Head and shoulders, de Francis Scott Fitzgerald

Publié le 03 février 2011 par Acdehaenne

Horace est un jeune intellectuel assidu dans sa tache. Sous l’impulsion de Maria, il découvrira une autre dimension de la vie, plus divertissante. Artiste, Maria se produit sur scène et rapporte les deniers au couple dont Horace peut bénéficier pour s’épanouir intellectuellement. Or un jour, voilà que les rôles s’inversent. Horace s’engage dans une activité requérant adresse et force physique, et gagne sa vie de cette façon, tandis que Maria se fait reconnaître par ses talents d’écriture.


Head and shoulders
est une nouvelle méconnue de Francis Scott Fitzgerald. Il ne me semble pas, par ailleurs, qu’elle ait été traduite en français. Assez courte, elle traite d’une situation atypique où un jeune couple est confronté aux problèmes d’argent et d’épanouissement personnel. Ce qui m’intéresse particulièrement dans cette histoire est la distribution sexuelle des rôles de chacun. Pour moi, là est bien l’intérêt. En effet, Fitzgerald fait du Fitzgerald et j’avoue que je n’adhère que moyennement au style du monsieur. Mais bref.

   Ainsi, Horace est un intellectuel brillant. En bon intellectuel, il est taciturne et d’une certaine façon détaché des réalités. Préférant son bureau aux sorties nocturnes il est l’antithèse de Maria, artiste s’accommodant très bien avec les planches. Or, il apparait que l’une des activités est plus rentable que l’autre. Alors, s’ils font bien partie d’un même corps, la « tête » d’Horace est heureusement bien reposée sur les « épaules » de Maria. Cependant, un jour Horace sort de sa léthargie et se fait reconnaître pour ses talents d’athlète. Il devient les « épaules ». Maria, elle, se « découvre » le goût de l’écriture et s’y engage corps et âme.

   En d’autres termes, Head and shoulders est l’histoire de l’épanouissement individuel dans le couple. « Traditionnellement », l’homme était plutôt le pourvoyeur de revenu, celui qui pouvait s’exprimer sur la place publique, faire valoir ses capacités intellectuelles. Or pour ce faire, il se construisait en opposition à sa partenaire, dominée socialement et s’exprimant davantage à l’intérieur du foyer mais relativement invisible publiquement tant qu’elle en perdait une certaine forme d’existence sociale. Je connais assez mal l’évolution des droits des femmes en Amérique, aussi je ne m’étendrai pas. Ce modèle était bien sûr plutôt récurrent à l’époque où Fitzgerald a écrit sa nouvelle. Pour plus de précision sur ces sujets, je vous renvoie au livre de François de Singly, Le soi le couple et la famille dont j’ai parlé ailleurs sur le blog. Justement, ce qui est intéressant avec cette nouvelle est que cette dichotomie n’est pas si évidente. Chaque activité des membres du couple fait écho à une forme de reconnaissance sociale mais aussi dans la relation. Ainsi, Maria connaissait une forme de gloire et des rentrées d’argent, mais Horace demeurait plus valorisé en tant qu’intellectuel. L’inversement des rôles change la donne. Horace trouve une existence publique qui lui faisait défaut en empiétant sur l’ancien terrain de sa compagne, c'est-à-dire la prestance physique. Au contraire, ne pouvant plus exister pour ses qualités d’artiste, Maria trouve un nouvel écho critique dans la littérature. Les deux partenaires sont ainsi sur une forme d’égalité apparente et peuvent se valoriser en tant qu’individu.

Là est peut être l’enseignement de cette histoire : chaque membre d’un couple n’est pas réduit qu’à cette dimension. L’existence publique, qui passe donc par la reconnaissance de ses pairs d’une ou plusieurs qualités reconnues, est nécessaire pour se valoriser soi même. Bien sûr, on n’est pas obligé d’être l’auteur de bestseller ou star de cinéma. Mais l’épanouissement de la relation de couple passe par l’épanouissement individuel, débarrassé de certaines contraintes. Ce qui est une position assez novatrice pour l’époque de Fitzgerald.

note :

Les Murmures