Retour à la mare

Le gour opaque où s’abreuvent les vaches a-t-il mémoire de l’eau qui sourd dans l’herbe quelques mètres en amont ? Les joncs signalent son écoulement menu jusqu’à cet évasement d’argile, tellement plus modeste que dans le souvenir. Par intempérie ou par canicule, le sang clair de la colline s’épanche également en ce bouillon où mijotent la salamandre et le dytique.

Le pèlerin revoit les enfants d’hier battant l’eau pour naufrager des Titanic de ferblanterie, les repêchant d’une gaule de noisetier, remontant l’hélice, relançant l’esquif, mais la navigation tranquille n’amuse pas longtemps… On aimait aussi traquer les grenouilles granuleuses qu’on eût dites modelées avec la glaise du bord, assez malignes pour nous attirer au large où la vase ventousait les bottes.

Nul ne sait au juste ce que devient l’eau après la mare. Tout laisse à penser qu’elle s’écoule de partout dans la prairie, diffuse comme une sueur. Le poète élégiaque se plaît à croire qu’elle retourne sous terre après un séjour décevant à la lumière. L’enfant de la ville se laissait persuader que les vaches étaient postées là pour boire le trop-plein toutes les demi-heures, à tour de rôle, et cette tâche absorbante excusait assez les bonnes bêtes de se décharger par derrière au bonheur des mouches.