Ceux qui s'intéressent aux communautés de marque citent très souvent le cas remarquable de Harley Davidson. Si la communauté des motards par ses rites et ses organisations structure le marketing de Harley, elle n'en est que le moyen. Et dans le domaine on ne pourra pas oublier le travail réalisé par Bernard Cova sur Ducati.
Le cas de la Mutuelle des motards est plus radical, car cette entreprise d'assurance est le produit d'une communauté, un de ses prolongements. Le cœur du projet d'entreprise trouve ses racines dans le Mouvement des motards en colère qui a surgit dans les années 70, l'histoire de la mutuelle a été racontée dans ce livre.
Les consommateurs, lorsque le marché ne fournit pas ce qu'il devrait fournir prennent parfois l'initiative et fondent l'organisation qui leur délivrera les services attendus. Les marchés sont aveugles, les consommateurs ne les attendent pas. Cette situation est plus courante que l'on croit, c'est celle de nombreuses coopératives et une longue histoire les accompagnent, cela a été celui de la FNAC.
Pour la mutuelle des motards, ce qui est intéressant est que l'entreprise est désormais à la jonction. Elle a appris la réalité économique, et réussit manifestement le pari de faire d'une utopie un projet économiquement durable. Mais les motard ont changé, ce ne sont plus des barbus sales et contestataires. La passion passe la main à cette utilité maligne de circuler sur la quatrième voie du périphérique moins en gros cube qu'en scooter. Une nouvelle clientèle se forme qui use de la moto comme du smartphone : se faufiler dans les embouteillages, se glisser aux marges pour être plus efficace socialement. Si les valeurs de solidarité, de liberté, de passions se maintiennent ce sera sans doute avec d'autres définitions.
Il ne s'agit plus de faire admettre dans la société des pratiques marginales, mais de jouir d'une position incontestée pour créer un sentiment de confiance indiscutable et de maintennir l'engagement initial. La communauté a fondé l'entreprise, et je suis à deux doigt de penser que c'est la communauté qui va en assurer le futur après une petite journée passée avec les collaborateurs de la mutuelle. Une autre communauté qui se forge dans la plasticité de l'internet, se rassemble dans ses nœuds comme les motards savent sillonner les routes pour se rejoindre dans certains grands carrefours.
De ce cas et de cette rencontre, je retiens une chose : ceux qui profiterons des nouveaux médias, sont ceux qui disposent déjà d'une communauté. Le digital est une projection. Une matérialisation de ce qui est déjà indépendamment des techniques. Les techniques amplifient ce qui est déjà. Je fais le pari que la Mutuelle des motard sera une des entreprises les plus avancées dans la digitalisation des communautés, son socle est déjà prêt, reste sans doute à en préciser les modalités.
Un cas de plus qui nous apprend que désormais la gestion d'une clientèle ne peut se suffire d'une approche comptable, ce qui forme le portefeuille reste ce cœur passionné, les fans, les supporters, la foule des amis, ce noyau fidèle en dépit de tout, cette communauté qui peut mettre au-delà de l'intérêt le prix de l'opinion qu'on veut défendre. Alors disons le : le meilleur CRM n'est-il pas celui où l'actionnaire c'est le client?