvard Mabire, et Voltaire, c’est parce que Candide est juste en face de moi, toutes les nuits, sur l’étagère qui se trouve derrière l’écran de mon ordinateur, et qu’à force de le voir quand je réfléchis, c’est rentré dans le livre. Ce n’est ni trop commun ni trop farfelu, Voltaire, c’est bien. Dans le roman que je viens de terminer, le narrateur s’appelle Bix. Ça vient d’un jazzman, Bix Beiderbecke, dont j’ai entendu parler juste avant de commencer à écrire. C’est bien, Bix, ce n’est ni trop commun ni trop farfelu.
08 Le Chameau Sauvage a été adapté sous le titre A+ Pollux (dont j’ai vu 9 minutes par hasard un soir sur France 3 (Bla-bla de l'auteur sur le film ici ). Y a-t-il d’autres projets d’adaptation de certains de tes romans ?
J’espère que non. Il y en a eu deux (La Grande à bouche molle (deux fois) et Le Cosmonaute), mais qui n’ont pas abouti – j’ai refusé Le Cosmonaute et une Grande à bouche molle, et l’autre Grande à bouche molle n’a pas trouvé de financement, je crois. Je n’aime pas qu’on adapte les romans au cinéma. Qu’ils écrivent leurs scénarios, eh.
09 J’ai lu sur ton site internet une nouvelle intitulée Sainte Cécile. Je te remercie pour ce vibrant hommage. Certes, je ne joue pas de clavecin (que ce soit nue ou habillée) mais pourquoi m’avoir inventé deux sœurs alors que je suis fille unique et puis c’est quoi cette salade niçoise alors que je suis plus indéboulonnablement parisienne qu’un champignon ?
J’ai voulu brouiller un peu les pistes, pour ne pas te causer d’ennuis – je te sais discrète et humble. Non, en fait, c’est écrit (c’est vraiment un texte de jeunesse, hein) d’après un portrait de Sainte Cécile, la patronne des musiciens, que j’ai vu il y a 25 ans dans un musée de Lyon, et qui m’a, sans blague, bouleversé. (Je ne sais pas trop pourquoi.) Je pensais, depuis 25 ans, que c’était une oeuvre de Benvenutto Cellini, mais je viens de chercher partout sur le net, je ne trouve pas. Mystère. En tout cas, si tu passes à Lyon, et si elle y est toujours, va voir : elle te ressemble.