Sarkozy. L'hypocrisie ou la nausée ?

Publié le 02 février 2011 par Letombe

L'actualité a ceci de terrible qu'elle peut télescoper des faits sans rapport apparent auxquelles les défaillances d'un gouvernement donne finalement une cohérence. En l'occurrence, l'hypocrisie des plus hautes autorités du pays semble être la ligne de conduite commune dans des affaires aussi disparates que la disparition de la jeune Laëtitia, la situation du mal-logement ou les faux débats provoqués par le libéral Jean-François Copé.
Et la nausée n'est pas loin.
Pornic : Sarkozy est ému, mais radin
Le scandale de Pornic fait grand bruit. Des membres du corps découpé d'une jeune fille ont été retrouvés mardi 1er février près de Saint-Nazaire, dans un endroit qui serait habituellement fréquenté par le suspect Tony Meilhon. Nicolas Sarkozy s'était déjà saisi de l'émotion populaire, il y a 8 jours, sans connaître ces résultats de l'enquête. Lundi, ses ministres de l'intérieur et de la justice avaient annoncé 7 mesures dont une suscite déjà les critiques : la mobilisation de magistrats et greffiers retraités, pour faire face au manque d'effectifs dans la chaîne pénale a été jugée « grotesque » par les syndicats. Effectivement, la proposition est cruelle quand on se souvient de l'indignation si forte de Nicolas Sarkozy qu'il réclamait une nouvelle loi.
Sarkozy est pris au piège de son jeu et de son bilan : même si l'affaire dramatique de Laëtitia reste un cas statistiquement isolé, le nombre de violences aux personnes ne cesse de croître depuis 2002. Et même si Sarkozy se laisse envahir par son émotion personnelle pour crier haut et fort sa détermination contre l'inacceptable, il se laisse finalement rattraper par ses incohérences budgétaires qui lui font réduire les moyens de la justice et de la sécurité. Dans l'affaire de Pornic, on a répété, y compris en haut lieu, que les services de probation et d’insertion des détenus sont débordés, au point de classer les dossiers jugés non prioritaires comme celui du suspect Tony  Meilhon. La première des 7 mesures gouvernementales annoncées lundi fut d'ailleurs d'interdire tout « choix dans la priorité des dossiers confiés aux conseillers d’insertion et de probation qui soit fondé sur la nature de l’infraction commise ». Au service de Nantes, rapporte le journal 20 minutes, « quelque 800 dossiers avaient ainsi été écartés, dont celui de Tony Meilhon, le suspect numéro 1 dans l’affaire Laëtitia
Alors, Monsieur le Président, quelles sont vos réelles priorités ? L'outrance électorale ou la résolution des problèmes ?
Pouvoir d'achat : Sarkozy se tait
Quel sera le pouvoir d'achat des Français en 2011 ? Les mauvaises nouvelles s'accumulent. Le candidat du Travailler Plus pour Gagner Plus se tient coi. Après la hausse des mutuelles, les nouveaux déremboursements de médicaments à vignette bleue, la hausse très modérée des minima sociaux, et le relèvement de la TVA sur les offres ADSL (entrée en vigueur ce 1er février), voici que les péages des autoroutes ont augmenté leur tarif ce mardi de 2,24% et la SNCF ses billets de TGV de 2,85% dès la semaine prochaine. Selon l'Association professionnelle des autoroutes et ouvrages routiers (Afsa), 0,17% de l'inflation autoroutière serait la stricte répercution d'une nouvelle « taxe d'aménagement du territoire » qui doit apporter 35 millions d'euros par an aux trains inter régionaux déficitaires (Corail, Téoz, trains de nuit Lunéa).
Quel sera le pouvoir d'achat des mal-logés ? La fondation Abbé-Pierre vient de livrer mardi son 16ème rapport annuel sur l'état du mal-logement en France. La bilan, comme toujours, n'est pas fameux. Il s'est même aggravé depuis 2008, à cause de « chute de la construction » . Les auteurs notent aussi que le fameux « Plan Marshall annoncé en 2007 n’a toujours pas vu le jour ». Ils dénoncent « l'extension de la crise du logement.» La récession a évidemment joué son triste rôle. Mais la Fondation Abbé Pierre livre quelques conclusions sur la politique du logement de Nicolas Sarkozy et, notamment, la priorité donnée à l'accession à la propriété. Primo, « l’État s’est déchargé de la responsabilité des fonds de solidarité pour le logement sur les départements qui, contraints par leurs difficultés financières tendent, par diverses mesures, à limiter les possibilités d’accès à ces fonds.» Le même jour, Nicolas Sarkozy s'exprimait justement devant des maires du Cher, ... pour mieux justifier le gel des dotations des collectivités locales.
