A l’issue du dixième jour de la révolution égyptienne, la situation a dégénéré. La place Tahrir a été le théâtre d’affrontements très violents entre les anti et les pro-Moubarak. Il semblerait que ces derniers soient des Egyptiens des quartiers très pauvres payés par le régime pour se battre avec les opposants, avec l’appui de policiers d’élite en civil. La brutalité de la police et les vidéos des combats sont effrayants.
Les journalistes étrangers qui ont le malheur de se promener dans la ville sont tabassés, et l’armée a empêché à plusieurs reprise que certains soient lynchés par la foule. Trois journalistes de TF1 ont disparu, ainisi qu’un correspondant de la Voix du Nord, un autre du Figaro…La seule chaîne arabe donnant une image fidèle de la situation est la chaîne qatarie Al-Jezira, malgré son habituelle image islamiste.
Les habitants du Caire s’organisent pour surveiller en permanence leurs biens et surtout leurs magasins, dont certains ont été la cible des pillards.
Internet a été partiellement rétabli. Cela aurait coûté 65 millions à l’économie égyptienne, mais on conviendra que la liberté n’a pas de prix, surtout pour un peuple habitué à s’écraser et à redouter un gouvernement répressif.
Peut-être que l’erreur des politiques a été de bloquer tous les moyens de communication, encourageant les manifestants à descendre dans la rue. Actuellement, les opérateurs téléphoniques comme Vodafone ou Minivil (filiale d’Orange), dont la licence dépend du bon vouloir de l’Etat, sont obligés d’envoyer des SMS d’appels à la fin des manifestations.
Vinci et Bouygues , associés pour la construction de la troisième ligne de métro du Caire, ont annoncé en milieu de journée que leurs expatriés quittent le pays et que les travaux sont suspendus. Les Nations Unies n’ont laissé sur place que les employés voués aux tâches essentielles La note de la dette souveraine de l’Egypte a été baissée par l’agence Fitch, qui a suivi Moody’s et Standard and Poor’s. Il semblerait que l’économie égyptienne perde 13 millions de gains potentiels par jour.
Côté officiels, le premier ministre Ahmad Chafic a présenté des excuses pour les violences d’hier. Souleimane, le vice-président, a annoncé qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle, et a souligné que le pays est en train de creuser le manque à gagner dû au départ des touristes en poursuivant les manifestations. Mais il ne faut pas oublier que c’est tout de même de la situation politique permanente du pays qui est en train de se jouer, agissant sur la vie des 80 millions d’Egyptiens. Cela vaut bien quelques visiteurs occasionnels en moins. Lorsqu’on regarde les vidéos qui circulent sur Internet, les passants cairotes interviewés à la va-vite sur les trottoirs de la ville transformée en champ de bataille parlent tous de justice, de dignité, de fierté, et du courage qu’a le peuple à se révolter.
En début de soirée, Moubarak a déclaré à la télévision vouloir quitter son poste. Même si le raïs reconnaît se faire vieux et las, il faudrait cependant laisser le Parlement amender les articles de la Constitution n’autorisant que les candidats du Parti National Démocratique et ceux validés par lui…Inch’Allah.
D.R.