Université d'Oxford, 1663. Le professeur Grove est retrouvé mort dans son cabinet. L'autopsie est formelle : il y a des traces d'arsenic dans son foie. L'enquête conduit à l'arrestation de sa servante. Interrogée, elle est jugée, condamnée et exécutée. Que s'est-il réellement passé ce jour-là ? A ces questions quatre temoins apportent des réponses différentes et contradictoires. Le premier est Marco da Cola, médecin vénitien, qui se trouvait à Oxford au moment des faits. Son témoignage est contredit par celui de Jack Prestcott, fils d'un traître mort en exil, ainsi que par celui du Dr John Wallis, maître espion au service du pouvoir. Il faudra attendre le récit de John Wood, historien, pour entrevoir ce qui pourrait être la vérité.
Quel plaisir que ce gros whodunnit à la sauce anglaise ! Ce roman malin et passionnant nous donne à lire successivement les témoignages de quatre personnages différents au sujet des mêmes événements : le meurtre du professeur Grove et l’exécution de sa servante suite à un procès ayant duré moins d’une heure.
Cette construction en quatre parties distinctes, correspondant à autant de points de vue, n’est pas répétitive du tout, car les quatre personnages-témoins sont très différents les uns des autres et essaient chacun de faire avancer sa propre histoire : en plus de l’enquête sur la mort de Grove, il y a donc quatre mini-romans à lire, nous plongeant chacun dans des aspects différents de l’univers de l’époque… De plus, cette succession de quatre récits est un jeu pour le lecteur - à lui de démêler les fils et de réfléchir pour trouver la vérité ! – en même temps qu’un piège : on passe 250 pages avec chaque témoin, donc pas mal de temps, et on finit par ressentir une certaine confiance envers son témoignage…parfois à tort ! Ce petit côté « piégeux » m’a vraiment beaucoup plu…
Le Cercle de la croix est donc un polar malin, mais aussi un très beau roman historique : Iain Pears connaît bien son sujet et met en scène de nombreux aspects de l’univers du XVIIè siècle et de l’Angleterre de cette époque en particulier. On assiste par exemple aux balbutiements de la médecine expérimentale et à des expériences astrologiques très poussées ; on écoute des débats entre empiristes et idéalistes, entre papistes et protestants, entre partisans du parlementarisme et tenants de l’absolutisme (la première révolution anglaise étant passée depuis peu…) ; on observe les conditions de vie de l’époque, entre les poux, la petite vérole et la bière amère brassée artisanalement dans des gargotes infernales… Tout cela, en plus, n’est jamais lourd, jamais trop didactique : les éléments historiques sont bien répartis entre les quatre témoins, l’aspect policier et l’aspect historique sont bien équilibrés.
De la solution de l’énigme, je ne dirai bien sûr rien, mais je ne peux que vous encourager à lire ce livre ludique, malin, érudit, à la fois exigeant et accessible…à condition d’avoir quelques heures à lui consacrer !