Sarkozy, hors sol
Le candidat Sarkozy, de retour à Paris après une visite expresse au sommet de l'Union Africaine dimanche, a beaucoup reçu ce lundi 31 janvier. Le matin même, il débutait ses entretiens avec les anciens premiers ministres « dans le cadre de la préparation du G20 ». Lionel Jospin était le premier. Personne n'espère grand chose de ces rencontres, comme des futurs sommets. On ne sait pas si Sarkozy et Jospin ont évoqué la récente passe verbale entre Fillon et l'ancien premier ministre socialiste à propos de la Tunisie. En début d'après-midi, il célébrait l'équipe de France de handball, victorieuse la veille aux championnats du monde, pour la quatrième année consécutive : « Il nous a longuement félicités et nous a dit qu'il allait essayer de faire que le handball soit plus médiatisé » a confié l'un des sportifs.
Un peu plus tard, il consolait la famille d'accueil de la jeune Laëtitia disparue à Pornic. Bizarrement, le candidat Sarkozy n'avait pas invité le père biologique de la jeune fille, qui conserve pourtant l'autorité parentale. La semaine dernière, il avait créé le trouble en réclamant une énième loi sur la récidive, avant d'abandonner en rase campagne, devant la résistance de son propre camp à légiférer dans l'urgence. Peu avant l'entrevue, le garde des Sceaux Michel Mercier et le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux s'étaient rendus à l'Elysée pour délivrer à Nicolas Sarkozy quelques constats et recommandations. La mise en scène devait être parfaite.
Dans son communiqué ultérieur, Mercier expliqua que « le suivi des obligations auxquelles Tony MEILHON, auteur présumé des faits, était astreint dans le cadre du sursis de mise à l’épreuve prononcée contre lui par le tribunal correctionnel de Nantes, n’a jamais été mis en œuvre.» Exemples à l'appui, le ministre dénonce « une défaillance de la chaîne pénale ». Tout y passe, mais personne n'est responsable : pas de désignation d'un conseiller d'orientation, faible priorité accordé au cas Meilhon malgré ses antécédents, plainte pour viol en décembre 2010 non traitée, etc.
Que tout le monde soit rassuré ! Les institutions judiciaire ou policière ne sont pas en cause. Seuls quelques individus, prochainement identifiés, sont responsables, et bientôt « sanctionnés.» Plutôt qu'une loi, les deux compères Mercier et Hortefeux ont aussi proposé 7 mesures sur-mesures à leur patron-candidat : extension des bracelets électroniques, création de cellules départementales « de synthèse et de recoupement » pour suivre « les individus multiréitérants », augmentation des capacités d’accueil du centre national d’évaluation, chargé d’examiner la situation des condamnés les plus dangereux avant sortie, etc...
Dans les médias, son ministre Chatel multiplie les interventions pour éteindre les polémiques sur les moyens de son ministère. Le voilà qui annonce qu'un seul enseignant, au lieu de 4 actuellement, cumulera prochainement l'enseignement de toutes les matières scientifiques (physique, chimie, Sciences et vie de la terre, et technologie) dans quelque 400 collèges classés dans les zones les plus en difficulté. Il veut aussi que les élèves de primaire réalisent 15 minutes de calcul mental par jour et rétablir la récitation des tables en classe. Il a enfin décidé de nommer dans chaque académie des inspecteurs chargés des mathématiques et des sciences pour « mieux piloter le système.»
Dominique Paillé, ancien porte-parole de l'UMP récemment recasé président de l'Office de l'immigration et de l'intégration, n'avait rien trouvé de mieux à dire, ce lundi, qu'il redoutait un afflux migratoire en provenance de Tunisie. Non contente d'avoir raté la révolution de jasmin, la Sarkofrance a toujours quelque difficulté à exprimer un réel soutien : « Nous nous attendons à une recrudescence de ces flux, de Tunisie, d'Egypte et sans doute d'ailleurs car nous ne sommes qu'au début d'un processus.»
La justice, étouffée ?
Jeudi, la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris décidera si la nomination de François Pérol sans avis de la commission de déontologie nécessitera une instruction. L'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée est visé par plusieurs plaintes pour « prise illégale d'intérêts », eu égard à son rôle élyséen dans le rapprochement des banques populaires et des caisses d'épargne, dont il a pris la présidence ensuite. En septembre 2009, le parquet de Paris, rappelle Mediapart, avait « considéré que l'ancien haut fonctionnaire n'avait pas violé l'article 432-13 du code pénal qui lui faisait interdiction pendant trois ans de passer dans une entreprise privée sur laquelle il a exercé auparavant l'autorité publique.» En juin dernier, un juge, Roger Le Loire, s'était saisi de l'affaire en justifiant combien l'investigation du parquet avait été désinvolte : . « Cette enquête relativement succincte s'est limitée à la seule audition de Monsieur François Pérol et (...) dès lors il n'est pas possible en l'état sans procéder à des investigations complémentaires contradictoires de dire quel a été le rôle exact de ce dernier dans le rapprochement des groupes Caisses d'épargne et Banque populaire, ainsi que dans l'attribution du soutien financier dont ils ont bénéficié de la part de l'Etat .» Autant dire que la décision de jeudi est très attendue...
