Nature d’un écosystème
La notion d’écosystème, bien que plus facile à intégrer que celle de niche écologique, est complexe puisqu’aucune taille référentielle prédéfinie ne peut nous servir de repère ; un simple crachat est un écosystème à lui tout seul (une synusie), quand l’océan (son ensemble) en est un autre (macro-écosystème), le plus grand par ailleurs. D’autres écosystèmes seraient alors de taille médiane, à l’instar d’un écosystème forêt, d’une friche, d’un lac ou encore d’un étang. Dans un écosystème, ce n’est pas par hasard que l’on rencontre tel animal ou tel végétal ; chaque espèce est inféodée à un écosystème qui lui est spécifique, mais cette spécificité peut être stricte – le panda ne peut vivre que dans une forêt de bambous- ou élargie -l’homme est l’espèce la plus ubiquiste étant donné qu’il a conquis (ou presque) l’ensemble des écosystèmes.
Au sein d’un écosystème, chaque être vivant joue un rôle qui lui est propre mais complémentaire de ceux que jouent les autres espèces avoisinantes. L’écosystème est comparable à un super organisme plus ou moins autonome. Dans une forêt tempérée, les végétaux chlorophylliens captent l’énergie solaire fournie sous forme de lumière ; les chevreuils font circuler cette énergie venue des feuilles qu’ils consomment, et les vers de terre se chargent de libérer cette énergie en décomposant la matière organique que constitue l’humus du sol.
Faune et flore forment un ensemble cohérent et équilibré capable d’autorégulation. Chaque constituant de l’écosystème dépend de ses autres constituants, y compris du sol, de l’eau et de l’air, dont on ne peut les dissocier ; on peut parler d’interactions bio-géo-physico-chimiques ! Le milieu inerte représente le biotope, et les êtres vivants constituent la biocénose ; l’ensemble biotope/biocénose formant l’écosystème.
Cependant, un écosystème n’est pas un milieu complètement fermé, il dépend aussi des autres écosystèmes qui l’entourent et avec lesquels il échange de la matière, grâce au vent, aux eaux de ruissellement et aux animaux de passage. Enfin, c’est un système ouvert en ce sens qu’il perd en permanence de l’énergie et de la matière ; il a donc besoin, sous peine de mort (les écosystèmes naissent, vivent et meurent), de se renouveler sans cesse.
Constituants d’un écosystème
Le biotope englobe tout ce qui est inerte ou plutôt inorganique (non lié à la vie) ; par opposition, la biocénose comprend tous les êtres vivants (organique). On classe les différents éléments biocénotiques en fonction du rôle écologique qu’ils jouent dans leur écosystème ; ainsi, nous aurons des producteurs, des consommateurs et des décomposeurs.
◊ L’inorganique : il comprend la matière inerte et l’énergie (lumineuse et chimique) ; la matière (substances inertes d’origine minérale ou organique) circule en boucle dans l’écosystème (selon des cycles bio-géo-chimiques plus ou moins complexes), quand l’énergie, elle, le travers en flux continu et perdu.
◊ Les producteurs : ce sont les organismes vivants intégrateurs d’énergie dans l’écosystème. Ils captent l’énergie lumineuse du soleil pour la “transformer” en synthétisant du tissu végétal. Ainsi est mise en réserve l’énergie première (la lumière), sous forme de matières élaborées (les sucres, les graisses, les huiles et les protides…). Seuls les végétaux chlorophylliens (feuilles, algues, phytoplancton) sont capables d’exécuter cette opération (photosynthèse) d’une extrême complexité (elle se fait à l’échelle moléculaire). Le végétal, en croissant, emmagasine donc de l’énergie chimique que s’approprieront les consommateurs. Les organismes aptes à la photosynthèse sont dits autotrophes.
N.B. : dans le règne bactérien, certaines bactéries (Nitrosomonas) accumulent de l’énergie en oxydant des matières purement inorganiques (sulfure d’hydrogène) ; elles sont dites chimiotrophes et n’ont pas besoin de lumière pour vivre (sources hydrothermales des fonds marins).
◊ Les consommateurs : C’est l’ensemble des êtres vivants qui ne peuvent produire leurs constituants par eux-mêmes et à partir de l’inorganique ; contrairement aux producteurs qui sont autotrophes, les consommateurs, parce qu’ils trouvent la matière (et l’énergie) dont ils ont besoin chez les autres êtres vivants, sont dits hétérotrophes. Ils s’en nourrissent en les mangeant, mais tous n’ont pas le même régime alimentaire ; on distinguera :
→ les herbivores ou consommateurs primaires, qui mangent des végétaux (chlorophylliens ou non) ; le terme phytophage peut être considéré comme synonyme d’herbivore, bien qu’on l’emploie plutôt pour parler du régime alimentaire des invertébrés ; les herbivores sont des proies pour :
→ les carnivores qui contrôlent ces populations ; ce sont des consommateurs secondaires ou prédateurs ; idem pour zoophage ;
→ les carnassiers qui se nourrissent de carnivores essentiellement (d’herbivores secondairement), ou consommateurs tertiaires, ce sont les superprédateurs ;
→ les parasites qui vivent en dépendance étroite avec les uns et/ou les autres.
