Comment rendre compte de manière efficace et surprenante les violences urbaines ? C'est une réflexion originale que nous propose cette exposition à travers des photographies historiques, réelles et imaginaires, réalisées par Patrick Chauvel, grand reporter de guerre, et Michael Wolf, voisinant aux côtés d’archives de Paris Match.
A l’heure des événements en Tunisie et en Egypte, Peurs sur la ville semble arriver à point nommé…
La Libération, la guerre d’Algérie, Mai 68, les attentats du 11 septembre, ou encore la guerre en Afghanistan en 2001, ont laissé dans les médias des traces indélébiles et de frappantes images ressurgissant régulièrement dans les colonnes de la presse ou sur le petit écran.
Effrayantes sont les photographies proposées par Patrick Chauvel et Michael Wolf. Avec Guerre ici, le premier propose une série de photomontages surprenants, projetant la violence de la
guerre aux portes de Paris. Reporter engagé et témoin avisé des conflits mondiaux, Patrick Chauvel transpose ses clichés les plus frappants devant les monuments emblématiques de la ville lumière.
Notre Dame est envahie par des combattants canadiens, une jeune femme est tuée par un sniper serbe devant l’Assemblée Nationale, tandis que des tankistes russes gisent sur le parvis du
Trocadéro…
Réalisées à partir de captures d’écran du logiciel « Street view » créé par Google, les photographies de Michael Wolf sont tout aussi étonnantes et inquiétantes, mettant en exergue une
violence urbaine contemporaine, banalisée et méconnue. N’est-ce pas un maigre écho justement au synopsis du film d’Henri Verneuil Peur sur la ville, sorti en 1975 ? Simple jeu de
mots et reprise du titre ? Dans ce film, le commissaire Letellier, interprété par Jean-Paul Belmondo, a vu sa carrière brisée par le truand Marcucci, à l'issue d'un braquage qui a mal tourné.
Muté dans un commissariat terne, il continue à chercher la trace de son ennemi. Au moment où Letellier apprend enfin le retour du braqueur à Paris, un mystérieux tueur terrorise la capitale
parisienne. Il se fait appeler Minos, par référence à La Divine Comédie, se présente à ses victimes puis à l'opinion publique comme un curieux « justicier » qui étrangle des
femmes célibataires à la sexualité libérée. Letellier doit alors choisir entre assouvir sa vengeance ou faire son métier de policier en neutralisant un redoutable tueur en série.
Au-delà de cette comparaison cinématographique et parenthèse, ce sont les images de notre quotidien et de la société qui sont immortalisées par le regard de Michael Wolf : les agressions de la
circulation, un vol au coin d’une rue, de violentes manifestations, un monde de surveillance et de flicage à la George Orwell. Ces photographies pixellisées capturent des scènes de notre vie
privée, et distillent une agression psychologique de tous les instants, parfois visible par tous sur Internet. Car Michael Wolf pointe les excès du doigt le « tout communiquant » face à nos
libertés individuelles. Car si Google Street View est supposé flouter et protéger les renseignements de type privé, la réalité est toute autre et montre une claire intrusion dans nos
vies et une violation de notre droit à l'image, pouvant même porter atteinte à la sécurité nationale (reconnaissance des personnes, lisibilité des plaques d'immatriculation, visibilité des accès
secondaires des banques et des ministères, photographies des rondes de nuit devant les prisons, etc.).
Contextualisée par Max Gallo, historien et académicien, Peurs sur la ville retrace tout simplement une certaine histoire de la violence, tant physique que psychologique, imaginaire ou bien réelle… Revenir sur l'Histoire, prendre conscience et se projeter.
Pour aller plus loin :
Le dossier de presse de l'exposition : http://www.monnaiedeparis.fr/actualite/Dossier_de_presse_Peurs_sur_la_ville.pdf
Retrouvez toutes les expos innovantes en suivant ce lien : L'expo de la semaine