Bien le bonjour, les super héroïnes
La première photo était indiscutablement éprouvante pour l’œil, genre fond de tranchée après la chute de l’obus. Poubelle, donc. Et sans remords.
Une semaine plus tard, le deuxième essai nous a semblé un brin plus avenant. Autosuggestion sans doute. Car quand on a montré l’image à Monsieur Binbin, qui en connaît un rayon question histoire de l’art, celui-ci a grommelé: «C’est une bonne idée de se lancer dans la bouffe pour animaux». On a coulé une larme intérieure. Avant d’expédier derechef le cliché à la poubelle. Voilà pourquoi vous ne verrez pas nos glorieux bonbons croustillants de ris de veau à la cannelle et au gingembre, sur pouf de cèpes compotés et patate écrabouillée à l’huile d’olive. C’est un plat charmant, mais indubitablement peu photogénique. Mieux vaut ne pas décourager le visiteur.
Surtout que le ris de veau est un de ces abats qui divisent dru la populace gourmande. Certains adorent. Beaucoup abhorrent. Cette délicate et mystérieuse glande-là combine en effet une singulière saveur douceâtre venue d’outre-espace et une texture d’un moelleux frisant le tout mou mouillé qui suscite parfois de violents spasmes chez les consommateurs non avertis.
Inutile donc de plomber le dossier avec une photo ratée. On a donc opté pour une iconographie fraîche et sexy, emprunté au Grand-livre des Super Héroïnes que le Dr Slurp publiera bien un jour. S’il a le temps.
Pour trois gulus à table…
- Le ris (part one)
Payez-vous une belle noix de ris de veau. Pochez-la deux minutes. Refroidissez sous l’eau claire. Puis extrayez cette maudite membrane translucide lovée contre la pièce. Opération qui selon les cas s’avère un jeu d’enfant ou une punition cruelle.
Séchez soigneusement le ris sur du papier absorbant. Puis détaillez-le en cubes de 3,2 cm de côté, en suivant les lobes avec votre lame. Dans un sac en plastique, jetez deux cuillères à soupe de farine, une généreuse tombée de cannelle, une autre de gingembre en poudre, sel et poivre. Ajoutez les ris. Shakez le sac. Réservez au frigo.
- Les cèpes
Immergez une heure lune bonne poignée de cèpes secs dans un verre de marsala. Emincez grossièrement les champignons avec des ciseaux. Tchic, tchic, tchic. Au fond d’une casserole, faites fondre une échalote et un rien de gingembre frais haché dans une noisette de beurre. Ajoutez les bolets, le marsala et un petit morceau de sucre. Laissez compoter toux doux jusqu’à évaporation du liquide. Quand les champis sont tout tendres, assaisonnez violemment et réservez.
- La patate
Faites cuire à la vapeur des patates à chair farineuse. Pelez. Ecrabouillez à la fourchette. Arrosez d’huile d’olive. Assaisonnez. Réservez.
- Le ris (part tou)
Poêlez à feu furieux, dans un mix huile d’olive-beurre, les bonbons de ris de veau, jusqu’à ce qu’ils offrent à l’œil une belle mine croustillante. C’est l’affaire de quelques minutes.
Disposez enfin le tout sur assiette vintage: la patate dessous, les cèpes au milieu, les ris au-dessus. Ou l’inverse. Prenez une photo. Puis jetez-la.
Tchou!