◊ Les décomposeurs : c’est l’ensemble des organismes assurant le démontage, la dé-construction du monde organique pour le ramener à sa part inorganique. Ils assurent ainsi le recyclage des éléments constitutifs de l’écosystème. En fonction de leur manière d’opérer, on distinguera des détritivores et des transformateurs :
- les détritivores (vautour, chacal, nombreux invertébrés et micro-arthropodes) sont des charognards (ou des nécrophages) lorsqu’ils se nourrissent de cadavres frais, ou des saprophages lorsqu’ils consomment seulement des restes de matière végétale ou de cadavres ; ils sont coprophages s’ils mangent des excréments ou y élèvent leurs larves ; les détritivores participent à une primo-phase de minéralisation de la matière organique qu’ils transforment en une substance intermédiaire et amorphe : l’humus du sol ;
- les transformateurs (bactéries, champignons) modifient totalement la structure de l’humus puisqu’ils le transforment en éléments minéraux (minéralisation complète) qui pourront à nouveau ré-intégrer l’écosytème, à travers ses nombreux cycles.
Fonctionnement d’un écosystème
Même si l’on sait, depuis les années soixante-dix (avril 1977), que la vie peut largement se passer de la lumière solaire (sources hydrothermales océaniques), la grande majorité des espèces vivantes dépend du soleil pour se développer. L’énergie contenue dans les photons qui bombardent la terre chaque jour est captée par les producteurs primaires (végétaux chlorophylliens) -en partie seulement (1% environ)- qui la mettent en réserve sous forme de molécules super-énergisantes : l’ATP, ou Adénosine Tri-Phosphate. Chaque paquet de photons excite les molécules de chlorophylle contenues dans les chloroplastes des cellules végétales, cependant que la plante absorbe du gaz carbonique (CO2) et de l’eau. Eau et gaz carbonique subissent alors une transformation (suite de réactions chimiques complexes) dont l’aboutissement est 1) la mise en réserve d’énergie lumineuse dans les molécules d’ATP (énergie chimique) ; 2) le développement et la croissance du végétal (lire paragraphe sur la photosynthèse). Cette énergie est sollicitée en permanence, car d’elle dépendent toutes les réactions biochimiques métaboliques. Une plante, c’est en partie du soleil mis en forme (matérialisé), et c’est également, comme nous le verrons, le premier maillon d’une chaîne vivante. Les producteurs primaires pratiquent l’autotrophie.
Les consommateurs se nourrissent, à la base, de végétaux capables de photosynthèse ; les carnivores et les carnassiers ne font que manquer une ou deux étapes en consommant directement des herbivores ou de petits carnivores. Quand nous mangeons un végétal, nous en tirons les substances carbonées qu’il a élaborées pendant la photosynthèse (glucides, lipides, protides…). Grâce à l’oxygène (dioxygène / O2) que nous respirons, nous “brûlons” (oxydons) ces matières qui, en se décomposant, donnent du gaz carbonique et de l’eau et libère une grande quantité d’énergie qu’il faut mettre partiellement en réserve, à nouveau sous forme d’ATP (mais aussi de graisses et de glycogène). Nous voyons ici que la respiration est à peu près l’inverse de la photosynthèse, bien qu’il s’agisse toujours d’aboutissement énergétique. Pour les animaux (nous en faisons partie), la nourriture est donc de l’énergie en conserve qu’ils utilisent en la transformant en énergie cinétique, mécanique (mouvements et activités), ou encore en énergie thermique (animaux à sang chaud surtout). Cette énergie chimique, qui provient du soleil à l’origine, est indispensable pour nous maintenir en vie, assurer notre alimentation, digérer, nous déplacer, nous reproduire… Notre lien aux végétaux est si ténu que nous faisons partie des maillons d’une chaîne alimentaire commencée par eux, sous l’effet de la lumière solaire. Les consommateurs, eux, pratiquent l’hétérotrophie.
