Rouge dans la brume, de Gérard Mordillat : roman social et politique !

Par Davidme

 

“Rouge dans la brume” de Gérard Mordillat qui vient de paraître chez Calmann-Lévy est un très grand livre. Un livre très actuel, totalement dans son temps et en même temps un livre utopique. Il vient clore unetrilogie entamée avec “Les vivants et les morts”, et poursuivie avec “Notre part des ténèbres”. Comme Rudi des “Vivants…”, Gary dans “Notre part…”, Carvin de “Rouge dans la brume” est un ouvrier. Son usine va fermer et il se découvre une âme de combattant, une âme de résistant. Il harangue ses camarades, leur donne à penser, et tombe amoureux de la DRH de l’usine. Celle-ci opère elle aussi un travail sur elle-même et prend fait et cause pour les grévistes. Leur ennemi commun : ce capitalisme financier pour qui les hommes ne sont que des numéros et des variables d’ajustement.

Le propos paraît simpliste, mais il est très réaliste, très documenté et très actuel. Mieux, Mordillat nous invite à réfléchir. Devons-nous collectivement accepter de se faire ballader par des logiques financières et uniquement financière ? Question cruciale que certains trouveront désuette, mais qui est bel et bien au centre de notre actualité sociale et économique. La logique actuelle est très bien décrite par Anath, la DRH qui soutient les grévistes. “S’il y a une crise, ce n’est pas la crise du capitalisme qui se porte mieux que jamais, c’est une crise des moyens de production“. Puis elle interpelle : “Jusqu’à quand allons-nous accepter comme une vérité révélée ce qui n’est qu’une doctrine économique reposant sur l’exploitation des plus faibles par les plus riches ?

Mordillat à travers ses deux personnages, Carvin et Anath, questionne la société. Il y met une touche d’ironie, une touche d’amertum, une volonté de changer les choses. Son credo porté par les personnages de “Rouge dans la brume” : faire de la lutte locale une lutte globale. “La logique de la délocalisation est la même quelque soit le secteur économique, les ouvriers doivent s’unir“, dit Carvin. De même, Mordillat pose un regard passionnant sur les enjeux actuels et la société mondialisée. “La localisation, l’enracinement, les anciens, l’histoire, tout ça, c’est fini. Le mot d’ordre de la modernité c’est délocalisation ailleurs, n’importe où, nulle part (…). vos familles et moi, sommes désormais des particules en suspension emmenées par-ci, chahutées par-là au gré du vent du capitalisme. Voilà notre situation”. Et Carvin d’asséner : “quelle est la force des particules en suspension ? C’est la force de la poussière, la force du sable qui se lève en tempête, de l’infiniment petit multiplié par des millions. Nous devons être cette tempête qui grippera le système”.
Le propos est profond, l’écriture légère et les dialogues ciselés. Les scènes d’amour et de sexe sont aussi poignantes que les discours politiques. Loin du pathos le livre de Mordillat se lit comme un roman noir du social. C’est enlevé et poignant.
Surtout, comme tout bon roman noir, il résonne de manière puissante avec l’actualité immédiate et dans le cas précis avec celle de la gauche. Que doit-elle proposer pour 2012 ? Le réalisme ou autre chose ? On connaît les sympathies de Mordillat pour Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche, mais à la lecture son livre résonne aussi avec les idées défendues actuellement par Arnaud Montebourg. A savoir : le capitalisme coopératif, la démondialisation ou encore “la mise sous tutelle des banques”. Bref, “Rouge dans la brume” pourrait être le titre d’un livre sur le PS et la gauche, heureusement malgré son côté noir et dramatique, le livre est plein d’espoir. A lire !