il réitère la fin de non-recevoir à la remise en cause de l’état d’urgence et de l’interdiction de manifester à Alger, même s’il ne conçoit pas de relation entre l’une et l’autre décision : “Nous n'avons jamais pris de décisions au nom de l'état d'urgence qui réduisent, limitent ou portent atteinte aux libertés individuelles ou collectives.”
Pourtant, que l’interdiction ne se réfère pas à l’état d’urgence, cela ne change pourtant rien à cet état de fait que les marches dans la capitale ne sont pas tolérées.
Zerhouni a une raison précise pour justifier la prohibition des manifestations publiques dans la capitale. “Nous avons tiré les leçons du 14 juin 2001”, déclare-t-il.
Et quelles sont les leçons du 14 juin? La marche du 14 juin n’a pas fait qu’inspirer l’interdiction des rassemblements citoyens à Alger, du temps du gouvernement Benflis. Elle fut aussi l’occasion, pour le pouvoir de concocter une nouvelle recette répressive particulière contre les manifestants du 14 juin : celle qui consistait à embarquer des islamistes, sabre au
clair, sur les toits de fourgons de police, à pousser des escouades de délinquants à charger les manifestants et à justifier ensuite, le plus officiellement du monde, la mise sur pied de milices improvisées, comme une initiative “des Algérois pour défendre leur villes” !
Il y a dans l’expression de Zerhouni l’avantage de la sincérité, tant il a le sens de la bravade, propre à ceux qui conçoivent la politique comme une suite de démonstration de force du clan.
Alors, il le dit clairement, comme sur un ton du défi: “L’état d’urgence ne sera pas levé.” À l’heure où tous les peuples soumis à des régimes de même culture politique que le nôtre, et dont certains ont été érigés en “modèles” par notre pouvoir, ont fini par se convaincre qu’il n’y a plus rien à attendre de ces autocraties, les Algériens seraient donc les seuls à se contenter de réitérer leurs vœux, depuis toujours méprisés, de réformes !
Il y a bien des chances que la perche tendue par les organisateurs de la prochaine marche, celle qui consiste à revendiquer la levée de l’état d’urgence, serve au vice-Premier ministre à botter en touche. Même s’il sait que la question de l’heure n’est plus dans la liberté de manifester : les circonstances régionales l’ont résolue.
À ce sujet, son propos est toujours instructif : il n’est
pas convaincu que la marche du 12 sera interdite. À moins
qu’il ne soit convaincu que la marche interdite ne sera
pas empêchée. Ou ne pourra pas être empêchée. Sinon pourquoi préciserait-il que cette manifestation est “officiellement” interdite et que ses organisateurs auront à “assumer leurs responsabilités” ?
On comprend la retenue que nos dirigeants s’imposent. Il n’y a rien à communiquer sinon la déroute politique. Ils ne savent à quelle question répondre : celle, imminente, concernant la gestion de l’expression populaire ou celle, en suspens, mais inéluctable, touchant au changement de système ?
Chronique de Mustapha Hammouche