A la suite de la reprise d'une société coopérative de production dans le cadre d'une procédure collective, un ancien dirigeant avait fait part sur un blog des tracas de son expérience négative.
En effet, il estimait que la gestion des difficultés de l'entreprise n'avait pas été satisfaisante, mais qu'au contraire, les personnes qui avaient assumé cette responsabilité avaient précipité le dépôt de bilan puis la cession pour reprise de la société.
Le dirigeant échaudé s'était donc livré au récit critique de cette expérience, citant les noms des personnes dont il dénonçait l'intervention sur l'un des supports utilisés.
Lesdites personnes s'étaient alors entendues pour agir en justice afin de voir indemniser le préjudice qui leur était causé par ces propos sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
Il s'agissait donc d'essayer de déterminer encore une fois les limites de la liberté d'expression et du droit de critique au regard de la teneur des déclarations contestées.
En l'espèce, dans un arrêt du 5 novembre 2010, la Cour d'Appel de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'engager la responsabilité civile délictuelle de l'auteur des propos litigieux.
Elle a en effet estimé que le récit fait par l'ancien dirigeant était empreint d'une grande subjectivité et faisait une description de certains faits qui se sont par la suite révélés inexacts, sans pour autant considérer cela comme un usage abusif de la liberté d'expression et du droit de critique.
Ainsi, elle relève l'impossibilité de caractériser une faute de l'auteur des propos dès lors qu'il n'outrepasse pas les limites du droit de critique, et souligne également l'absence de preuve d'un quelconque préjudice rapporté par les intimés.
Ce faisant, la Cour d'Appel de Paris nous donne une illustration de ce qui constitue l'acceptable en matière de dépassement du droit de critique.
Par conséquent, il importe d'être vigilent quand à la qualification que peuvent revêtir des propos sur l'entreprise qui seraient livrés au public par d'anciens collaborateurs rancuniers.
S'il est constant que la liberté d'expression et le droit de critique permettent à chacun de faire partager les leçons tirées de ses expériences, il n'en demeure pas moins que l'abus, le dénigrement ou la diffamation ne sont jamais loin et qu'il faut donc apporter la plus grande vigilance à l'analyse des propos tenus au regard de ces qualifications juridiques.
Source :
Arrêt de la Cour d'Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 8, 5 Octobre 2010, n° 09/07723 sur le site Lexisnexis.fr.