Pour réfléchir à la pénurie de logements actuelle, voici un exemple de densification applicable à Paris, intra-muros.
La transformation d''un immeuble ancien, de 4 à 6 étages, construit au début du XXéme siècle, s'organise, en plusieurs étapes, de la manière suivante:
-Autour de l'immeuble, en tentant de respecter les partis pris architecturaux (corniche, balcon par exemple), sur la façade côté cour comme sur celle côté rue, on va installer une seconde "peau", permettant d'accroître fortement son isolation thermique. A l'intérieur de cette peau, on va installer des poteaux qui vont servir de support aux étages qui vont être rajoutés au-dessus.
-Les étages supérieurs vont être modifiés pour accueillir deux ou trois autres étages supplémentaires, construit en bois (pour leur légèreté), isolés de la même manière. Ces transformations vont être l'occasion, si nécessaire, d'installer ou de modifier l'ascenseur utilisé. Ce rajout de structure sera toléré par le bâtiment d'origine, grâce à sa légèreté et à la structure de soutien contenue dans la peau extérieure.
-Surplombant les étages rajoutés, le toit sera plat et végétalisé. Il supportera aussi des petites éoliennes urbaines à axe verticale et quelques panneaux solaires. Ce toit servira essentiellement à une production maraîchère à destination des habitants de l'immeuble, utilisant leur propre déchets organiques (compost)
-Le rajout de la peau extérieur et le toit végétalisé vont faire de cet immeuble une structure passive, qui n'aura pratiquement pas besoin de chauffage.
-La production électrique sera assuré par les éoliennes et les panneaux solaires. L'immeuble sera pourvu aussi de réservoir d'eau récoltant l'eau de pluie. Ces réservoirs seront situés dans les sous-sols de l'immeuble et sous le toit végétalisé. Ce double système sera équipé d'un système de pompage-turbinage entre les deux réservoirs qui permettra de "lisser" la production électrique sur 24 heures, en récupérant l'énergie produite la nuit grâce au vent pour alimenter la journée l'alternateur répondant aux besoins électriques des habitants de l'immeuble.
-On pourra aussi adjoindre, lors de la transformation, un deuxième réseau d'eau, récupérant les eaux usés (douche, machine à laver) pour les recycler ou, à si cela semble préférable, équiper l'immeuble de toilettes sèches.
Cette description peut sembler une douce utopie, un rêve d'architecte délirant, au budget sans limite.
Il n'en est rien pour plusieurs raisons:
-la recherche d'autonomie (en énergie, en eau) correspond à des économies dans les dépenses collectives de réseau. Cette autonomisation des habitants de l'immeuble, limitera les investissements pour améliorer des réseaux globaux de plus en plus complexes à construire et à entretenir.
-Devant la croissance des populations et les difficultés de circulation,l 'augmentation du nombre d'étages correspond à la nécessité de densifier les centres-villes. Il est trop coûteux et trop lent de détruire les immeubles vétustes et d'en reconstruire des nouveaux. Il est préférable de transformer l'existant.
-le coût de ces rénovations peut sembler important mais, dans une ville comme Paris, où l'immobilier est hors de prix, le financement de ces transformations sera assuré en grande partie par la vente des nouveaux appartements des étages supérieurs.
-la rénovation, généralisée et progressive, des immeubles haussmaniens de la capitale sera une formidable opportunité de relance économique. L'adage, "quand le bâtiment va, tout va" s'appliquera une nouvelle fois, avec les milliers d'emplois nécessaires. De plus, elle fournira d'autres revenus et emplois pérennes grâce aux productions énergétiques et maraîchères réalisés sur les toits des immeubles rénovés.
Quelle politique publique, dans ce projet, peut permettre son lancement, son succès, sa généralisation?
-Il faut d'abord des règles d'urbanisme profondément modifiées et simplifiées, qui assouplissent les multiples règlementations qui s'opposeraient à ce type de projets.
-ensuite, il faut imaginer un système incitatif de financement qui permette d'"amorcer la pompe" des investissements nécessaires. Aujourd'hui, endettés, les pouvoirs publics et les entreprises sont incapables de fournir les liquidités nécessaires pour déclencher ces opérations.
On aura recours, alors, au système des contributions incitatives, décrites dans un autre article, et adapté à la communauté d'intérêts que constitue les professions du bâtiment. Ce système alimentera le début du financement de ces rénovations, relayé ensuite par la vente des appartements supérieurs. La baisse des coûts, par effet d'économie d'échelles, permettra alors de lancer les mêmes types d'opérations, dans des immeubles de centre-ville de province où le prix de l'immobilier ne permettait pas auparavant de lancer ce type d'opération.
Cette stratégie de relance économique par le bâtiment vert respecte des principes essentiels pour réussir:
-une majorité d'experts insiste sur le fait que le combat contre les dégagements de gaz à effets de serre se gagnera plutôt par la recherche d'économie que par la production de nouvelles énergies.
-la densification des espaces urbains est un enjeu majeur du siècle dans la mesure où la population continue son augmentation et que les enjeux de mobilité vont devenir de plus en plus tendus.
-le coût des réseaux de toute sorte, entrants (électricité, eau potable, gaz, ...) comme sortants (eau usé, poubelle, ...) ne cesse d'augmenter, alors que les possibilités de financer leur extension ou leur mise aux normes diminuent.
-les politiques urbanistiques traditionnels, qui consistent à reconstruire les îlots vétustes, après rachat, sont beaucoup trop lentes et coûteuses, pour répondre aux défis urbains que nous rencontrons.
-les propriétaires des appartements actuels doivent devenir des acteurs moteurs de ces rénovations, il faut pour cela les inciter fortement à agir par des politiques fiscales qui favorisent le déclenchement de ces opérations et sanctionnent l'inertie et l'attentisme qui prévaut trop souvent.
Les stratégies de reconquête des centre-villes par rénovation et élévation des immeubles existants sont donc parfaitement appropriés aux enjeux qui nous attendent dans les décennies à venir.
Pour prolonger cet exemple, voir les autres articles consacrés à l'habitat et à l'urbanisme.