L'impasse

Publié le 01 février 2011 par Toulouseweb
Airbus et Boeing dos-ŕ-dos face ŕ l’OMC.
On y perd son latin. L’Organisation mondiale du commerce, OMC, a rendu son rapport final sur le dossier Airbus/Boeing des Ťsubventionsť et autres Ťaides illégalesť. Pour l’essentiel, les deux rivaux sont coupables, chacun ŕ sa maničre, mais estiment néanmoins avoir remporté la victoire. D’oů une guerre des communiqués tragi-comique.
Voyons les choses en face, de maničre aussi pragmatique que possible : l’OMC a terminé son rapport final sur le différend le plus important que l’organisation ait traité depuis sa création. Mais ledit rapport est pour l’instant confidentiel et ne sera rendu public que dans trois mois environ. Une maničre de faire qui mérite d’ętre qualifiée de ridicule, tant elle entretient la rumeur, suscite révélations et fausses confidences, prolonge l’affrontement.
Voyons les faits, tout d’abord. On finit par oublier que le dossier épineux dit des aides illégales oppose le gouvernement américain ŕ l’Union européenne, et non pas Airbus ŕ Boeing. Côté américain, pour l’instant, l’U.S. Trade Representative s’abstient prudemment de toute déclaration. Boeing, pour sa part, a commenté dans l’heure le jugement réputé confidentiel et a noté avec satisfaction le Ťrejet massifť de la plupart des plaintes européennes. Et de préciser que, Ťdans les informations publiées ce jour, il n’y a rien de comparable avec les 20 milliards de dollars d’aides illégales qu’Airbus/EADS a reçus, selon les conclusions publiées par l’OMC en juin dernier, ŕ savoir 15 milliards de dollars d’aides au lancement [de programmes], 2,2 milliards de dollars en injection de capital, 1,7 milliard en infrastructures et environ 1,5 milliard en aide ŕ la recherche ť. D’oů, souligne-t-on ŕ Chicago, un sérieux préjudice pour Boeing, la distorsion de la concurrence et Ťla perte de dizaines de milliers d’emplois aux Etats-Unisť. Sans les Ťsubventions massivesť, Airbus serait aujourd’hui une entreprise Ťnettement différente et, nous le pensons, bien plus faibleť.
A Bruxelles, la lecture du verdict est diamétralement opposée. Dans l’entourage de Karel De Gucht, commissaire européen chargé du Commerce, la satisfaction est de mise. Tout comme ŕ Toulouse oů les premiers commentaires mettent l’accent sur Ťles milliards de subvention obtenus par Boeingť, 45 milliards de dollars Ťau moinsť. On retiendra notamment une affirmation cinglante, ŤBoeing n’aurait pas pu lancer le 787 sans subventions illégalesť.
Il n’est pas vraiment utile d’aller plus avant dans l’énumération des arguments contradictoires et mieux vaut admettre que le dossier est dans l’impasse. Peu importent les développements ultérieurs, les contestations, les appels, etc. De toute évidence, aucun des protagonistes ne reconnaîtra ses torts, puisqu’il n’en a pas ! Le bon sens conduit ŕ donner raison ŕ Airbus qui estime que seule la négociation permettrait de trouver une porte de sortie. Il n’est pas interdit de formuler des vœux pieux : Ťle mythe selon lequel Boeing ne reçoit aucune aide gouvernementale a pris fin et nous espérons que cette nouvelle étape ouvrira la voie ŕ des négociations futures équilibrées et productivesť.
Impossible, ŕ ce stade, de prolonger le commentaire. On l’a compris, il est tout au plus possible de citer les propos des protagonistes sans aucune possibilité de vérifier et de recouper leurs affirmations. Ils nous conduisent purement et simplement sur les chemins dangereux de la vraie-fausse analyse, de la spéculation, du non-journalisme.
Tous les intervenants, sans exception, ont perdu tout recul. Leur polémique d’un autre âge, sans possibilité aucune de faire marche arričre, ne peut conduire ŕ quoi que ce soit d’utile. Męme en cas de preuves tangibles de vraies fautes, d’un côté ou de l’autre, pas un euro, pas un dollar ne sera remboursé. L’industrie aéronautique, spatiale et de Défense relčve de la souveraineté, nationale ou communautaire, y compris en matičre d’avions commerciaux. De ce fait, elle est protégée de toutes parts, y compris sur le plan politique.
Les Européens voient en Boeing un concurrent redoutable, les Etats-Unis considčrent Airbus comme un ennemi. C’est une maničre comme une autre de nous rappeler, si besoin est, que les incompréhensions transatlantiques se portent mieux que jamais.
Pierre Sparaco - AeroMorning