Comment relier Tokyo et ses 36 villes voisines en un minimum de lignes avec un maximum d’efficacité ?
Cette question est étudiée depuis quelques décennies par des mathématiciens, informaticiens et physiciens. Pourtant, optimiser le fonctionnement d’un réseau ferré dans une métropole comme Tokyo n’est pas chose simple. Et pour des questions de coûts et d’ergonomie, le nombre de lignes du réseau ne peut être multiplié à l’infini.
Aussi le nouveau réseau doit être suffisamment dense pour acheminer à leur destination, en un temps minimal, un grand nombre de voyageurs. De plus, il doit offrir des solutions alternatives efficaces en cas de panne sur une ou plusieurs lignes de train.
Ces chercheurs ont donc eu l’idée de soumettre ce problème à un micro-organisme : le Physarum, lointain cousin des champignons et là miracle ! En quelques heures, le réseau construit par cet organisme surpasse celui édifié par les plus grands ingénieurs nippons.
Cela semble fou, alors rappelons les tenants et aboutissants de cette découverte.
En réalité ces jeunes chercheurs travaillent sur des modèles mathématiques, des algorithmes informatiques… bref des outils intelligents capables d’apporter des solutions à des questions complexes comme celles d’un réseau ferré.
A côté le Physarum polycephalum, micro-organisme unicellulaire apprécie la pénombre des forêts américaines et a la particularité de se répandre en réseau pour chercher sa nourriture et s’alimenter. Relier des points de nourriture en fournissant un minimum d’effort est un problème qu’il résout depuis des millénaires.
Mais quel réseau pourrait bien tisser ce Physarum pour s’alimenter auprès de 36 + 1 points de nourriture distincts (pour reprendre l’exemple de Tokyo et de ses 36 villes voisines) ?
Pour passer de l’idée à la pratique, il suffit de prendre : une boîte de Petri de 17 cm de diamètre, des flocons d’avoine et le tour et joué ! En imaginant que la boîte de Petri représente Tokyo et sa région, il ne reste plus qu’à y placer le Physarum et 36 + 1 petits tas de flocons d’avoine : un pour Tokyo, les autres pour les villes de l’agglomération, puis d’observer comment le Physarum va s’y développer. Pour rendre l’expérience encore plus réaliste, certains points de la boîte de pétri ont été éclairés pour simuler les reliefs de l’agglomération et contraindre le physarium à contourner ces « obstacles » car il n’aime pas la lumière.
Comme à son habitude, le Physarum commence par explorer le milieu en tissant dans les premières heures de l’expérience un réseau très dense. Puis, une fois qu’il a identifié les 37 points de nourriture, il ne va conserver que les lignes utiles à son approvisionnement dans l’objectif d’économiser son énergie. Tous les points resteront reliés les uns aux autres mais à travers un réseau minimum, capable de résister à d’éventuelles ruptures de « lignes ».
Un Physarum dans une boîte de pétri
Quelques heures plus tard le réseau tissé par le Physarum est très semblable à l’actuel réseau ferré tokyoïte.
A l’issue de cette expérience, les chercheurs vont ainsi déduire du comportement du Physarum et du réseau qu’il a édifié, un modèle mathématique qu’ils testeront sur la problématique du réseau ferré japonais.
Cet algorithme est simple et beau , constate Bertrand Maury du Laboratoire de mathématiques de l’université Paris-Sud, et la démarche est originale. S’inspirer de ce que fait une petite bestiole qui obéit à des mécanismes élémentaires pour élaborer un modèle capable de résoudre en temps réel des problèmes complexes, c’est assez osé. Mais leurs résultats, si l’on en croit la publication de Science, semblent concluants.
Le Physarium a de beaux jours devant lui car il peut être utile à d’autres secteurs : les réseaux de téléphonie, Internet, ou encore les réseaux de distribution d’électricité…