Toute la pureté du blues africain irrigue le nouvel album deBoubacar Traoré. La voix bluesy mélange la densité les eaux du fleuve Niger aux feelings du Delta et des grandes cités américaines.
Le jeu de guitare du Mandingue inspiré prend source au départ dans le déferlement des notes cristallines de la kora malienne. Le styliste intègre très vite couleurs et phrasés des grands bluesmen noirs américains: Blind Willie McTell, Robert Johnson, et surtout, il adapte les à-coups rythmiques du Chicagoan Muddy Waters. Son dernier album Mali Denhou, encore davantage que les précédents, transfigure les souffrances et les joies du Blues. A la fin des années soixante, Traoré est déjà une star. Les tubes, comme Mali Twist, font danser la génération qui découvrait la liberté. En 1968, un coup d'Etat militaire balaie le régime socialiste de Modibo Keita. Les chansons de Boubacar disparaissent des ondes. Revenu sans un sou dans sa ville natale, Kayes, en pays Kassonké, au nord-ouest de Bamako, près de la frontière avec le Sénégal, Boubacar devient travailleur agricole. Il émigre: il passera deux ans à Paris comme ouvrier du bâtiment. Un producteur anglais le retrouve. Ils enregistrent Mariama en 1990. L'album impose les inflexions déchirantes de l'artiste: la carrière décolle. Boubacar Traoré enregistre 6 albums.L’enregistrement du dernier, Mali Denhou, a été réalisé dans une ambiance chaleureuse et concentrée en juin 2010, au Studio Moffou de Salif Keita, à la périphérie de Bamako. La voix au timbre nimbé de nostalgie de Boubacar enveloppe les chansons. Rien à envier aux ballades de Robert Nighthawk. Les premières prises se sont déroulées dans les conditions du live. Le casting musical regroupe le groupe de tournées de Boubacar depuis plusieurs années. On retrouve le complice Madieye Niang à la calebasse. Vincent Bucher à l'harmonica complète la touche bluesy. Le Français figure au palmarès des meilleurs harmonicistes actuels. Inspiré par Little Walter et Sonny Boy Williamson, Bucher a déjà rejoint sur scène des bluesmen américains de renom: Eddie Shaw, Louisiana Red, Magic Slim, Melvin Taylor, Robert Lockwood Junior. En France, le Bluesman a accompagné le légendaire guitariste Pat Boudot-Lamot. Il a également monté un duo avec le franco-malgache Tao Ravao et accompagné de nombreux artistes africains, Lobi Traoré (avec qui il a enregistré 2 albums), Henri Dikongué, Tom Diakité. Technicien hors pair au jeu intense, l'harmonica ajoute émotion et fluidité au discours.
Deux musiciens de la scène bamakoise enthousiasment : Fassery Diabaté (au balafon), et Mahamadou Kamissoko (à l'n'goni). Les virtuoses rejoignent régulièrement le groupe du grand Ballaké Sissoko. Leurs volutes apportent les parfums âpres et capiteux du Sahel au style qui pour avoir puisé dans les eaux du Mississsipi, franchit les frontières géographiques.
Quand il rentre de ses tournées internationales, Boubacar Traoré, surnommé Kar Kar par ses pairs, rejoint la terre sur la colline de Bamako. Le Muddy Waters malien élève des moutons et cultive les légumes. Sa priorité, selon ses dires. Un Bluesman rural, le Monsieur. Un vrai...Bruno Pfeiffer
En concert à Paris, La Cigale, le 4 mars
Crédit photo : Sébastien Rieussec