Au jeu du qui mange qui (producteurs, consommateurs, décomposeurs), on distinguera trois types de chaînes alimentaires même si elles coexistent toujours au sein d’un même écosystème :
- la chaîne classique est celle qui commence par le végétal chlorophyllien et se poursuit par des animaux de toutes sortes : herbivores (vertébrés), proies des carnivores, eux-mêmes proies des carnassiers ; ou encore phytophages (invertébrés), proies des zoophages. Du premier maillon d’une chaîne alimentaire au dernier, la taille des organismes augmente en même temps que leur structure devient plus complexe ; la surface du territoire vital (de chasse surtout) augmente également en même temps que le taux de fécondité diminue.
- Au contraire, la chaîne alimentaire concernant un parasite de bout de chaîne commence par des individus de grande taille pour diminuer considérablement quand on remonte la chaîne.- Par opposition aux deux autres types de chaîne alimentaire, celle des décomposeurs transforme la matière organique en matière minérale.
Dans la nature où de multiples chaînes alimentaires coexistent de façon extrêmement complexe (il y en a de simples), aucune d’elle n’est indépendante des autres et, bien au contraire, elles interagissent toutes ensemble : les éléments de la biocénose sont inter-connectés par de multiples liens alimentaires. De fait, il est préférable d’employer le terme réseau trophique, parce que sa structure rappelle celle d’un filet à maillage étroit.
Les pyramides écologiques
Par habitude méthodologique et analytique qui a fait ses preuves, l’écologue, parce qu’il est soucieux de bien comprendre les lois régissant les écosystèmes, classe les êtres vivants appartenant à ces derniers en fonction de plusieurs critères liés aux réseaux alimentaires. Tous, que l’on considère le nombre de représentants de chaque classe, leur poids (biomasse) ou l’énergie consommée, ramènent à une représentation pyramidale de cette classification.
La pyramide des nombres :
Chaque niveau trophique comporte un nombre d’individus donné, après comptage, et l’on s’aperçoit le plus souvent que ce nombre décroît* lorsqu’on remonte des producteurs vers les consommateurs. Sur une pyramide hiérarchisée où un rectangle représente un niveau trophique, et sa taille le nombre d’individus que le réseau comprend, les végétaux chlorophylliens sont à la base de l’édifice, en très grand nombre, et les super-prédateurs à son sommet, en nombre fort restreint. Entre eux, les herbivores puis les carnivores, en nombre diminuant également). Cela donne une pyramide pour chaque écosystème, c’est inéluctable. En général, la baisse du nombre est compensé par l’augmentation de la taille des individus, mais le prix à payer en est une réduction de la prolificité.
* Cependant, comme on accorde autant d’importance à tous les individus quels que soit leur taille et leur poids, ce genre de représentation ne rend pas totalement compte de la réalité ; en effet, si on se met à comparer le nombre d’arbres compris dans l’écosystème forêt -un des plus performant- avec celui des insectes du même écosystème, la règle énoncée plus haut ne fonctionne pas.La pyramide des biomasses :
Lorsqu’on pèse (en l’évaluant selon diverses techniques) les individus rencontrés à chaque niveau trophique, on observe la même règle* qui régit le nombre d’individus. La diminution de taille des rectangles, quand on monte des producteurs vers les consommateurs, traduit une perte de matière -très différente d’un écosystème à l’autre- tout au long de la chaîne alimentaire. La pyramide de biomasse d’une forêt montre que la masse végétale produite ne risque pas d’être épuisée par les herbivores, alors que celle d’une prairie possède une base plus beaucoup plus étroite ; cela montre la vulnérabilité possible de cet écosystème.
* Là encore, on donne autant d’importance à des tissus organiques dont composition chimique et valeur énergétique ne sont pas les mêmes et, de plus, on ne tient pas compte du temps que mettent les arbres à se développer, comparé à celui que met un brin d’herbe à couvrir son cycle de vie.
La pyramide des énergies :
Ce modèle correspond le mieux à la réalité du fonctionnement d’un écosystème mais il est aussi compliqué que coûteux de le mettre en œuvre. Il montre pourtant bien comment un écosystème est une super machine branchée sur l’énergie solaire, disposant à chaque étage d’un certain rendement énergétique. Les pertes calorifiques observées en montant les étages sont dues essentiellement aux excréments rejetés et… au gaz carbonique expiré, correspondant aux aliments «brûlés» (oxydés) pendant la respiration (voir plus haut). On évalue l’équivalent en calories représenté par chaque niveau trophique en utilisant un ensemble de valeurs théoriques données par des tableaux ; chaque gramme de matière possède son équivalent calorifique :
Lipide — 9 calories / gramme
Glucide — 4 calories / gramme
Protide — 5 calories / gramme
Feuille vivante — 4,7 calories / gramme
Bois — 4,5 calories / gramme
Vertébré — 5,6 calories / gramme
Invertébré — 4 à 5 calories / gramme…
A SUIVRE