Dans une autre affaire, celle de Karachi, l'ancien ministre de la Défense d'Edouard Balladur en 1994, François Léotard, s'est rendu à la convocation du juge Marc Trévidic, qui enquête sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi qui coûta la vie à 15 personnes dont 11 employés français de la DCN. Dimanche, Léotard a publié quelques réflexions sur cette affaire sur le site Rue89 : selon lui, l'attentat est dû à l'arrêt du versement des commissions aux intermédiaires de la vente des sous-marins au Pakistan, décidé par Jacques Chirac, mais aussi à la cession d'autres sous-marins, plus perfectionnés, par la France à l'Inde voisine. Léotard ne lève pas toutes les ambiguités, même si sa déclaration paraît sincère : il confirme que Balladur et Sarkozy étaient au courant des moindres détails du contrat Agosta, mais ajoute-t-il, « si des versements d'argent avaient été opérés vers des Français, ils seraient justement considérés comme illégaux. Pour ma part je n'en ai jamais eu connaissance.»
Le même jour, la justice française a illustré combien la recherche de la vérité est compliquée. La cour d'appel de Paris vient de refuser, ce lundi 31 janvier, d'élargir le volet financier de l'instruction aux faits de corruption. Les partie civile des familles de victimes sont déboutées au motif qu'elles ne pourraient invoquer un quelconque préjudice directement provoqué par une éventuelle corruption. Il y a 15 jours pourtant, de nouvelles informations étaient révélées dans les documents récemment déclassifiés par la Défense : les services secrets français enquêtaient dès 2002 sur la piste financière.
Carla, à droite
Carla Bruni-Sarkozy ne se sent « plus vraiment de gauche.» C'est ce qu'elle a confié au Parisien, lundi 31 janvier. On imagine qu'elle aurait été la surprise de son mari de président si elle avait déclaré l'inverse. « Je n’ai jamais voté pour la gauche en France, et je vais vous dire, ce n’est pas maintenant que je vais m’y mettre. Je ne me sens plus vraiment de gauche. Il y a eu certains faits, certains commentaires, notamment à la suite de l’affaire Polanski-Mitterrand. J’ai entendu des responsables socialistes dire la même chose que ceux du Front national. Ça m’a vraiment choquée. »
Exhibée dans nombre de déplacements politiques depuis l'automne, l'épouse du Monarque exprime aussi ses doutes quant à son efficacité politique : « La politique, ce n’est pas mon métier ». Elle lâche quand même cette confidence contradictoire : « Je ne vais pas faire campagne, surtout quand mon mari n’est pas encore en campagne. Franchement, c’est à lui de choisir ce qu’il veut faire pour 2012. Mais je serai évidemment derrière lui, s’il se lance. » En d'autres termes, si Sarkozy fait campagne, elle le soutient. Sinon, elle ne fera pas campagne... Sans blague ? En fait, cette intervention est très calculée. L'image de Carla Bruni-Sarkozy s'est redressée à droite, oscillant entre 75% et 80% d'opinions favorables chez les sympathisants de droite depuis plusieurs mois. Et dans cet entretien, Carla a tenté de forcer son affiliation avec Bernadette Chirac, dont elle n'a pas changé le bureau, expliqua-t-elle, à l'exception d'un tapis porte-malheur.
Les Chirac, justement, se sont rappelés au bon souvenir des Français ces dernières heures. Jacques Chirac ira bien au tribunal le 7 mars prochain, pour la vingtaine d'emplois fictifs du temps où il était Maire de Paris. Le sang de son épouse Bernadette n'a fait qu'un tour, dimanche matin, quand elle a lu dans les colonnes du Journal du Dimanche, des soupçons d'Alzheimer à l'encontre de son mari. Elle s'est précipitée lire une déclaration bien préparée sur les ondes d'Europe 1 dès le lendemain.
CRS, en grève
Les Compagnies Républicaines de Sécurité ont un devoir de réserve. Pas question de manifester. Mais cette fois-ci, la grogne s'exprime, devant les risques de fermeture de casernes. A Perpignan (Pyrénées Orientales), une compagnie est en grève de la faim. A Sainte-Foy-les-Lyon (Rhône), 70 % des effectifs étaient en arrêt maladie la semaine dernière. A Paris, L'une des trois compagnies marseillaises en mission dans la capitale s'est placée en grève de la faim samedi. Dimanche, deux nouvelles compagnies se sont portées en arrêt maladie (à Troyes et à Nancy). Cette situation est une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy, déjà fortement critiqué depuis des mois pour ses mauvais résultats en matière de la lutte contre la délinquance. Mercredi dernier, le ministre Hortefeux avait confirmé que la fermeture des installations était « à l'étude.» Et d'ajouter qu''il « n'y aura pas d'amputation mais un redéploiement (...) à décider dans la concertation et le dialogue.» Brice Hortefeux «La capacité des CRS ne sera pas remise en cause»
L'an dernier, le gouvernement avait mis en place une nouvelle « doctrine d'emploi » de ces CRS : « sécabilité des unités » (pour réduire les effectifs d'intervention) ; « réversibilité missionnelle » (qui permet de passer,« lorsque c'est nécessaire », de la sécurisation au maintien de l'ordre) ; « fongibilité des zones de compétence police/gendarmerie » (qui élargit le périmètre d'intervention des CRS à l'ensemble du territoire). Lors de la cérémonie du 65ème anniversaire de la création des CRS, le 7 décembre dernier, le ministre n'avait pas eu un mot de commentaire sur la situation de l'emploi et ces projets de fermeture de caserne. Le gouvernement avait également dû céder devant les protestations après la suppression, en 2008, de l'indemnisation des heures supplémentaires pour les officiers CRS au motif que ces derniers étaient passés cadre. Le point fut réglé l'été dernier.
Au sein de la police nationale, quelques 5.000 postes ont été supprimés de 2008 à 2011, et 4000 autres seraient supprimés pour la période 2012-2013. Concernant les seuls CRS, quelques 2.000 équivalents Temps Plein ont été « économisés » en 2008/2009 par la réduction des équipes d'intervention.