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Bande-annonce "Des hommes et des dieux".
Grand prix au Festival de Cannes, prix du jury œcuménique et prix de l’éducation nationale, le film « des hommes et des dieux », réalisé par Xavier Beauvois est tout simplement… sublime. Tout simplement, j’insiste, car en effet, cette réalisation se démarque des autres films de part sa simplicité et son épure.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais présenter brièvement le casting dont les acteurs furent tous, sans exception, doués d’un jeu époustouflant :
Lambert Wilson (Dom Christian – prieur), Michael Londsale (Frère Luc), Olivier Rabourdin (Frère Christophe), Philippe Laudenbach (Frère Célestin), Jacques Herlin (Frère Amedée), Loïc Pichon (Frère Jean-Pierre), Xavier Maly (Frère Michel), Jean-Marie Frin (Frère Paul), Abdelhafid Metalsi (Nouredine), Sabrina Ouazani (Rabbia).
« Des hommes et des dieux » retrace la vie des moines de Tibhirine entre 1993 et 1996, leurs trois dernières années de vie monastique en Algérie. Le tournage eut lieu au Maroc, où le paysage semblerait correspondre au site algérien.
Le film, volontairement lent, permet au spectateur de se laisser imprégner par la vie monastique et l’esprit qui anime non seulement chacun des moines, mais qui repose sur l’ensemble du village.
Les travellings et l’usage de plans panoramiques offrent un paysage sublime, inondant le regard du jeu de lumière qui s’en dégage.
On assiste ainsi à la vie quotidienne des moines, par ce jeu de caméra suivant lentement les mouvements simples de celui qui laboure son champs, d’un autre qui épluche les pommes de terre, et d’un autre encore, qui devise, sous le porche du prieuré avec une jeune femme, musulmane. Assis sur un banc, dos au mur, leur discussion, confiante et douce, s’harmonise avec la lumière orangée qui coule sur leurs visages.
La captation de la lumière sous ses différentes formes, le respect du silence, profondément inscrit dans le film, traduisent la paix et la sérénité qui règne, et dans le village, et chez les moines.
Ce village semble fonctionner au ralenti, mais dans un mouvement qui se concilie parfaitement avec un bonheur ineffable et simple. C’est cette simplicité du geste anodin, du sourire décoché au cours d’une discussion, de la joie pudique exprimée lors d’une fête, qui révèlent la colonne vertébrale du scénario.
Outre ces aspects, le réalisateur, Xavier Beauvois, a pris soin de se plonger dans la vie même d’un monastère. La caméra se mue en oreille tant son positionnement nous fait oublier la présence des moines lorsque leurs chants s’élèvent : doux et paisibles, ils dévoilent, par l’intonation des voix et leur concordance, la prière sur laquelle elles reposent.
Beauvois réussit également, par le jeu tout en finesse des acteurs, à partager ce que ces hommes de Dieu vivent : leur foi.
Mais le film n’a pas pour objectif de proposer l’apologie de la foi ou du christianisme. Cela n’est en rien le sujet central. Beauvois suggère, par la présentation de la vie monastique de ces moines et de leur implantation dans leur village, un thème présenté tout en subtilité et en réalité qui est inhérent à tout homme.
L’acte de poser un choix. Le libre arbitre. Voici le nerf de ce long-métrage.
Ce thème sera rapidement mis en avant dès les premières apparitions de tensions qui apparaîtront : le village apprend que des attentats sont perpétrés à quelques kilomètres de chez eux ; le danger du comportement fanatique islamique se rapproche ; la violence fait irruption dans la vie paisible et bien réglée du village.
C’est tout au long de cette tension latente mais bien présente que les moines commencent à discuter entre-eux. Faut-il rentrer en France ? Faut-il rester au nom de leur vocation tout en sachant que le risque d’une mort certaine les attend ?
N’ayant absolument pas pour but d’exprimer le rôle martyre de ces moines, le réalisateur a voulu privilégier les tourments de l’homme au travers de leur engagement, en occurrence, ici, leur vocation confrontée à la violence terroriste. C’est cette liberté de l’homme qui est mise en exergue ; ce sont les tribulations du cœur face à la peur qui sont décrites avec finesse ; ce sont des âmes éprouvées dans leur foi et dans leurs choix qui sont filmées avec justesse.
Peu de mots. Peu d’échanges. On est à l’essentiel. Longs silences, plans des visages lors de tours de tables plus épineux. Les acteurs traduisent le désarroi des moines, mais aussi, avec tant d’authenticité, la bonté et la foi qui les anime.
Parmi les rôles qui se dégagent, on pourra souligner celui de Lambert Wilson dont la force d’âme et le charisme sont joués avec grandeur ; Michael Londsale, peut-être celui qui fut le meilleur des acteurs, séduit par la générosité et la grâce de son jeu, d’autres, chacun à leur façon, ont revêtu la bure du moine avec talent.
Alors que la violence est à son comble aux alentours et que le danger est plus qu’imminent, Frère Luc, avec ce sourire en coin qui lui confère tout son charme, propose, au repas du soir, plusieurs bouteilles de vins. Sur ce fait, il pousse à fond la musique, le vin coule dans les verres, la caméra saisit les visages en gros plan, le jeu d’expression des acteurs est à leur apogée. Grande scène. Dernière Cène. Ce repas scelle la communion par l’esprit et dans la foi des moines. Le film est au sommet de son art.
Le film s’arrête à la mort des moines, qu’on aperçoit, épuisés mais vaillants, emplis de foi, marchant dans la neige, en chemin vers leur propre mort.
Il est intéressant de révéler que Henry Quinson fut engagé comme « conseiller monastique ». Ce religieux, ancien trader de Wall Street est entré à l’abbaye de Tamié. Il est également le traducteur du livre de référence sur le drame de Tibhirine «Passion pour l’Algérie, les moines de Tibhirine. »
D’autre part, le maître de chœur François Polgar a formé les acteurs au chant liturgique.
Savina de Jamblinne.