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Hommage ambigu aux langues régionales

Publié le 02 février 2011 par Edgar @edgarpoe

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"A Nice, la principale artère commerçante a été récemment rebaptisée, et l'on peut lire sur la plaque : "Avengueda Jouan Medecin. Consou de Nissa 1928-1965". C'est, dans le contexte français, une initiative politiquement correcte que de rappeler aux passants que les gens du cru parlaient autrefois un patois provençal proche de l'italien et d'évoquer, au nom de l'identité de la ville, cette langue. Mais Jean Médecin, maire de Nice entre 1928 et 1965, ne s'intéressait pas particulièrement aux coutumes ou dialectes locaux, n'utilisait pas la forme niçoise de son nom ou de son titre. il était français et francophone, comme la plupart de ses administrés. C'est un exemple entre mille où un faux passé est substitué au passé réel pour des raisons motivées par le présent ; dans notre cas, l'historien peut au moins aider à remettre  la mémoire d'aplomb."

 Tony Judt, Retour sur le XXème siècle

Les défenseurs actifs des langues régionales sont pour moi un mystère. Quiconque souhaite apprendre le latin peut acheter un Gaffiot et se lancer (et a d'ailleurs intérêt à le faire parce c'est de moins en moins dans l'enseignement public qu'on l'enseignera). On imagine mal des manifestations régulières de latinistes, ou la lecture des voeux du président du parti de la nation latine.

Dans un monde déboussolé, ces phénomènes sont sans doute à rattacher à un besoin de commémoration également évoqué par Judt : "Actuellement, il se produit un phénomène nouveau. Nous commémorons bien plus de choses, nous ne sommes pas toujours d'accord sur ce qui doit être commémoré et de quelle manière, et alors que jusqu'à récemment (du moins en Europe), un musée, une plaque commémorative ou un monument étaient censés nous rappeler ce que nous savions déjà ou pensions savoir, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ils sont là pour évoquer ce que nous ne savons sans doute pas, ce que nous avons oublié ou ce que nous n'avons jamais appris. Nous vivons dans une peur croissante d'oublier le passé, de le voir s'égarer dans le bric-à-brac du présent. Nous commémorons un monde que nous avons perdu, parfois même avant de l'avoir perdu."

J'ai du mal à me départir, en vilain jacobin, d'une certaine ironie à l'égard des langues régionales. Peut-être ces manifestants nous font-ils reproche - à nous autres français plus soucieux de savoir le français et d'autres langues vivantes que le breton, l'occitan ou le basque - de ne pas avoir su offrir à ces langues un monument, une place dans notre mémoire, d'avoir voulu les refouler. Peut-être qu'un musée des langues de France aurait plus de sens qu'un musée de l'histoire de France.


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