achillée, absinthe, angélique, arum sauvage, aspérule, berce, bourrache, bryonne navet, capucine, carvi, chicorée, datura, trigonelle, jusquiame, laitue, marguerite, menthe, moutarde, orties, pensée, romarin, roquette, rue, safran, sarriette, sauge,
trique madame, verveine, aneth, armoise, bardane, belladone, cerfeuil, coquelicot, joubarbe, jonquille, lavande, lierre, mauve, myosotis, marjolaine, persil, pervenche, sorcière, molène, morelle, narcisse, orchidée, origan, centaurée, pissenlit,
pulmonaire, salicaire, saponaire, scabieuse, séneçon, souci, tanaisie, tussilage, valériane, véronique, violette, vipérine, pimprenelle, rhubarbe, raifort, thym, gaillet, mélisse, pariétaire, cassa, ail, genêt, éricale, solanée, primevère, balsamine, herbes Saint-Jean…
Ainsi s’ouvre ce magnifique petit livre en noir et blanc, au format carré, très soigné. Hommage-liste aux « fleurs du bord de la (longue) route », aux brisants immobiles d’herbes folles, aux pagodes d’herbes folles (Tomas Tranströmer).
Les haïkus sont bribes et traits qui prolongent les brins et pointillés des encres qui leur font face à chaque double page. Il s’y dit une couture d’herbes qui trace des routes en discontinu.
L’herbe folle dit
si tu sais où tu vas,
c’est que tu ne sais pas où tu es
*
Un seul brin
d’herbe fait le printemps,
il ne voyage jamais en solitaire
*
Remettons
le temps à sa place,
que le chemin suive aussi la saison
*
La tempête
se charge des bagages,
elles feront route par étapes
*
Le vent,
d’accord, mais pour
aller où quand il ne le sait pas
Ces fleurs sauvages, ces herbes folles offrent à chacun des chemins de traverse, les marges des routes comme lieux principaux. Les dernières qui seront les premières.
Toujours
premières à revenir,
où personne n’attend rien
*
Le sens
de la formule leur
est venu de nos raccourcis
*
Le sentier
s’occupe du trait,
elles de ce qui est à colorier
*
Elles font
tout pour cacher
le petit chemin, c’est un secret
*
Elles
ne veulent pas voir plus loin
que le bout de la fleur
Ces fleurs des fossés sont bien vivantes : elles dorment, mangent, se lavent, s’habillent, font l’amour, partagent l’amitié.
Vieux sommier
de cailloux, où elles
ont mis leurs oreillers frais
*
La nuit
elles ne dorment pas,
elles épongent le lait de lune
*
Elles broutent
le vent avec plus de
retenue que le troupeau au pré
*
Si l’aube
crève un pneu, elles
prêtent leur cric pour dépanner
*
Pénélope
ou filles en vitrine,
elles continuent le même tricot
*
Entre étoiles
et herbes sauvages,
comment n’avoir pas le vertige
*
On dit
mauvaise herbe
pour les filles qui font le trottoir
*
Pluies,
vents, neige,
canicule, soleil : quelle garde-robe
Ce sont ces brins de tiges, ces bribes de mots offerts au vent qui, en réalité, font respirer la voix du poète « à qui suffit l’herbe entre les dents » pour siffler un air pas connu, qui se penche en passant pour qu’elles « parlent à voix basse à l’oreille ».
Elles sont
la ponctuation
arbitraire d’un phrasé végétal
Les brins d’herbe livrés aux aléas du vent sont très bien saisis comme symboles de la fragilité humaine. Et les herbes folles comme autant d’images du désir de liberté qui nous habite.
Amandine Marembert.
Werner Lambersy
De brins et de bribes
Jean-Louis Millet, encres
éditions du Cygne, 8 euros
site de l’éditeur