Sport et intégration : essai transformé ?

Publié le 03 février 2011 par Mcetv

Le sport n’est pas efficace comme intégrateur social. C’est ce que tendrait à montrer une étude de l’agence pour l’éducation par le sport présentée au Sénat

Club de foot cherche jeune Zinedine Zidane…

Le sport est un vecteur d’intégration sociale et joue un rôle irremplaçable dans la prévention de la violence. Une croyance renforcée, en juillet 1998, par l’exploit des Bleus : la France black-blanc-beur championne du monde, une preuve que le modèle fonctionne.

Pour le sociologue Gilles Vieille-Marchiset, « dans les années  90-2000, quelques études nous avaient mis la puce à l’oreille sur l’efficacité réelle de cette politique qui arrangeait tout le monde : l’État et les villes mettaient de l’argent dans des clubs et ne s’interrogeaient pas sur son utilité ».

En effet, le Ministère de la jeunesse et des sports ne se prive pas pour relayer la moindre initiative : création du brevet d’animateur sportif,  emplois aidés pour les associations sportives des quartiers et multiplication des complexes sportifs.

Mais le sport citoyen a depuis rencontré un adversaire redoutable : le sport business. Les millionnaires du jeu ont parfois détourné la vocation des clubs les mieux intentionnés. « Beaucoup ne pensent qu’à détecter des petits Zidane sans s’inquiéter de pédagogie et de formation pour ceux qui ne deviendront pas champions du monde » appuie Jean-Philippe Acensi.

Des hauts et débats

En ce qui concerne l’intégration sociale, il est de bon ton d’affirmer que le sport est un moyen de canaliser la violence dans les quartiers en difficultés, souvent qualifiés d’ « enclaves », et de favoriser l’unité.

Jean-Philippe Acensi, créateur de « Fais-nous rêver », agence de l’éducation par le sport qui vise à promouvoir des projets d’insertion, décide de ne pas se contenter de cette bonne conscience collective : « On vivait sur un malentendu. Beaucoup d’initiatives formidables voyaient le jour, mais on observait aussi que nombre de clubs financés par l’État ou les collectivités locales vivotaient sans lien réel avec le quartier ou bien travaillaient sur des bases contraires à la volonté d’origine : hyper sélection des jeunes en fonction de seuls critères sportifs, recrutements de joueurs totalement extérieurs au quartier ».


L’agence a lancé une étude sur l’impact de 24 clubs installés dans des zones urbaines sensibles. « Les résultats nous ont confortés dans notre intuition, il reste beaucoup à faire pour que l’argent dépensé, soit vraiment utile », explique Jean-Philippe Acensi. « Une subvention ne sert à rien si on n’en suit pas les effets. Nous voulons aussi que les intervenants dans ces clubs, bénévoles ou salariés, soient mieux reconnus, mieux aidés et mieux formés. Sinon, ils risquent de se décourager et d’abandonner le quartier aux trafiquants de toutes sortes. »


Même si les effets de la pratique sportive sont loin d’être négligeables, ils dépendent du contexte de leur organisation, des caractéristiques et des compétences de ceux qui les mettent en œuvre. Sans réelle volonté publique, le transfert des vertus supposées du sport à d’autres domaines de la vie sociale est davantage de l’ordre des représentations que des réalités.

Yann Sokamessou


Photo CC @DZFoot35