Tout commence sur un contexte politique brûlant, à savoir l'entre-deux tours des élections présidentielles. Le FN monte en puissance et le ton est donné : Xavier Gens ne va pas y aller avec le dos de la cuillère. Puis, alors que l'on se demande si le fantôme du navrant Sheitan de Kim Chapiron ne défile pas devant nos yeux, le réalisateur prend le spectateur à contre-pied !
L'arrivée à l'auberge, lieu où le film bascule, va remettre clairement les pendules à l'heure. Dans le sillage d'un Massacre à la tronçonneuse qui rencontrerait Hostel, Xavier Gens prend le taureau par les cornes et envoie tout ce qu'il a dans le ventre. Qu'il s'agisse de délires personnels ou de références cinématographiques, le jeune réalisateur s'en donne à coeur joie. Le plaisir transpire de la pellicule. Ambiance cradingue, montage cut, photographie rouillée et suintante, musique diabolique, personnages, bons ou méchants, complètement barrés ... Frontière(s) cumule les bons points pour nous envoyer dans l'espace durant 1h45. D'un point de vue formel, la réussite est indéniable. Images chocs, barbarie extrême, hémoglobines à gogo, violence percutante voire parfois légèrement insoutenable, morale hardcore : le contrat est aisément rempli, même si l'on se demande vraiment pourquoi le film se retrouve estampillé sur l'affiche d'un avertissement maousse costaud qu'il ne mérite pas (on repense forcément au cas Irréversible). En effet, si Gens excelle dans le genre, son film oscille avec intelligence entre second degré et sérieux grandiloquent, ce qui confère au long métrage cet étrange sentiment de malaise. Etrange mais jouissif. Plaisir de cinéphile et de curieux, Frontière(s) multiplie les genres : horreur, comédie, clins d'oeil, action HK à l'image de la gunfight finale... Tout y passe. Alors forcément, tant de bonnes choses pour une grande première sur grand écran ne peuvent pas non plus se retrouver exemptes de quelques défauts. Frontière(s) en cumule quelques uns, mais ils sont inhérents à tout premier films. Gens n'évite pas certains clichés, certaines maladresses de style. Il n'évite pas LE gros obstacle, à savoir : le caractère un peu trop "chien fou" de son oeuvre. A trop vouloir bien faire et tout faire, le réalisateur s'éparpille parfois un peu trop. Heureusement, ces quelques petits "parasites" ne perdurent pas non plus. Et, au final, c'est bien cette fureur et cet amour, pour le cinéma de genre, qui remportent aisément la mise. Frontière(s) réussit en quelques plans à foudroyer le spectateur. Un joli tour de force. L'un des autres atouts de Gens pour ce premier long métrage s'avère être son casting, aussi jeune que riche en contre-emplois. Du côté des nos jeunes héros : Karina Testa, dans un rôle très dur, alterne fragilité et puissance. Elle se surpasse. Maud Forget est juste épatante de complexité. David Saracino et Chems Dahmani se partagent le bagou et le naturel décomplexés de leur personnage. Aurélien Wiik quant à lui est d'un charisme insolent et extrêmement prometteur. Forcément il y a beaucoup de jouissances venant du contre-emploi des "seniors". Qu'il s'agisse de Samuel Le Bihan en bourreau ravagé (un peu faux au début, puis furieusement énorme) ou d'Estelle Lefebure, transcendée comme jamais : tous sont au top, sans parler de Jean-Pierre Jorris, dans un rôle délicat mais royal. L'ensemble frise la démence. Impeccable... Frontière(s) offre au final 1h45 de folie sanguinaire et cinéphilique. Certainement pas du goût de tous, mais imparable pour les autres. Un Xavier Gens convaincant, qui n'a plus qu'à mûrir encore un peu pour éblouir totalement. Un démarrage extrêmement prometteur, digne de le faire figurer aux côtés d'Alexandre Aja dans le rôle de réalisateur couillu et talentueux du moment, cousin lointain des Kounen and co. Ouf, le cinéma français a encore de quoi se défendre. Ce film hurle qu'ici aussi, ça existe, la soif d'un certain cinoche !
Pourquoi y aller ?
Pour les références et hommages par milliers. Pour les interprétations, pleines de fureur et de charisme. Pour la réalisation inspirée. Pour le montage acéré et le cut des séquences chocs.
Ce qui peut freiner ?
Le scénario balisé. Les quelques excentricités et maladresses. L'aspect too much du gore, qui ne peut pas plaire à tout le monde.
Pitch : Alors que l'extrême droite est sur le point d'arriver au pouvoir, de jeunes banlieusards commettent un braquage. Poursuivis par des flics hargneux, les membres de la bande dépassent la "frontière" de leur propre violence. Ils s'enfuient en voiture et débarquent dans une auberge perdue en pleine forêt, à la limite de la "frontière" luxembourgeoise. Les tenanciers de cet étrange établissement, accueillants dans un premier temps, vont peu à peu montrer leurs vrais visages : celui de la folie et de la mort ! Crochets de boucher, porcs agressifs, coups de flingue mal placés, armes blanches aiguisées à l'extrême, cannibalisme déjanté, néo-nazi sur le retour : les potes vont devoir affronter la douleur absolue et dépasser la les limites de l'horreur la plus extrême. Tout ça dans un seul et unique but : survivre. Ou mourir vite ! Notre avis : Premiers pas de Xavier Gens sur grand écran, Frontière(s) est une belle grosse baffe, un vrai film de genre(s), de fan, bourré de références à outrance. Une oeuvre viscérale, très éprouvante et jouant sur différents degrés. Malgré de nombreux petits défauts et un scénario archi balisé, l'ensemble se démarque haut la main et nous rassure sur une certaine santé de notre créativité...