PREAMBULE
En France, en Europe et dans le monde, les crises financières, sociales et écologiques qui se succèdent sont la démonstration des échecs du capitalisme et de la concurrence «libre et non faussée » sacralisée que l’on nous impose depuis des décennies.
Dans cette lutte sans fin au profit d’une minorité, les populations payent le prix fort. Partout, les services publics, les protections sociales sont la cible des agressions les plus violentes, car ils sont un symbole de prééminence de l’intérêt général, de progrès social et de solidarité. Depuis quatre décennies, les inégalités – que le service public contribue normalement à réduire – n’ont fait que croître.
C’est bien une inquiétante régression qui s’installe. Tant sur les plans économiques qu’écologiques, que sur ceux des droits et des libertés fondamentales, surtout pour les populations les plus dominées, marginalisées ou démunies (peuples du « Sud », personnes âgées démunies, femmes, réfugié(e)s et migrant(e)s, travailleurs(euses) précaires…).
Face à cette offensive de grande ampleur, les populations se mobilisent pour ne pas payer la note d’une crise dont elles ne sont pas responsables et pour construire des alternatives. Dans le domaine des politiques publiques de nombreuses luttes sociales ont eu lieu et se poursuivent : la santé, les retraites, l’éducation, la recherche, la Poste, l’énergie, l’eau, la petite enfance, le logement, la culture, les transports, etc.
Si nous voulons éviter la barbarie, la désespérance et le fatalisme, si nous voulons que les résistances et les luttes débouchent, il nous faut opposer et proposer un autre projet de société dont le Service Public est un des éléments moteurs.
A la priorité donnée aujourd’hui à l’accumulation des profits au bénéfice d’une minorité, nous opposons l’exigence de la satisfaction des besoins sociaux du plus grand nombre par une autre répartition des richesses.
Le Service Public est en effet seul capable de répondre à une définition et gestion démocratique des biens communs, et d’assurer la satisfaction des besoins fondamentaux de chacun sans discrimination d’aucune sorte, origine, croyances, et opinions philosophiques. L’élaboration et la mise en œuvre de l’intérêt général, la redistribution des richesses qu’il induit, la solidarité qu’il nécessite et mobilise, l’implication populaire qu’il exige, participent de la construction d’une société démocratique et durable, tant pour les humains que pour les ressources de la planète.
Partie prenante des luttes et convaincues qu’à partir d’elles il faut ouvrir un large débat de société sur le Service Public du 21ème siècle une quarantaine de syndicats, d’associations et de partis politiques, s’appuyant sur tous les mouvements sociaux et d’usagers concernés, ont lancé l’Appel pour des États généraux du Service Public.
A l’issue d’une première année de débats, de mobilisations, réunis à Orly les 29 et 30 janvier 2011, ils adoptent le « Pacte du Service Public » suivant.
- Le service public a pour objectifs la satisfaction des besoins prioritaires des populations, concrétisés par des droits (droits civiques, droits sociaux, droits économiques, droits environnementaux et culturels) et de l’intérêt général, défini démocratiquement par les citoyens et leurs élus, dans une volonté et une recherche de liberté, d’égalité, et de solidarité.
Dégagés des contraintes du marché et du profit, les services publics contribuent à un développement économique participant à la fondation d’un État social, dans une société juste, solidaire, redistributive, garante des libertés publiques, sans discrimination et respectueuse de l’environnement.
Aucune réelle égalité, notamment entre les hommes et les femmes, entre les territoires, n’est possible sans services publics évolutifs, de qualité et de proximité. Dans cette perspective, nous nous engageons à soutenir, par une mobilisation associant tous les acteurs concernés, celles et ceux, qui se battent pour la création de nouveaux services publics, qui résistent ou s’opposent à leur destruction ou à leur affaiblissement.
- Des services publics de l’énergie, de l’eau, des transports, des télécommunications, de la Poste, du logement, du crédit, de l’emploi sont à reconstruire.
Il faut stopper le démantèlement des services publics de la petite enfance, l’Éducation, la Recherche, la justice et la santé et au contraire les développer et les améliorer.
Il faut refonder un service public de l’information et de la culture, soustrait à l’emprise des pouvoirs politique et économique et garant d’un pluralisme politique et d’une diversité culturelle effectifs.
Il faut également de nouveaux services publics, définis avec les personnes concernées, pour faire face aux défis liés à la révolution de l’information, à l’émergence d’une société de la connaissance, aux exigences écologiques sans précédent, et aussi à l’allongement de la durée de vie et au vieillissement, aux mouvements migratoires.
- Tous les dispositifs de protection sociale doivent relever d’une logique publique dans leur évaluation, leur financement et leur gestion.
