"Le vrai rapport" de Pierre Maudet sur la politique suisse de sécurité

Publié le 02 février 2011 par Francisrichard @francisrichard

Qui est Pierre Maudet ici ? Il est né en 1978, est marié, a deux enfants, et est membre du Conseil administratif, c'est-à-dire de l'exécutif, de la ville de Genève, depuis 2007. Il est à la tête de département de l'Environnement urbain [sic] et de la sécurité.

Quelle est sa formation ? Il a un Master bilingue de droit de l'Université de Fribourg.

Quelle est son expérience professionnelle ? Quasi nulle. Il se présente comme Consultant indépendant, ce qui ne veut rien dire, et tout dire. Sur le plan militaire il est Capitaine dans les troupes de sauvetage, dont la fibre militaire est connue pour être ténue. Il a été Responsable du Bureau des surprises [sic] dans le cadre des manifestations de l'an 2000.

Le portrait de l'homme [dont la photo provient d'ici] ne serait pas complet si l'on n'ajoutait pas qu'il est membre du Parti libéral-radical, que c'est un européiste convaincu - il a pleuré, à 14 ans, quand il a appris le rejet par le peuple suisse de l'adhésion à l'Espace économique européen en 1992.

Sur son blog, Pierre Maudet commence sa présentation de lui-même ici en ces termes :

"Chaque matin, lorsque je me rends à mon bureau de la rue de l’Hôtel-de-Ville, je suis conscient d’avoir une chance énorme : celle de pouvoir agir tous les jours, directement, concrètement, pour une meilleure qualité de vie à Genève."

Charles Poncet lui répond dans une lettre ouverte qu'il lui a adressée dans L'Hebdo du 27 janvier 2011 :

"Pendant que vous paradez un "bilan satisfaisant" de la "sécurité municipale", le peuple de Genève ne sort plus dans les rues le soir venu."

Ecce homo.

En toute modestie, car l'homme est modeste à tous points de vue, Pierre Maudet a présenté Le vrai rapport ici sur la politique de sécurité du pays, lors d'une conférence de presse, le 17 janvier 2011. Ce rapport, aux dimensions modestes, 22 pages, se veut une réponse cinglante au projet de rapport sur la politique de sécurité 2010 iciRAPOLSEC 2010, 88 pages, publié par le Conseil fédéral le 14 avril 2010, qui serait par conséquent Le faux rapport.

A lire le "vrai" rapport de Pierre Maudet force est de constater que le constat qu'il fait est faux. Le constat étant faux, les solutions proposées ne peuvent qu'être fausses.

Quel constat Pierre Maudet dresse-t-il ?

- La Suisse serait isolée parce qu'elle a refusé de faire partie de l'Union européenne, cette construction archaïque qui craque de toutes parts et pour laquelle il a les yeux de Rodrigue. Or la Suisse a tout de même conclu avec l'Union européenne des accords bilatéraux et elle en est le troisième partenaire derrière les Etats-Unis et la Chine. Ce qui crée des liens... et permet de mesurer son isolement.

- La Suisse ne serait plus considérée comme neutre sous le prétexte fumeux que "sa neutralité a perdu sa raison d'être, car dénuée de sa substance de base". Elle devrait lutter avec les autres nations démocratiques contre les grouspuscules terroristes islamistes, qui la considèrent de toute façon comme une ennemie, parce qu'elle est occidentale, chrétienne et riche, et perçue comme une adversaire de l'islam.

Rappelons à ce jeune homme la définition de la neutralité figurant sur le site de la Confédération ici :

"La neutralité permanente est un principe de la politique étrangère de la Suisse. Elle sert à garantir l’indépendance de la Suisse et l’inviolabilité de son territoire. En contrepartie, la Suisse s’engage à ne pas participer à une guerre opposant d’autres Etats."

Or cette neutralité, telle qu'elle est ainsi définie, est bien reconnue par tous les autres Etats du monde, à l'exception notoire de la Libye, bien sûr, ce qui est tout de même substantiel. Mais il est "vrai" que les terroristes, eux, islamistes ou pas, ne respectent rien...

- La Suisse serait vulnérable parce qu'elle n'aurait pas de cohérence stratégique. Il n'en veut pour preuve que l'affaire libyenne où la Suisse aurait manqué "surtout d'alliés". En fait elle n'a pas manqué d'alliés, mais ces alliés lui ont surtout fait défaut parce qu'ils ont préféré leurs intérêts économiques à leur honneur, crise oblige.

Pierre Maudet fait l'inventaire des "vraies" menaces pour le pays :

- cyberattaques

- terrorisme et extrémisme

- crime organisé

- catastrophes naturelles 

Toutes menaces qui figurent pourtant en bonne place dans le projet de RAPOLSEC 2010...

La différence de taille est que le sieur Maudet ne croit pas au danger possible d'invasion territoriale :

"On peut raisonnablement affirmer qu'à l'horizon des 50 prochaines années, le risque d'une attaque terrestre classique par voie terrestre, émanant d'un pays voisin, a disparu."

Or c'est le genre de prophétie qu'il est bien hasardeux de faire dans l'époque de turbulences que nous traversons. D'autres, en leur temps, avaient parlé, dans le même genre, de fin de l'Histoire...

Phillippe Barraud a bien raison de dire sur son blog, Commentaires.com ici, que, même si le pire n'est jamais sûr, il vaut mieux en matière de Défense se montrer prudent : 

"En contradiction avec l’optimisme arbitraire et béat de nos experts à la mode, je crois que nous allons vers un monde de plus en plus dominé par le manque et la pénurie (d’énergie, d’eau potable, de ressources minérales et agricoles, de produits de la mer), qui conduiront nécessairement à des guerres non pas cybernétiques, mais à des guerres très classiquement territoriales." Toujours est-il que les solutions préconisées par ce bonimenteur professionnel coulent de cette source. Puisque la menace d'attaque terrestre est minime et inimaginable dans les 50 années à venir, seul "un noyau de défense traditionnel" doit être maintenu. L'armée peut être réduite à 20'000 hommes contre 190'000 actuellement, sans compter les réservistes. Ce qui rendra pourtant la Suisse encore plus vulnérable. L'armée de milice n'aura plus de raison d'être. On trouvera bien 20'000 volontaires pour remplir les rangs de cette armée squelettique. Voire. Puisque la Suisse est isolée et qu'elle n'est plus neutre, autant qu'elle ne soit plus indépendante du tout et qu'elle soit sous la coupe de ses grands voisins. Une armée réduite à une portion congrue fera l'affaire. Dans ces conditions, on aura bien besoin des autres européens, s'ils ne nous attaquent pas, pour se défendre et, qui sait, peut-être sera-t-on alors bien obligé d'adhérer à l'Union européenne, pour se sentir moins seul, ce dont Pierre Maudet rêvait déjà quand il était petit...  Francis Richard