Alera, Cayla Kluver

Par Wellreadkid

A l'heure où le fantastique triomphe avec son cortège de vampires et de loup-garous, la fantasy jeunesse revient sur le devant de la scène avec une nouvelle trilogie, Alera, le nouveau titre de la collection MsK. Le premier tome vient en effet de sortir et met en scène une princesse déterminée et courageuse.

 

Bien que princesse héritière, les perspectives de la jeune Alera se réduisent de toute évidence à un mariage forcé. A dix-sept ans, la jeune fille, prisonnière d'une société patriarcale qui ne donne pas la parole aux femmes, vient de se voir désigner le jeune homme que son père veut comme successeur, et qu'elle doit donc épouser. Bien que Steldor soit beau, charismatique et plutôt intelligent, sans oublier ses performances militaires prometteuses, Alera l'a en horreur. Mais princesse héritière d'un royaume déchiré par les guerres passées avec son voisin, elle doit faire preuve de dévouement envers son peuple. Mais lorsqu'arrive Narian, un étrange jeune homme venu de chez l'ennemi, ses convictions s'ébranlent...

Alera propose une trame en apparence assez simple, reposant sur la rivalité entre les deux royaumes et sur le triangle amoureux qui se forme entre Alera, Steldor et Narian. En réalité, c'est bien plus complexe que ça en a l'air : que ceux qui craignent une intrigue manichéenne se rassurent. En effet, il aurait été facile de tomber dans le piège évident, faire du royaume de Cokyri une patrie de barbares s'opposant à celui d'Hytanica, plus civilisée. Mais en réalité, l'auteur brosse un portrait de ces deux pays tout en nuance : l'un est certes cruel, mais plus évolué dans les moeurs. L'autre est plus doux, mais résolument sexiste. Alera est une jeune fille relativement ignorante, mais qui apprend à s'ouvrir au monde et à réfléchir au contact brusque et soudain de "l'ennemi". C'est une adolescente curieuse, parfois indécise, très humaine en somme. Elle est tantôt très enfantine, tantôt adulte. En plus de devoir lutter avec les premiers émois amoureux, Alera doit également se préoccuper de l'avenir de son royaume. Sa vie n'a rien de normal, vu que son mariage a une dimension politique indéniable. L'auteur introduit avec beaucoup de finesse la contradiction des désirs d'Alera et son devoir. Cette opposition marquera tout ce premier tome.

Le monde d'Alera se dessine au fil des pages, et le lecteur a hâte d'entamer la suite pour mieux découvrir les enjeux et les luttes de pouvoir entre les deux royaumes. Ce roman pose une question à la fois ancienne et très actuelle, celle du mariage forcé, et du devoir. Le souverain doit-il se sacrifier pour l'état ? Le lecteur refuse en choeur avec l'héroïne l'idée d'un mariage forcé, même si Steldor n'est pas totalement désagréable. C'est un personnage que l'on sent capable d'évoluer. Plusieurs autres personnages s'illustrent au fil des pages, certains comiques, d'autres attachants. Premier tome d'une trilogie, Alera jette les bases d'une histoire aux atouts indéniables, dont le seul défaut peut être la lenteur de la construction. L'histoire met en effet un certain temps à se mettre en place. Néanmoins, une fois pris dans les filets de l'intrigue, les pages semblent se tourner toutes seules.

Je remercie vivement Anne Blondat et les éditions Le Masque pour cette jolie découverte.