- Pour chaque service public, il convient de regarder quel est le niveau territorial le plus pertinent pour sa mise en œuvre par et pour les populations, notamment pour assurer le lien avec les citoyens, mais aussi pour s’assurer que ce niveau permette une réelle égalité sur tout le territoire et garantisse la mise en œuvre de l’intérêt général et la défense de la planète. Quel que soit le niveau territorial dont ils relèvent, les Services Publics doivent permettre à tous, un plein accès aux services rendus, dans le respect des principes qui sont les leurs : égalité, continuité territoriale, capacité d’évolution dans la qualité du service rendu, solidarité. À ces principes qui fondent l’identité des S.P. il faut ajouter la laïcité, la proximité, la transparence de la gestion et son contrôle par les élu(e)s, les usager(e)s et les personnels.
- Nous refusons tout dispositif qui fasse perdre à la puissance publique le plein contrôle du service rendu, de sa tarification, des investissements à consentir, ainsi que des conditions de travail et d’emploi des agents et de la place effective pour les usagers dans la définition et l’évaluation du service.
- Les services publics, les politiques publiques doivent permettre une répartition des richesses qui garantit l’effectivité des droits. Le financement de services publics n’est pas une charge, c’est un investissement qui manifeste une confiance dans l’avenir et assure une redistribution des richesses.
Cela passe notamment par une fiscalité (nationale et locale) juste, fortement progressive, par une taxation des revenus et actifs financiers non taxés à ce jour, par une véritable taxation des revenus du patrimoine et par une suppression des niches fiscales profitant aux hauts revenus et aux multinationales.
Cela passe également par la remise en cause d’exonérations de cotisations sociales, et d’aides injustifiées aux entreprises.
Cela passe par le retour à la maîtrise publique de la politique monétaire et du crédit.
Cela passe aussi par une tarification qui tienne compte à la fois des péréquations nécessaires et des situations sociales.
Dans un souci de justice sociale les systèmes tarifaires ne doivent pas exclure la gratuité lorsque le service concerne de fait toute la collectivité publique, et doivent prévoir des mesures de non facturation des minimums vitaux de services pour les personnes en difficulté.
La défense et l’extension de la sphère de la gratuité, parce qu’elle impose des choix et s’oppose à la logique marchande, parce qu’elle oblige et favorise une citoyenneté active, constitue une des batailles importantes dans les années à venir.
- Il est nécessaire de sortir du «tout marchand», mais également de contrer tout État bureaucratique et technocratique coupé des besoins réels et du contrôle des populations. L’État doit être conçu comme un « faisceau de services publics » (Léon Duguit) et être fondé sur une réelle démocratie, représentative et participative. Si «Là où est la propriété là est le pouvoir ! » il convient que ce pouvoir soit celui du peuple.
Nous plaidons donc pour l’appropriation sociale des services publics ; celle-ci passe par un transfert juridique de propriété à l’État ou une collectivité publique mais ne saurait s’y réduire. Elle doit, en effet, s’accompagner d’une extension de la démocratie : intervention des travailleurs dans la gestion ; participation des populations, définition des missions et des orientations des services, entreprises et organismes concernés par le débat des assemblées compétentes (nationale, régionale, départementale, municipale voire internationale), etc. Il s’agit aussi de donner aux citoyen-ne-s -usager-e-s, salarié-e-s, élu-e-s- de nouveaux droits pour exercer une démocratie effective avec pour objectifs : – une véritable égalité dans l’accès à ces services et leur plein usage, sur tout le territoire, – la garantie de leur qualité et de leur efficacité, – une vraie collégialité dans toutes les décisions.
- La caractéristique commune de tous et toutes les salarié-e-s du secteur public (le quart de la population active en France) est que leur situation est définie par la loi et non par le contrat au sens du code du travail. Il en est ainsi parce que les fonctions et activités exercées relèvent de missions de service public, elles mêmes inspirées par l’intérêt général exprimé sur le terrain politique à l’issue d’un débat démocratique. C’est cette spécificité qui caractérise l’agent public. Il doit être l’agent, et le garant de la mise en œuvre d’une égalité réelle, de la continuité, de la qualité. C’est à ce titre que nous nous opposons à toute précarité et demandons que le même niveau de garanties soit reconnu dans le statut général des fonctionnaires (État, territoriale, hospitalière). Les conditions de travail, d’emploi, de formation et de rémunération doivent viser aux mêmes finalités et notamment permettre d’assurer à tous et partout un service de qualité.
Ceci doit être mené de façon convergente avec la construction d’un « statut des salarié-e-s du secteur privé » sur des bases, à la fois homogènes et différenciées.
- Notre bataille pour le Service Public s’inscrit dans le cadre français, européen et mondial. Notre époque est celle d’une prise de conscience par les peuples de l’unité de leur destin. Nombre de biens et de services sont appelés à entrer dans le patrimoine commun de l’humanité ce qui appelle une large appropriation sociale et la mise en œuvre de services publics partout dans le cadre d’une planification démocratique.
