James Dorn – Le 1er février 2011. Lorsque le président chinois Hu Jintao s'est rendu à Washington récemment, il a reçu un accueil bienveillant et un dîner d'Etat qu'il n'avait pas obtenu lors de sa première visite en 2006. Il a également eu des discussions difficiles sur le commerce, le taux de change, la sécurité nationale et les droits de l'homme.
La Chine peut être fière des progrès économiques rapides qu'elle a réalisés depuis 1978, quand elle était encore une économie centralement planifiée avec peu de commerce extérieur. Aujourd'hui, devenue deuxième plus grande économie mondiale, la République populaire a acquis la richesse, mais pas la liberté. Le peuple chinois jouit d’une gamme beaucoup plus large de possibilités économiques et sociales que sous la dictature de Mao Zedong, mais leurs droits fondamentaux continuent de leur être refusés par un Parti communiste déterminé à maintenir son monopole sur le pouvoir.
En tant que chef du Parti communiste chinois (PCC), Hu a fait semblant d’entonner le refrain « le peuple d’abord », mais il y a eu peu de progrès dans la libéralisation du régime politique. La réalité est que son idée d'une « société harmonieuse » est celle d’une société dirigée par l'élite au pouvoir, dans laquelle l’ordre émerge du haut vers le bas, et non du bas avec une constitution de la liberté.
Un des principes de longue date du PCC est de «chercher la vérité des faits ». Le fait le plus frappant n'est pas l'inégalité des richesses, mais l'inégalité de pouvoir qui prive le peuple chinois de leurs droits fondamentaux. Défendre « le peuple d’abord » signifie limiter le pouvoir de l’État et de protéger les droits à la vie, la liberté et la propriété.
Le grand libéral Chinois Lao-Tseu comprenait l'importance de la liberté et du gouvernement limité. Pour lui et d'autres Taoïstes, l'harmonie ne peut pas être forcée, elle doit être naturelle. Dans le Tao Te King, nous lisons : « Plus il y a de restrictions et interdictions dans le monde, au plus les gens seront pauvres ». Nier la liberté des individus d'échanger des idées, de critiquer l’État et le parti, et de s'associer librement, sans crainte de répression, appauvrit le peuple en limitant les alternatives.
En 2004, l'Assemblée populaire nationale (APN), le parlement-fantoche chinois, modifiait la Constitution de la RPC afin de mieux protéger le secteur privé et, pour la première fois, ajoutait les mots « droits de l'homme » dans le document. L'article 33, section 3, déclare : «L'Etat respecte et protège les droits de l'homme ». Un tel langage a encouragé libéraux chinois à tâter le terrain pour finalement constater que la réalité ne correspond pas à la rhétorique.
La rédaction de la Charte 08, un manifeste des droits fondamentaux de l'homme, a valu en 2010 à Liu Xiaobo le Prix Nobel de la paix, décerné pour la première fois à un citoyen chinois, mais lui a aussi permis d’atterrir en prison pour 11 ans. La chaise vide lors de la cérémonie du prix Nobel a été une autre image emblématique de l'individu contre l'État. Avant sa condamnation en 2009 Liu a déclaré devant le tribunal: « bloquer la liberté d'expression c’est fouler aux pieds les droits de l'homme, étrangler l'humanité, et supprimer la vérité ».
Comme d'autres avant lui, Liu a été accusé « d’incitation à la subversion du pouvoir de l'Etat ». Pourtant, le peuple chinois a toujours cru que lorsque l’État agit injustement il perd le Mandat du Ciel. La Charte 08 reconnaît que « la Chine a de nombreuses lois, mais aucun état de droit ». La charte, signée initialement par 303 libéraux, a maintenant plus de 10.000 signataires - dont tous reconnaissent que chacun dispose partout de droits « à la liberté, à la propriété, et à la poursuite du bonheur. »
La Charte 08 révèle une compréhension précise de la défense du gouvernement limité et le principe que la fonction légitime de l'État est de protéger les droits préexistants à la vie, la liberté et la propriété – et non pas de bafouer ces droits. La société civile exige la liberté. Pour atteindre cet liberté la Charte 08 préconise une démocratie constitutionnelle avec séparation des pouvoirs, un pouvoir judiciaire indépendant, et une déclaration des droits. La liberté d'expression, de religion, d'association et la protection de la propriété privée sont tous inscrits dans le document. L'espoir des auteurs chinois est que la Charte 08 « matérialise les objectifs et les idéaux que notre peuple a cherché sans cesse depuis plus de cent ans, et. . . ouvre un nouveau chapitre brillant de la civilisation chinoise. »
La réaction officielle à la Charte 08 et le Prix Nobel de la paix de Liu étaient prévisibles - pas le silence mais une tempête de propagande en faveur du statu quo. Le média porte-parole du PCC, le Quotidien du Peuple, a écrit en Octobre 2010, « Par la rumeur et la diffamation, la charte nie la dictature démocratique du peuple, le socialisme et la structure étatique unitaire stipulés dans la Constitution chinoise. La charte incite aussi les gens à s'y joindre, avec l'intention de modifier le système politique et renverser l’État. Les activités de Liu ont franchi la ligne de la liberté d'expression, vers le crime. »
Pourtant, comme le Premier ministre Wen Jiabao l’a noté en août dernier dans un discours à Shenzhen, « Sans la sauvegarde de la réforme politique, les fruits de la réforme économique serait perdus et l'objectif de la modernisation ne se concrétiserait pas. » Et dans une interview à CNN en Octobre, il a reconnu que « la liberté d'expression est indispensable pour n'importe quel pays ».
L'harmonie, la stabilité et le développement pacifique que Pékin cherche seront sur des bases instables jusqu'à ce que le PCC comprenne la réalité que l'ordre construit d’en haut n'est pas compatible avec le bonheur de l'Homme, et que l'ordre spontané émerge d'un véritable État de droit et de marchés libres. Le Premier ministre Wen, dans son discours de 2003 à Harvard, a déclaré que la Chine a « trouvé le bon chemin du développement » et que « l'essence de ce chemin est de. . . respecter et de protéger la liberté du peuple chinois à poursuivre le bonheur. » En 2007, après la session annuelle de l'APN, il a encouragé les gens à « surveiller et critiquer l’État », et dit : « Il est particulièrement important que nous devons faire de la justice la valeur la plus importante du système socialiste ».
La justice, cependant, exige la prévention de l'injustice. Liu Xiaobo, Gao Zhisheng, et d'autres piégés par le système chinois de justice expéditive méritent d'être entendus, de même que « les âmes perdues » de la place Tiananmen.
James Dorn est analyste au Cato Institute à Washington DC.