J’aurais pu devenir quelqu’un.
Pourtant, je suis restée personne.
Mais vous me direz : « personne/quelqu’un ! Entre personne et quelqu’un, la limite est quelquefois si mince ! ».
Alors, quelle différence ça fait ?
Qu’est-ce que ça signifie, devenir quelqu’un ? Que veut dire rester personne ?
Pourquoi « quelqu’un » est-il toujours précédé du verbe « devenir » ?
Pourquoi faut-il automatiquement que l’on DEVIENNE quelqu’un ?
Pourquoi n’est-on pas né quelqu’un ?
Pourquoi pas quelqu’un, dès le départ ?
Et si personne n’était quelqu’un ?
Si quelqu’un n’était nulle part ?
Pourquoi personne ne nait quelqu’un ?
Pourquoi certains naissent-ils nulle part ? Nulle part, ça veut-il dire partout ? Partout où l’on est mis à part ?
PERSONNE est une nullité : manque, désertion de quelqu’un, de quelques uns…ou encore de tous.
Mais prenez donc quelques QUELQU’UN…et additionnez-les derechef. Voilà que ça donne QUELQUES UNS.
Et plusieurs QUELQUES UNS, à force d’empiler, ça vous donne TOUS.
Ainsi, pas de TOUS, sans au moins un petit QUELQU’UN au départ. Un petit QUELQU’UN quelque part.
Quant à PERSONNE, s’il n’est quelqu’un, cela veut bien dire que nul n’est quelqu’un…que par conséquent personne est nul.
Pauvre PERSONNE, tellement nul…que pouvons-nous faire pour lui ?
Cependant, on peut se consoler en se disant que nul n’est quelqu’un sans avoir, au préalable, été personne, c'est-à-dire nul.
Ce sont les Américains qui vous le diront : il faut partir de rien.
Si vous partez de rien, pas d’autre alternative, de deux choses l’une : soit vous restez rien soit encore vous n’êtes plus personne.
C’est, en quelque sorte, tout ou rien. Rien du tout ou rien tout ôté.
Patricia Laranco.