Santé
Impacts et conséquences de la maladie de Crohn
Le guide alimentaire canadien recommande de manger de 5 à 10 portions de fruits et légumes par jour. Mais pour les gens atteints de la maladie de Crohn qui attaque les intestins, une seule pomme suffit à leur infliger d’affreuses crampes. Zoom sur une affection qui touche près de 28 000 Québécois.
Ève Lemay Dossier Santé
Maladie de Crohn et régime alimentaire
Les crohniens doivent suivre un régime alimentaire très sévère, sans résidu. C’est-à-dire qu’ils doivent supprimer de leur alimentation les fibres alimentaires, le lactose et les graisses cuites qui laissent des sédiments dans les intestins, causant ainsi de l’irritation. Les globules blancs attaquent une partie de l’intestin, y créant des blessures, puis des cicatrices, qui en diminuent le diamètre.
«J’aimerais tellement déguster un épi de blé d’Inde, soupire Jonathan Guay. Mais la dernière fois que j’en ai mangé, j’ai été obligé d’aller à l’hôpital», raconte ce jeune homme de 31 ans, atteint de la maladie de Crohn depuis 7 ans. Il a dû changer radicalement ses habitudes alimentaires. Pour lui, fini les pains de blé entier, les produits laitiers, les aliments trop gras, les légumineuses et la bière. «Je me permets parfois de manger de la laitue, c’est comme une gâterie pour moi. Sur le coup je suis content, mais je sais que je vais payer pour ça et avoir des crampes», dit-il.
Amélie Laberge, 31 ans, a souffert de la maladie de Crohn pendant de nombreuses années. Elle devait, elle aussi, suivre un régime très strict. «Dans les pires épisodes, je mangeais des bananes, du Jell-O et de l’Ensure pour survivre», se rappelle-t-elle.
«Les crampes presque chaque jour, c’est ce qui est le plus désagréable», témoigne Jonathan. Les inconvénients de la maladie sont très nombreux. Les douleurs intestinales et le régime spécial sont une chose. L’anémie qui entraîne souvent une importante perte de poids en est une autre.
«Je réussis à m’alimenter relativement bien malgré ma condition. Par exemple, du jus de fruits frais peut remplacer un vrai fruit, pourvu que j’enlève la pulpe», explique Jonathan. Au début, il a consulté une diététiste. Jonathan a réussi à s’habituer à un rythme de vie plus lent, anémie oblige. Ses crampes le contraignent à manger moins, ce qui provoque de l’anémie. Un problème qui ne peut être résolu puisque manger signifie souffrir. «Il y a des journées où j’ai l’impression de vivre dans un cercle vicieux», raconte-t-il.
Maladie de Crohn et chirurgie
À 23 ans, Amélie a subi une iléostomie, une ablation totale du côlon. Depuis, elle porte un sac qui recueille ses selles. Grâce à cette opération, sa maladie est complètement réglée. Pour elle, il y a littéralement une vie avant et après l’opération. Elle peut désormais manger tout ce qu’elle veut. «Je suis une goinfre incorrigible», rigole-t-elle. Mais l’adaptation à son nouveau mode de vie n’a pas été de tout repos.
«La première année, j’ai voulu mourir. J’ai eu beaucoup de difficulté à me remettre de l’opération. Je m’en voulais terriblement d’avoir pris cette décision, de m’être laissée convaincre. Mais après un an tout allait bien. J’ai enfin connu la vie qu’on m’avait promise», affirme la jeune femme.
Avec le temps, elle s’est habituée à manipuler son sac, pour le vider et le changer. Elle avoue toutefois avoir eu du mal à accepter son nouveau corps. «Se sentir bien dans sa peau avec un sac de plastique collé sur la bedaine n’est pas évident! J’ai subi l’opération à 23 ans. Vivre avec les cicatrices qui traversent notre abdomen, lâcher prise sur les bikinis et autres gilets bedaine quand on vient de quitter l’adolescence et ses complexes, c’est comme recommencer à zéro, se rappelle Amélie.
