Se tromper ça arrive à tout le monde et l’adage le dit bien : nous apprenons de nos erreurs. À condition de les admettre puis d’essayer de les comprendre. Celles des autres sont instructives aussi : qui n’a jamais vu quelqu’un prendre la même décision que soi auparavant et a voulu le mettre en garde ?
C’est de cette idée que Ingénieurs Sans Frontières Canada (Engineers Without Borders) est parti pour lancer sa nouvelle plate-forme web : Admitting Failure.
J’aime vraiment beaucoup l’initiative. Cela permettra une véritable capitalisation de tout ce qui y sera publié. Auparavant, il fallait chercher les rapports annuels et les rapports de mission pour fouiller et trouver autant les réussites que les ratés. Personne n’a le temps de faire ça en montant un projet !
Maintenant au moins, certaines erreurs seront mises en avant permettant de ne pas les reproduire. Parce que ce n’est pas toujours facile de débarquer sur le terrain — parfois dans une culture complètement différente, sinon dans un milieu dont on ne connaît pas forcément les enjeux — et de savoir comment sensibiliser ou mobiliser des populations.
Quels sont les tabous dont ils ne parlent pas même si on creuse et qui font tout rater ? quelle est la bonne manière de présenter le projet pour faire adhérer le public cible ? La préparation était bonne à la base ou l’analyse s’est faite sans aller sur le terrain ? ce ne sont que des exemples simplistes… surtout dans un univers qui a beaucoup changé ses pratiques dans les 15 dernières années. Cela devrait permettre d’assurer la transition du simple développement, parfois un peu hasardeux, à un véritable Développement Local qui s’avère généralement plus durable.
Le site a été lancé le 14 janvier et sa popularité progresse à grande vitesse sur le web ! Les premières réactions des autres ONG et des médias sont très positives, avec un accueil très chaleureux. Du côté des donateurs aussi : EWB a gagné de nouveaux donateurs qui se sont dits agréablement impressionnés par la volonté de transparence de l’organisation; ils veulent de l’honnêteté.
Maintenant je vous laisse lire, une traduction de la présentation du site (EN) :
« Pourquoi un aveu d’échec est la clé de la réussite
Une erreur est commise quelque part en Tanzanie rurale. Elle n’est pas rendue publique – un donateur pourrait être « bouleversé ». Deux ans plus tard, la même erreur est répétée au Ghana. 6 mois plus tard au Mali. Et l’histoire continue ainsi pendant plus de 60 ans.
Un agent du département de l’eau dans les régions rurales du Malawi a une idée radicalement nouvelle pour aider les collectivités à investir dans les réparations. Un bureaucrate de niveau intermédiaire au ministère britannique du Développement international arrive avec un plan audacieux visant à modifier les exigences de déclaration pour l’un de leurs bénéficiaires. Un agent de projet d’une ONG internationale écrit une note proposant un projet pilote qui cible uniquement les agriculteurs prêts à commercialiser. Mais aucun d’eux ne partagent leurs idées, car l’échec lié à l’innovation n’est pas récompensée dans le développement.
En cachant nos échecs, nous nous condamnons à les répéter, et à étouffer l’innovation. De cette façon, nous nous condamnons à perpétuer une sous-performance dans le secteur du développement.
À l’inverse, en admettant nos échecs — par un partage public, pas comme des actes honteux, mais comme des leçons importantes — nous contribuons à cultiver un développement où la défaillance est reconnue comme essentielle à la réussite.
Les bailleurs de fonds — grands et petits donateurs — peuvent mieux comprendre et soutenir les travaux qu’ils financent. Institutions et acteurs individuels peuvent en apprendre davantage les uns des autres, et essayer des approches plus innovantes — tout en évitant de répéter ce qui a déjà été essayé ou alors en tentant l’expérience en toute connaissance de cause.
La compétition en recherche de fonds dans le secteur de l’aide a donné lieu à une «mauvaise pratique» : le secret. Ce site et ceux qui le soutiennent tentent de corriger cette erreur, et de créer une meilleure pratique d’ouverture, de transparence et d’honnêteté. Nous sommes solidaires. Nous sommes du même côté dans la lutte contre la pauvreté, l’inégalité et la souffrance inutile sous trop de formes. Admettons nos échecs pour obtenir de plus grands succès.
Proposez vos Défauts maintenant
Ce site a été conçu et créé par Ingénieurs Sans Frontières Canada. Il est destiné à la collaboration entre des ONG aux buts similaires, les gouvernements, les donateurs et les acteurs du secteur privé. Nous souhaitons qu’il dépasse rapidement la participation d’un seul organisme, mais en attendant nous sommes heureux d’investir le temps et les ressources nécessaires pour l’aider à évoluer.
C’est véritablement un « work-in-progress ». Nous sommes à l’écoute de feedbacks honnêtes et d’idées. Et nous accueillons des collaborateurs et toute l’aide utile. S’il vous plaît n’hésitez pas à nous contacter. »
Au début je me suis dit qu’il serait bon aussi de créer un volet sur de franches réussites ; mais cela ouvrirait la porte à une tentative de compensation : difficile de résister à publier une success story pour équilibrer son bilan face à un échec.
En espérant que le message sera plus qu’entendu et qu’il portera ses fruits. Avec la récente polémique autour d’Aides, entre autres, il est peut-être bien de se rendre plus transparent et ainsi de prouver son honnêteté. Ainsi un peu d’humilité alliée à une collaboration franche et honnête pourrait vraiment dynamiser ce milieu qui ne porte pas toujours bien le nom de « solidarité ».
Un autre vœu de ma part : que la communication soit enfin intégrée comme véritable outil de mise en œuvre des programmes et sorte du carcan du marketing social et de la recherche de fonds… Après tout, écouter, comprendre, répondre, sensibiliser, mobiliser, intégrer, aller vers les autres sont toutes des actions de communication !
par Caroline Squarzoni
2 février 2011