Réunis à Orly les 29 et 30 janvier 2011,
les associations, syndicats et partis, les représentants des collectifs locaux, signataires de
l’Appel pour des États Généraux du Service Public
Décident de faire connaitre partout, dans les lieux de vie (villes, villages, quartiers…) et de travail, et au travers de débats ouverts au plus grand nombre ce « Pacte du Service Public ». De le porter dans la mobilisation populaire pour le Service Public.
Proposent à tous les réseaux (associatifs, syndicaux, politiques) qui luttent pour une véritable transformation sociale de s’en saisir pour travailler ensemble, au niveau local, national, européen et mondial à une contre- offensive convergente, concertée et durable, afin de défendre et de promouvoir le service public.
Proposent de soumettre à signature ce pacte, et de tout faire pour le traduire en loi constitutionnelle. Ils proposent une pétition (500 000 signatures) demandant au Conseil Économique Social et Environnemental l’ouverture d’un débat national.
Se fixent comme objectif de faire de 2011 une année d’initiatives de toute nature
et de mobilisation populaire en faveur du service public, et pour cela :
- De soutenir et de populariser toutes les luttes et les mouvements de résistance et de développement des SP, compatibles avec ce Pacte, qui se multiplient contre la démarche d’affaiblissement, de privatisation, de marchandisation du service public actuellement à l’œuvre.
- Notamment le 11 mars pour le petite enfance avec le collectif « pas de bébés à la consigne »,
- Le 19 mars dans l’éducation à l’appel du collectif « Un pays, Une école, notre avenir »
- Le 2 avril dans la santé à l’appel de 80 organisations à l’initiative de la Coordination Nationale des hôpitaux et maternités de proximité.
- De s’inscrire dans le contre sommet au « forum mondial de l’Eau » à Marseille en 2012.
- De faire connaître, par tous les moyens dont elles disposent, les nouveaux champs de services publics qui s’ouvrent dans le monde ainsi que toutes les innovations développées notamment par des collectivités et par les agents du service public pour améliorer la qualité et favoriser l’égalité d’accès réelle.
- De proposer aux collectivités territoriales, d’organiser localement, un « Festival des SP » destiné à populariser la diversité et la richesse des SP existants, les innovations et reconquêtes, ainsi que les besoins non satisfaits.
- D’interpeller sur ce Pacte les candidat-E-s aux différentes élections, les organisations syndicales, les partis politiques, et les associations en charge de services publics et sociaux.
- D’intervenir dans les débats européens contre la prééminence donnée à la « concurrence libre et non faussée », qui assure la primauté de la rentabilité économique sur le social dans la construction de l’Union européenne et pour défendre la construction d’une Europe plus solidaire dont les services publics soient une des pierres angulaires. Cette dimension européenne de notre combat sera la nouvelle étape des EGSP.
- De faire entendre leur point de vue et leurs expériences dans le cadre de la construction d’ « Un Agenda mondial pour des Services Publics de Qualité » proposé par la Confédération Syndicale Mondiale, ainsi que dans tous les forums sociaux et autres instances internationales qu’ils jugeront nécessaires.
Elles travailleront, enfin, dans la suite de toutes ces initiatives, à la construction d’une manifestation d’ampleur nationale, à l’automne 2011 pour imposer ce Pacte dans le débat politique et citoyen.
Les EGSP proposent que leur prochaine réunion nationale, permettant de faire le point et de décider de la manifestation nationale se tienne le 11 juin à Bagneux et ils proposent à cette occasion à toutes les collectivités territoriales engagées dans la lutte pour le Service Public et contre l’Accord Général du Commerce et des Services (AGCS) de venir témoigner et populariser leur combat.
Pacte soutenu par : Appel des appels /AITEC association des ingénieurs techniciens et cadres) /ANECR association nationale des élus communistes et républicains / ACRIMED Action critique médias /ACU Association des communistes unitaires /Association Nationale du Sport / ATTAC / CADAC Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception / CELSIG Comité Européen de Liaison sur les Services d’Intérêt Général /CNAFAL Conseil National des Associations Familiales Laïques /CNDF collectif national pour le droit des femmes / Convergence Nationale de défense et développement des SP / Coordination Nationale des Hôpitaux et Maternités de Proximité / Coordination EAU Ile De France / Fondation COPERNIC / Europe Ecologie- Les Verts / FASE fédération pour une alternative sociale et écologique / Fédération Finances CGT / Fédération CGT des SP / FSU fédération syndicale unitaire / Gauche Avenir /GU gauche unitaire / IRFSU institut de recherche de la FSU /Les ALTERNATIFS / LDH ligue des droits de l’homme / MRAP mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples / M’PEP mouvement politique d’éducation populaire / NPA nouveau parti anticapitaliste / PCF parti communiste français / PG parti de gauche / PS parti socialiste / République et Socialisme / Résistance Sociale / UNION SYNDICALE SOLIDAIRES / UFAL union des familles laïques / UDB union démocratique bretonne / UGFF CGT union générale des fédérations de fonctionnaires / UNRPA union nationale des retraités et des personnes âgées / USP union syndicale psychiatrie