Magazine Beaux Arts

Résidences

Publié le 22 janvier 2008 par Marc Lenot

“Résider, c’est habiter, mais avec une familiarité en moins, un peu de temps en plus.” C’est un prétexte un peu ténu que de présenter, à l’Espace EDF Electra jusqu’au 30 mars, les travaux d’une trentaine d’artistes étrangers qui ont bénéficié d’une résidence à Paris ces dernières années. Ils viennent d’un peu partout, mais plutôt d’Europe et des Etats-Unis, une demi-douzaine d’Europe de l’Est; le reste du monde est bien sous-représenté : un Béninois, une Indienne et un Turc, c’est tout. Certaines des pièces présentées ont directement été inspirées par leur séjour à Paris, d’autres ne semblent pas avoir de racines ici, ni ailleurs souvent. Mais cette mosaïque montre au moins une richesse, une vitalité, certes tous azimuts, mais réjouissante. En voici quelques exemples.

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Le Vénézuélien Javier Tellez, choqué par l’omniprésence des mendiants parisiens, leur achète (ou plutôt leur dérobe ? L’installation s’intitule La lettre volée) leurs petits morceaux de carton aux inscriptions dérisoires et stéréotypées, et en fait des abris pour les moineaux de la ville. Le collectif anglais Semiconductor prend possession d’une cabane recouverte de miroirs dans l’entrée du bâtiment; on s’y installe sur des coussins moelleux dans un espace exigu où il est bien difficile de ne pas projeter notre ombre sur l’écran. 
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Le film projeté, The sound of Microclimates, est une vision à la fois poétique et inquiétante de Paris, ses kiosques à musique, ses plots anti-stationnement, ses tours, son périphérique mais aussi des immeubles qui explosent et un iceberg dérivant sur le canal Saint-Martin, le tout baigné d’une musique lancinante.  Toujours parmi ceux inspirés par Paris, l’Indienne Tejal Shah ré-explore les recherches de Charcot sur l’hystérie, cependant qu’une jeune femme tague sur les murs de la Salpêtrière la phrase de Camille Claudel “Il y a toujours quelque chose qui me tourmente”. Enfin, dans un coin obscur, l’artiste américain, alors résidant à Paris, Matthew Bakkom dissimule dans une vitrine le (faux) passeport américain de Marcel Duchamp (qui, s’il vécut longtemps aux Etats-Unis, conserva, je crois la nationalité française) : un pont entre deux mondes, ou une appropriation ?

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Les valisettes du Bulgare Ivan Moudov, Fragments, à la différence de celles de Duchamp justement, ne transportent pas ses oeuvres en miniature, son monde en réduction, mais des fragments d’objets d’art volés dans des expositions, morceaux de papier, de plastique ou de tissu dérisoires, sans signification sinon l’oeuvre à laquelle ils se rattachent : est-ce une collection nomade, ou une vanité ?
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Dans une installation (tabourets et vidéo) pleine d’humour grinçant, la Russe Elena Kovylina rétablit l’Egalité entre les hommes pendant qu’ils chantent l’Internationale, mais c’est le lit de Procuste ou le socle du nain Seneb : le piédestal de chacun est adapté de sorte qu’ils aient tous la tête à la même hauteur. Susan Hiller, toujours aussi méthodique, présente un inventaire des langues en voie de disparition, Livonien, Lenape et Wampanoag, avec un écran noir où apparaît la traduction des quelques mots de la bande-son. 
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Enfin, Sun Stop, du Russe (vivant en Slovénie) Vadim Fishkin projette en temps réel des images du soleil venant de partout dans le monde. Le globe solaire est ainsi toujours présent dans l’exposition, toujours au même endroit sur l’écran. Grâce à ses résidences d’artistes étrangers à Paris, nous retrouvons l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.


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