Pour ce troisième numéro de notre revue aléatoire, le hasard facétieux choisit un autre film de Joseph Losey, le réalisateur d’Une anglaise romantique. Où et quand ai-je vu ce film (très) noir, dont le regard implacable sur la peine capitale annonçait Pour l’exemple ? Aucune idée.
Adaptation d’une pièce d’Emlyn Williams. Temps sans pitié (Time without pity, GB, 1957) est le quatrième film de l’exil anglais de Joseph Losey, qui fuyait McCarthy et la commission des activités anti-américaines. Après trois films tournés sous le pseudonyme de Victor Hanbury, Losey signe celui-ci de son nom. David Graham (très bon Michael Redgrave) rentre en urgence de sa cure de désintoxication pour tenter de sauver son fils, accusé du meurtre de sa petite amie et condamné à la pendaison 24h plus tard. Sans perdre un instant, Graham enquête dans l’entourage de son fils à la recherche d’une preuve, et se remet à boire.
Temps sans pitié est un film assez curieux, parfois impressionnant – grâce à des acteurs compétents (à l’exception d’Alec McCowen, qui en fait trop dans le rôle de David) et à la photographie expressionniste de Freddie Francis –, mais souvent pénible à force de musique lourde, de noirceur sans fond, de désespoir, de déchéance généralisée. Tous les personnages paraissent brisés, perturbés, victimes du temps qui détruit tout – partout des pendules, des horloges, des cadrans. Graham, plus que tout autre, semble d’avance condamné par sa pulsion d’avilissement, par cette violence qui l’habite, celle-là même, rappelait Deleuze dans L’Image-mouvement, qui conduisait M. Klein à sa destruction.