Institutions : Valls propose l’adaptation plutôt que la révolution

Publié le 31 janvier 2011 par Hmoreigne

Face aux dérives de l’hyperprésidence de Nicolas Sarkozy on attendait les préconisations du PS dans le cadre de la perspective de 2012. A la surprise générale Manuel Valls, qui s’est vu confié par Martine Aubry la réflexion sur la réforme des institutions, préconise un simple toilettage de la Véme République à travers un “pacte républicain rénové“. Le trublion du PS estime que la question institutionnelle ne sera pas une priorité dans la prochaine campagne présidentielle.

Immergés dans le tourbillon de la vie politique, on a tendance à oublier la coloration très particulière donnée par Nicolas Sarkozy à notre actuelle constitution en faisant de l’Elysée l’unique poste de commandement de l’État. La confiscation de tous les pouvoirs, la dérive clanique et affairiste dans l’usage du très large pouvoir de nomination du Chef de l’État fragilisent grandement notre démocratie.

Manuel Valls dans un pragmatisme revendiqué rejette l’idée d’un grand soir institutionnel et relativise la dérive française au regard d’une prééminence structurelle de l’exécutif qui serait commune à tous les régimes occidentaux. En creux c’est la personnalité de Nicolas Sarkozy qui est pointée. Mais justement, une bonne Loi fondamentale ne doit-elle pas justement poser des garde-fous efficaces contre des personnalités atypiques tentées de s’affranchir de l’esprit de la Constitution ?

Valls rejette l’idée d’ouvrir un grand chantier institutionnel au motif qu’au regard du grand nombre de Constitutions qui se sont succédées depuis deux siècles, il est particulièrement difficile d’arriver à un texte plus satisfaisant que l’actuel. Dans le doute il propose de l’améliorer. Un peu comme ces modéles de voitures qu’on préfère prolonger en les améliorant à la marge plutôt que de lancer un nouveau produit trop innovant susceptible de présenter des bugs. Et pourtant les crises actuelles environnementales, économiques et bientôt alimentaires sous-tendent la question démocratique comme le confirme le vent frais qui souffle de l’autre côté de la méditerranée.

Redonner de l’air à la démocratie, redonner aux citoyens de la confiance dans leurs institutions ne devrait pas être pour celui qui se présente comme le parti de l’alternance une question accessoire. À défaut de grandes ambitions, d’offrir du rêve, Manuel Valls propose un replâtrage basique, un simple infléchissement des moeurs politiques.

Reste à savoir ce que l’on colle derrière l’idée d’inflexion des mœurs politiques. Si c’est créer les conditions d’un retour à une forme d’exemplarité perdue de la part de la classe politique alors, on est sur la bonne voie. Si ce n’est que de l’affichage, on prendra le risque de nourrir la tendance populiste qui s’amplifie dans le pays.

Faute de crédit sur la capacité du monde politique à soumettre et encadrer l’économie par des règles plus justes et équitables, le débat de 2012 pourrait bien tourner autour du leitmotiv du tous pourris. Il existe une réelle demande en termes d’exemplarité tant dans la probité que dans la cohérence entre le discours et les actes.

À cet égard, l’échéance de 2012 se situera après un mandat présidentiel pendant lequel la parole politique aura été très fortement décrédibilisée. Outre les nombreuses promesses de campagne non tenues du candidat Sarkozy, le président du même nom aura usé et abusé de discours performatifs et incantatoires suivi de peu d’effets. Paradoxalement, Sarkozy qui devait incarner le retour du volontarisme en politique en aura signé le total échec.

La faute à un exercice solitaire du pouvoir qui n’aura pas su s’appuyer sur une dynamique collective partagée. La personnalisation du pouvoir ne s’est pas traduite par plus d’efficacité. C’est là sans doute l’une des grandes leçons à tirer du mandat de Nicolas Sarkozy. Elle doit se traduire dans le marbre en redonnant au Parlement toute sa place dans une véritable co-production législative de qualité et en limitant les effets désastreux du fait majoritaire qui génère des parlementaires godillots à l’affût des hochets qui tombent du carrosse présidentiel.

Ce serait toutefois un mauvais procès de laisser croire que Manuel Valls ne fait pas de propositions intéressantes. Même très ramassées, les dix propositions phares qui figurent dans la note d’orientation remise à Martine Aubry sont pertinentes à l’image de la proposition d’interdire aux parlementaires de cumuler leur mandat dans le temps et dans l’espace. Elles sont toutefois desservies par la forme retenue qui les fait apparaître comme de simples rustines et non comme une rupture avec une certaine pratique du pouvoir.

S’il est en effet indispensable de faire évoluer le Conseil Constitutionnel vers une véritable Cour Constitutionnelle dont le fonctionnement sera garanti par de nouvelles règles de nomination, la note de Manuel Valls omet de s’attaquer au pouvoir démesuré de nomination du Chef de l’Etat, héritage direct de pratiques monarchiques.

Ce manque d’ambition est assurément lié à la personnalité du député-maire d’Évry dont le goût pour l’autorité l’a longtemps fait apparaître comme un socialiste sarkocompatible. Il est regrettable à cet égard que Martine Aubry ait confié une réflexion de cette importance à une seule personne et non à un collège hétéroclite de personnalités qui en se complétant et s’enrichissant mutuellement aurait pu aboutir à un texte d’une autre dimension.

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