Secundo, le gouvernement a fragilisé les ménages les plus exposés. Ainsi, note la Fondation, il a adopté « des mesures concernant le logement qui renforcent l’insécurité des plus fragiles. Il en est ainsi par exemple de la fongibilité des prestations de la CAF. » En l'occurrence, les services sociaux peuvent ponctionner un trop-perçu au titre d'une aide (par exemple les allocations familiales) sur une autre (par exemple, l'aide au logement), accentuant la précarité des ménages les plus modestes. La Fondation dénonce aussi l'économie de 240 millions d’euros réalisée par le gouvernement en supprimant la rétroactivité de 3 mois des aides au logement décidée l'an dernier. Elle critique aussi la récente refonte du Prêt à Taux Zéro (PTZ), désormais ouvert à tous sans condition de ressources ! Elle attaque plus globalement la ̀« privatisation des difficultés de logement ». Sur le soutien à l'accession à la propriété, le rapport n'est pas tendre. Ses auteurs rappellent une évidence oubliée par Nicolas Sarkozy : l'augmentation du « droit de passage » pour obtenir le statut prisé de propriétaire. La faiblesse de l'offre de logement, allié à un soutien à l'emprunt, n'a fait qu'aggraver la situation : « En raison de la progression des coûts immobi- liers et des apports limités des ménages, on as- siste à une généralisation et à une banalisation de l’endettement (dans 85 % des cas, l’accession s’effectue par le recours à l’emprunt). »
Dans sa feuille de route pour 2012 (G20, agriculture, insécurité, dépendance), la précarité du logement n'est pas évoquée par le candidat Sarkozy. Jamais le candidat Sarkozy n'a évoqué le sujet dans ses nombreuses déclarations de voeux de l'année. Faut-il qu'il soit amnésique de ses propres promesses et aveugle de la réalité ?
Copé, la « boîte à idées » de Sarkozy
Dans un entretien sur RTL, la ministre de l'Economie a expliqué que ce n'était « pas le moment » de relever la TVA pour financer l'assurance sociale et alléger les cotisations sur les salaires. « Une augmentation de la TVA entraînerait une augmentation immédiate du volume des prix alors qu'on n'aurait pas immédiatement une diminution des charges sociales ». Elle réagissait à une nouvelle proposition de Jean-François Copé, le secrétaire de l'UMP. Ce dernier a été mandaté par Nicolas Sarkozy pour « agiter » le camp présidentiel et montrer que l'UMP n'est pas une coquille vide. Tout y passe (35 heures, statut des fonctionnaires,...) sauf l'essentiel. Et comme Nicolas Sarkozy reste très silencieux, tout occupé qu'il est à paraître reculé et présidentiel avant la campagne officielle, il faut donc lire et écouter Copé pour comprendre ce qui se trame en Sarkofrance. 
Ainsi, le secrétaire désigné de l'UMP n'a pas d'idée sur une refonte de la fiscalité des revenus (il ne pense qu'au transfert du financement de l'assurance sociale à la TVA). Il n'a rien à dire sur l'incroyable injustice du système fiscal français actuel où les « informés » (ménages les plus riches, ou grandes entreprises) payent proportionnellement moins que les autres. Il reste bien indulgent avec les expatriés fiscaux (« Je ne suis pas de ceux qui disent : ce sont des mauvais Français. Je pense que c’est un constat d’échec. Quand ils déménagent, ils ne vont pas en Chine, mais en Suisse ou en Belgique. Juste à côté. C’est rageant. »). Il n'aime pas la taxation du patrimoine, fut-il élevé et hérité (« payer un impôt sur quelque chose que l’on détient mais qui ne vous rapporte rien…il fallait l’inventer !»). Sur la lutte contre la précarité, il reste sans proposition : « Il n’y a pas de baguette magique, ça n’existe pas
Sur l'insécurité, il se permet de critiquer à mots couverts (une vraie surprise !) : « Le premier, c’est tout ce qui touche aux moyens disponibles, qui ne sont pas vraiment bien organisés.» Mais il reste sur l'argument primaire de Sarkofrance : ce n'est pas une question de moyens, mais d'organisation et d'application : « Cette question de l’application des peines va devenir un grand débat.» Sur l'éducation, même topo. Ne lui parlez pas des moyens, comme pour la police ou la gendarmerie, même si le nombre de naissances en France se maintient à niveau exceptionnelle comparé à nos voisins européens : «  ces histoires d’effectifs, on nous les sort à tous les étages. Pour moi, le vrai sujet, c’est la considération des enseignants.»
Pour Nicolas Sarkozy, le vrai sujet est-il la considération des électeurs ?

Sarkofrance

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