Art sonore, disparition de maître rolf julius

A LA MÉMOIRE DE ROLF JULIUS

Le 21 janvier dernier, à l'age de 72 ans, disparaissait Rolf Julius, immense artiste allemand d'ailleurs assez injustement méconnu.

Sans doute de fidèles lecteurs de Des Arts Sonnants et les adeptes des événements liés à l'art sonore connaissent-ils l'existence et l'œuvre de celui qui fut un fer de lance de l'art sonore, mêlant très tôt installation plastique et compositions musicales. Néanmoins malgré quelques grandes expositions monographiques ces dernières années, l'artiste reste assez méconnu en regard de l'importance de son œuvre. 

Rolf Julius était tout à la fois un sculpteur, travaillant la pierre comme le métal, ou le bois, avec finesse et discrétion, voire une certaine humilité. Pas ou peu de grande machines spectaculaires chez Rolf Julius, plutôt des installations minimales, mêlant étroitement et finement sculpture et son.

De par son apprentissage musical très influencé par la musique électroacoustique, il reliera ainsi la recherche de matière sonore, le grain du son, à la matière minérale, ou à l'objet haut-parleur qui sera l'objet de nombreuses recherche et mises en espace.

Parmis ses œuvres emblématiques, on retiendra celles présentant des gros hauts-parleurs suspendus, dont les grésillements électroacoustiques mettront en vibration une poudre de graphite répandue sur leurs membranes vibrantes. Cette fine danse de poussière noire, en symbiose avec les sons qui l'animent représente assez bien ces territoires esthétiques où se croisent le son, sa représentation visuelle, plastique, physique, vivante, et l'objet transmuteur esthétique qui vient focaliser tout à la fois le regard et l'oreille.

Rolf julius a ainsi suspendu de nombreuses configurations de HP, dans divers lieux auxquels il donnait une nouvelle perception, par le regard et l'écoute. Ces installations in situ jouaient comme de vrais révélateurs d'espaces, en l'animant de ces bruissements aussi ténus que présents.

Très souvent, l'artiste développera des relations entre les éléments minéraux et le son issus de micros HP, vivant en quasi symbiose avec la pierre, comme si cette se mettait à chanter dans une sorte de land art à l'esprit zen, poétique et envôutant.

Il semble en effet que Rolf Julius était très lié à une nature tellurique qui vibrait discrètement mais très sensiblement en lui, et sans doute en chacun d'entre nous, ce qui nous faisait ressentir, au contact de ses œuvres, ces étranges et douces vibrations émanant au plus profond de nos corps.

Rolf Julius aimait parfois montrer et mettre en scène une certaine profusion, même si celle-ci ne se montrait pas hégémonique, écrasante, mais plutôt comme de doux entrelacs d'objets, de fils, de matières, que parcouraient inlassablement d'infimes vibrations frissonnantes, comme un flux d'énergie vitale.

Rolf Julius se produisait également dans des concerts performances, où il explorait les moindre recoins de la matière sonore, ses relations avec l'espace, le lieu, l'architecture, silence compris.

Mais je m'arrèterais ici dans cette tentative de cerner une œuvre si riche et si humainement sensible, qu'un ouvrage n'y suffirait sans doute pas.

En espérant que des galeries, musées, FRACS ou autres institutions et événements rendent hommage à Rolf Julius en programmant, diffusant ou exposant des œuvres de cet artiste qui a véritablement créé un langage sonore et pictural des plus importants de ces dernières années.

Bernard Girard, grand spécialiste de la musique contemporaine et des arts sonores nous avait concocté une belle émission "Dissonnance" sur Radio Aligre, dédiée à Rolf Julius.