Cela semble bêtement évident, mais il semble nécessaire de le rappeler : si on veut éviter que des personnes liées à l’action publique, qu’elles soient responsables politiques ou agents du service public, ne se trouvent en situation de conflit d’intérêt, il faut éviter de les pousser à s’y retrouver… Pour cette raison, le rapport de la commission Sauvé de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la fonction publique apparait en complet décalage avec l’évolution que nous connaissons depuis plusieurs années, où les agents publics se retrouvent de plus en plus dans de telles situations. Une fois de plus, on va partir d’un problème réel, et faire une loi qui ne changera pas grand chose. Parce que le mal est beaucoup plus profond.
Des exemples de conflits d’intérêts, on en connaît dans le domaine de la recherche sur le médicament, comme cela a été mis au grand jour avec l’affaire du Mediator. Mais il faut rappeler que la politique de Nicolas Sarkozy a été de multiplier les liens entre les laboratoires publics et les entreprises pharmaceutiques, mettant les premiers dans une situation de dépendance. J’ai écrit une tribune là-dessus il y a quelques jours, sur le site de Mediapart.
Mais le fait du jour est plutôt le rapprochement entre le rapport Sauvé et l’annonce de la mise en place d’une prime de résultat pour les proviseurs. Le rapport Sauvé traite de la déontologie des agents des services publics. Mais la déontologie d’un proviseur, qui a priori est très grande, va se trouve mise à mal par le nouveau système de rémunération. Comme cela a été très bien expliqué par Maya Beauvallet, une économiste qui a travaillé justement sur la rémunération des fonctionnaires, la rémunération sur la base de primes de résultat conduit les agents publics à optimiser ce résultat, ce qui ne va pas toujours dans le sens de l’intérêt du service public… Son livre Les stratégies absurdes, comment faire pire en croyant faire mieux illustre remarquablement ce phénomène. Nous connaissons de nombreux exemples de dérive de l’utilisation des indicateurs de performance, comme dans la police où la politique du chiffre est largement dénoncée.
Renforcer la déontologie, lutter contre les conflits d’intérêts, tous ces objectifs sont primordiaux. Mais cela ne se règlera pas par une loi de plus, cela se règlera en redonnant aux fonctionnaires le cadre statutaire censé favoriser cette déontologie, et en donnant aux services publics les moyens de fonctionner en dehors de l’influence des lobbies privés.