Europe et voisinnage

Publié le 01 février 2011 par Egea

Les commentateurs (dont je suis: voir ici) dissertent sur le Maghreb, l'Égypte, le Porche Orient.

On évoque aussi les grands acteurs extérieurs et leur politique défiée : France (Tunisie), États-Unis (Égypte), Israël (tout le monde arabe), ...

Et l'Europe ?

Élargissons le spectre :

1/ Bien sûr, on constate un gigantesque échec de la politique méditerranéenne. L'UPM (Union Pour la Méditerranée) était déjà tellement mal en point qu'on avait relancé le 5+5. Et encore, relancé est un grand mot. Et pourtant, souvenez-vous, l'UPM avait été contrecarrée par toute l'Europe du nord, au motif qu'il fallait éviter un découplage....

22/ Les souvenirs (récents) des déchirures irakiennes, avaient donc incité la France à en rabattre, à faire un machin élargi, à admettre une co-présidence avec l'homme fort du sud : Hosni Moubarak . Dans le même temps, on "renforçait" la politique de voisinage, l'outil européen pour dialoguer avec ses confins. Il faut dire qu'alors, l'hypothèque turque pesait encore plus, et qu'on était à la recherche d'un moyen d'avoir des marges (si on me permet ce jeu de mots).

3/ Qu'observe-t-on aujourd'hui ?

  • une Biélorussie qui a instrumenté de belle façon les avances européennes en rompant à l'issue des récentes élections.
  • une Ukraine qui s'est déclarée non-alignée, manière d'habiller son retour dans un giron russophile.
  • une Turquie qui a tiré les conséquences des tergiversations européennes et a lancé une politique néo-ottomane, remettant en cause la laïcité européenne au profit d'une sorte de protestantisme musulman.
  • un Hezbollah qui, W. Joumblat aidant, rompt avec le gouvernement pro-occidental pour retourner dans une proximité syrienne.
  • un Israël qui n'écoute plus personne, et surtout pas les Européens, eux moins que personne.
  • et dorénavant, un Maghreb qui s'enflamme, et pas vraiment, malgré les espérances des candides, en faveur d'un Occident encore habillé d'un gros ressentiment. On remarquera au passage que les deux pays qui détonnent le plus sont ceux qui ont vu passer le plus de touristes occidentaux, et leur image individualiste et richissime.... (de ce point de vue, le Maroc présente des points comparables).

4/ Disons les choses simplement c'est toute la politique de voisinage qui est en train d'imploser. Le vide européen s'affiche aux yeux de tous, et à force d'avoir tout négligé, au motif d'un irénisme béat et d'une technocratie intelligente mais non-politique, on en arrive à cet isolement croissant, et inquiétant.

5/ Car si on pouvait encore se poser la question des frontières de l'Europe, il y a cinq ou dix ans, elle n'existe définitivement plus aujourd'hui. Il n'y a plus d'attraction européenne. Notre modèle n'attire plus. Et plutôt que de moquer les Français ou les Américains, il faut surtout constater cet affaissement collectif. Peut-être est-ce nécessaire, aller vraiment tout en bas pour forcer le sursaut.

O. Kempf