Comme le terme même de science-fiction l’implique, ce genre littéraire entretient depuis ses débuts un commerce étroit avec la science. Si cet aspect décourage souvent les lecteurs qui possèdent peu d’affinités avec ce champ d’études, les autres y trouvent au contraire une stimulation intellectuelle qui constitue souvent le premier intérêt qu’ils attribuent à la science-fiction, et qui les pousse à continuer à en lire ; il arrive plus souvent qu’on le croit, d’ailleurs, qu’une vocation scientifique naisse de cet intérêt, et une fois au moins une telle passion parvint à changer le monde : quand De la Terre à la Lune (1865), le roman de Jules Verne, inspira le jeune Wernher von Braun à se lancer dans les travaux qui devraient par la suite l’amener à développer pour la NASA la fusée Saturn V avec laquelle le programme Apollo permit à des hommes de marcher sur la Lune ; on devrait pouvoir trouver d’autres exemples comparables sans trop de difficulté mais ce n’est pas le propos de cette chronique.
Cependant, si de nombreux auteurs de science-fiction possèdent un bagage scientifique et technique souvent plus que bien conséquent, de par leur profession ou leur formation même, leur œuvre ne reflète pas toujours l’exactitude de ce domaine : il arrive que certains détails soient en quelque sorte exagérés pour mieux servir l’aspect littéraire de leur récit. A contrario, certaines de leurs idées précédent parfois des inventions qui ont beaucoup contribué aux progrès sociaux – bien que d’une manière jamais aussi spectaculaire que celle décrite dans le paragraphe précédent… Dans les deux cas, le profane comme l’initié se trouvent bien en peine de démêler le vrai du faux, le phantasme du possible, et le rêve du réel – à travers ces doutes et ces zones d’ombre, la science-fiction se voit bien malgré elle encourager les spéculations exagérées de certains aficionados un peu trop enthousiastes mais aussi l’incrédulité, voire le mépris de ses détracteurs.
Roland Lehoucq se propose ici de faire un tri dans certains des truismes du genre. Épaulé par une formation scientifique d’astrophysicien qui travaille au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) mais qui enseigne aussi à l’École polytechnique dans les cours de relativité restreinte et de physique nucléaire, il se passionne pour la diffusion des connaissances – comme l’illustre très bien le nombre conséquent de ses publications de vulgarisation scientifique. Et puisqu’il est très pédagogue, ses explications passent comme une lettre à la Poste ; dans le pire des cas, quelques schémas très simples et très clairs éclairent son texte en un coup d’œil ; en fait, au contraire d’autres ouvrages, celui-ci se montre tout à fait abordable par les profanes. Et, cerise sur le gâteau, Roland Lehoucq fait preuve de beaucoup d’humour.
C’est dans cette franche bonne humeur que vous aurez l’occasion d’apprendre – outre les quelques exemples cités dans le quatrième de couverture reproduit ci-dessus en italique – comment fonctionne le principe d’un ascenseur spatial, s’il est envisageable d’explorer l’intérieur d’un trou noir, quelle taille maximale peuvent atteindre des êtres vivants, si les pouvoirs de certains super-héros ne sont pas plutôt un fardeau, comment fonctionne le terraformage qui permet de rendre l’atmosphère des autres planètes respirable par des êtres humains, si les univers parallèles entrent vraiment dans le registre du possible, quel est le niveau de réalisme du vaisseau extraterrestre dans le roman Rendez-vous avec Rama, et des tas d’autres choses tout autant passionnantes…
En fait, SF : la science mène l’enquête dépasse assez vite le cadre des explications et des justifications pour entrer de plein pied dans celui de la vulgarisation scientifique : au final, c’est surtout un ouvrage de découverte pour une meilleure compréhension du monde et du réel – soit un livre tout à fait recommandable pour tous les esprits curieux.
SF : la science mène l’enquête, Roland Lehoucq
Le Pommier, collection Essais, avril 2007
245 pages, env. 20 €, ISBN : 978-2-746-50283-3