Lorsque ce livre est sorti en librairie en septembre dernier, je fus tentée de l’acheter, mais décidément, l’auteur m’est par trop antipathique. Je n’irai pas jusqu’à m’exprimer à son sujet de façon totalement inadmissible comme le défunt G. Frêche, mais je le dis tout net, je n’aime pas Laurent Fabius, et tout spécialement depuis sa position contre le référendum sur le Traité européen.
Mais voilà, le livre m’a été offert et je l’ai lu, d’abord par respect pour ceux qui me l’avaient offert puis, je l’avoue, par curiosité. J’y ai trouvé des analyses intéressantes, pas très originales toutefois, celles d’un amateur d’art intelligent et cultivé, qui s’est pris de passion pour la peinture sur le tard, et cet aveu en lui-même est assez sympathique pour être souligné.
Charmée, alors, voire conquise ? Non. A vrai dire, ce qui me plait, c’est le format modeste de l’ouvrage, le choix des reproductions qui manquent évidemment d’ampleur démonstrative mais permettent de bien suivre l’argumentation, par ailleurs relativement conventionnelle. Le programme est un peu vaste pour être défendu en profondeur : des frères Le Nain à Soulages, en passant par les peintres classiques du XVIIIème siècle, les Impressionnistes, Hergé.
Rien de bien décoiffant donc : pour Laurent Fabius, l’art « à la française » - puisque le sous-titre du livre est « regards sur DES tableaux qui ont font la France » - signifie avant tout élégance et raffinement. Parfois, le texte devient relativement scolaire : on sent renaître le travail de l’élève surdoué de Normale Supérieure passé par l’ENA.Là où l’analyse est la plus pertinente, c’est lorsque Laurent Fabius parle de ce qu’il connaît particulièrement bien : la politique et ses rapports avec la peinture. Ses réflexions devant le dessin du Serment du jeu de Paume de Jacques Louis David et, plus encore, sur la signification de la représentation du souverain sont passionnantes. On voit que, dans une autre période de sa vie, il y a beaucoup pensé…Et il est légitime de lui donner acte, aujourd’hui, d’un apparent renoncement. Il se réfère ainsi à une filiation avec Georges Clémenceau, amateur d’art ô combien éclairé, et à Claude Monet : ce n’est pas un hasard si la couverture de l’ouvrage montre L. Fabius devant « La Cathédrale de Rouen, le portail et la tour d’Albane, temps gris ». Le développement concernant la série des Cathédrale de l'artiste est tout aussi intéressant.
Donc, j’essaie de demeurer objective : le livre constitue une excellente entrée en matière pour un lecteur qui désire peaufiner sa connaissance de la peinture française et de ses œuvres emblématiques. Sur l’art moderne, c’est sans doute un peu court et pour la BD, très conventionnel, mais le chapitre existe et c’est déjà beaucoup. Je le conseillerai certainement à Jean-Baptiste, tout comme je conseillais Une histoire de France d’Alain Minc à tous ceux qui ont besoin d'un survol intelligent de nos fondements historiques pour mieux comprendre leur environnement politique et économique. C’est utile, cela se lit vite, cela pose l’auteur dans un registre inattendu et nous le rend indéniablement sympathique……Ce qui est sans doute le but recherché !
Le cabinet des Douze, par Laurent Fabius, Gallimard « témoins de l’art », 215p. 22,50€