J’ai fini par me rendre compte que personne ne s’apercevait que j’avais un sac sous mon t-shirt», ajoute-t-elle. Sa vie avec un sac est maintenant beaucoup plus simple et plus douce. «Et d’un côté plus personnel, dans l’intimité, avec les garçons, et bien, il est facile de trouver des trucs pour les détourner de notre ventre exceptionnel», lance-t-elle en riant.
De son côté, Jonathan est angoissé à l’idée de porter un sac. Sa maladie étant moyennement active, il n’est pas question en ce moment de subir l’opération. «Si je portais un sac sur moi en permanence, j’aurais honte de mon corps et je ne voudrais plus que ma copine me touche», affirme-t-il.
Traitements de la maladie de Crohn
Mickaël Bouin, gastroentérologue et professeur à l’Université de Montréal est aussi chercheur au centre de recherche du CHUM. Pour lui, l’opération représente un échec du traitement, et donc une intervention de dernier recours.
En ce moment, Jonathan est traité avec du méthotrexate. Ce médicament empêche partiellement le corps de produire un élément essentiel à la reproduction des cellules: l’acide folique. Sans acide folique, les cellules du corps ne peuvent répliquer leur propre ADN et donc, elles meurent avant d’avoir pu se reproduire. Cet effet qui semble nocif est pourtant ce qu’on attend du méthotrexate!
Les crohniens ont un système immunitaire déréglé. Pour une raison que l’on s’explique mal, leurs globules blancs, normalement responsables de défendre l’organisme contre les envahisseurs externes, s’en prennent à des cellules apparemment saines de leur intestin. Les régions où ces globules blancs s’accumulent sont problématiques: une inflammation chronique mène à des ulcères et des lacérations douloureuses.
D’après le docteur Bouin, il n’y a pas de traitement miracle. Cela dépend de la région affectée et de l’activité de la maladie, classée en trois niveaux: légère, modérée et sévère. Le médecin ajoute que la maladie est tout de même plus facile à traiter qu’avant parce qu’il y a plus de médicaments disponibles. L’objectif des traitements et de la médication est toujours de donner une vie des plus normales aux malades.
Impacts et effets sur la vie du malade et de son entourage
«C’est navrant parce que ma blonde a plus d’énergie que moi. Il arrive très souvent que je ne puisse pas aller au même rythme qu’elle et avoir les mêmes activités», déplore Jonathan. Il avoue du même souffle que sa copine est très compréhensive. «Je sais qu’elle trouve parfois difficile de se plier aux humeurs de mes intestins. Ce sont des dictateurs, des tyrans. Ce sont eux qui décident comment se passera ma journée. Je n’ai aucun contrôle», ajoute Jonathan. Il admet aussi trouver parfois humiliant de demander à ses amis ce qu’ils cuisineront lorsqu’ils l’invitent pour un repas.
Amélie affirme avoir toujours reçu le soutien de sa famille. «Je n’ai pas les mots pour décrire l’appui de mes parents. Ils ne se sont jamais découragés. On avait des activités de retraités: les cartes, les films et les tours de voiture. On a toujours beaucoup ri ensemble. C’était peut-être ça notre secret, la rigolade», se remémore Amélie.
Jonathan désire dire aux proches des personnes atteintes qu’il est important de ne pas tenter les malades avec des aliments qui leur sont interdits. «C’est certain que si tu me proposes des framboises, je vais avoir le goût d’en manger. Je dois me contrôler», dit-il. «Pour eux, il est souvent très difficile de discuter de leurs douleurs parce que les maux du ventre, ce n’est pas très glamour. On parle souvent de diarrhée», affirme le docteur Bouin.
Optimiste, Jonathan fonde beaucoup d’espoir en l’avenir. « Je considère que ma condition est temporaire. La science trouvera certainement un remède un jour», conclut-il.
Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l’intestin
La fondation canadienne des maladies inflammatoires de l’intestin sensibilise le public et recueille des dons afin d’aider la recherche. Chaque année, depuis 15 ans, la fondation organise l’événement À pied ou à roulettes. Dans près de 80 villes au Canada, des gens marchent, roulent, courent ou pédalent afin de recueillir des dons.
Sur le site www.crohnquebec.forumactif.com, les malades peuvent partager leur expérience avec d’autres. L’entourage a la possibilité de témoigner et de trouver conseil.
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