Une catastrophe qui a changé le regard sur l’espace.
Discrčtement, les Etats-Unis évoquent ces jours-ci le 25e anniversaire de la catastrophe de la navette spatiale Challenger. Soixante-treize secondes aprčs son décollage depuis le Kennedy Space Center, elle avait explosé dans une gerbe de feu et de nuages blancs, sous le regard pétrifié d’une foule joyeuse et passionnée.
Ce devait ętre, en effet, une mission particuličre, placée sous le signe de l’espace utile au service d’une super puissance au mieux de sa forme, celle des années Reagan triomphantes. Instantanément, tout s’est arręté, ŕ commencer par la vie de sept astronautes, parmi lesquels Christa McAuliffe qui était sur le point de devenir, symboliquement, la premičre enseignante de l’espace.
Le choc fut rude. Aujourd’hui, un quart de sičcle aprčs ce moment effroyable, et sans oublier qu’une autre navette connut plus tard une défaillance fatale, la NASA et la communauté spatiale tout entičre n’ont évidemment rien oublié de l’événement. Soudain, il était apparu que l’accčs ŕ l’espace, exploit technologique d’une ampleur sans précédent, se faisait dans un environnement hostile. Et chacun comprenait que les risques étaient et resteraient considérables.
Avant Challenger, la NASA avait dű admettre ŕ ses dépens que l’appellation navette était mal choisie. D’une navette elle n’avait que le nom, tant sa mise en oeuvre s’était avérée complexe et délicate. Mission aprčs mission, les exigences opérationnelles ne connurent pas la simplification souhaitée, bien au contraire. Cela avec des conséquences financičres dommageables. Restait une formidable saga, un défi sans cesse recommencé, ŕ présent sur le point de se terminer, sur un constat que les esprits chagrins sont tentés de qualifier d’échec.
Le ŤShuttleť, en effet, a rendu d’inestimables services en faisant appel ŕ une maničre de faire désormais dépassée. Mais, curieusement, la NASA n’a pas été capable d’assurer la relčve, ses errements aboutissant, récemment, aux hésitations puis ŕ l’étonnante volte-face de l’administration Obama en matičre de politique spatiale. Dans quelques mois, l’accčs ŕ l’ISS, la station spatiale internationale, dépendra totalement de lanceurs russes, un extraordinaire paradoxe.
La perplexité qui résulte de cette situation est considérable. Elle suscite de grands débats, faute d’initiatives, de décisions concrčtes. Mais il y a davantage de raisons de s’interroger, de s’étonner, ŕ condition d’élargir le débat. Challenger tout d’abord, Columbia ensuite, furent victimes d’accidents qu’il serait malvenu de limiter ŕ des coups durs strictement spatiaux : ce furent des accidents, au męme titre que ceux qui frappent de temps ŕ autre les transports aériens. Une remarque de bon sens qui, ŕ elle seule, pourrait justifier l’établissement de passerelles entre deux mondes qui auraient beaucoup ŕ partager.
Challenger a explosé ŕ la suite d’un enchaînement de circonstances comme les maîtrisent bien les enquęteurs aviation. Une succession de problčmes souvent d’apparence mineure qui, découverts au fil des investigations, mis bout ŕ bout, conduisent un jour ŕ l’irrémédiable. Le froid qui s’était abattu cette nuit-lŕ sur le Kennedy Space Center eut, certes, des conséquences dramatiques, mais cela en raison d’une faiblesse de conception et, par ailleurs, de graves défaillances dans la chaîne de commandement de la NASA. L’autorisation de procéder au lancement n’aurait pas dű ętre donnée.
Vingt-cinq ans plus tard, Challenger est encore ŕ l’origine de précieux enseignements. Encore faudrait-il prendre la peine de tendre l’oreille.
Pierre Sparaco - AeroMorning