Que se passe-t-il lorsque (environ) 10% des livres vendus sont des livres numériques? C’est la question que je me posais en arrivant à la conférence Digital Book World en début de semaine dernière. Car c’est bien ce qui se passe aujourd’hui aux USA, où les ventes d’ebooks ont connu une croissance très rapide depuis deux ans.
La première chose à laquelle pensent les professionnels du livre, avec la perspective d’un prochain décollage du marché du livre numérique, c’est à la possibilité d’une mise en difficulté des librairies. Celles-ci n’ont pas attendu le livre numérique aux USA, l’arrivée des chaînes de librairie puis celle d’Amazon avaient déjà fait chuter dramatiquement leur nombre. Le basculement d’un nombre de plus en plus important de lecteurs vers la lecture numérique va-t-il venir à bout de celles qui ont survécu? C’est l’avis de Mike Shatzkin, qui annonce une réduction de 90% des rayonnages en librairie dans les dix prochaines années. Jane Friedman, ex CEO d’Harper Collins et fondatrice d’Open Road Media n’est pas d’accord : il y a, dit-elle, un avenir pour les libraires : au contact direct des lecteurs, ils ont l’opportunité de jouer un rôle de médiation au niveau local, et alors qu’il est sans arrêt question d’écouter ses clients, d’animer des communautés, de se rapprocher des lecteurs, ils sont très bien placés pour ce faire, en sachant prolonger en ligne l’activité de leur magasin. L’enquête Verso révèle par ailleurs que « 80.7% des participants ont déclaré qu’ils préfèreraient acheter des livres numériques en ligne chez leur libraire local indépendant si les livres y étaient vendus à un prix compétitif. »
Quid des bibliothèques? Le président de Macmillan s’est fait interpeler, dès le débat d’ouverture de la conférence, par la blogueuse Sarah Wendell (du blog dédié au roman sentimentalSmart Bitches), qui lui a demandé pourquoi, alors qu’il semblait si désireux d’atteindre tous les lecteurs, ses livres numériques n’étaient pas disponibles en bibliothèque. La réponse de Brian Napack (avant de mettre en circulation des versions numériques de nos livres en bibliothèques, nous recherchons le business model qui conviendra ) n’a pas satisfait ni Jane Friedman, qui considère qu’il est temps de prendre au sérieux le public des bibliothèques, et que celui qui emprunte un livre numérique est tout près de l’acte d’achat. Pas de business model? Steve Potash, le CEO d’OverDrive, n’est pas d’accord : plus de 13000 clients, bibliothèques, collèges, universités utilisent ses services pour le prêt de livres numériques, selon un modèle qui, dit-il, a fait ses preuves. A la bibliothèque publique de New York, un bouton « acheter » est présent depuis quelques semaines dans l’application, mais il est encore trop tôt pour savoir dans quelles proportions ce bouton est utilisé. La simple présence des livres numériques dans les catalogues des bibliothèques leur donne de la visibilité, ce dont les livres ont le plus grand besoin.Ruth Liebmann, directrice du marketing direct chez Random House, s’intéresse de très près aux bibliothèques. Elle y effectue ce qu’elle appelle un « Library Listening Tool », afin de recueillir l’avis et les attentes des lecteurs de livres numériques.
La grande vedette de cette édition de DBW, ce sont les métadonnées. Il semble bien que plus les éditeurs voient grandir la part numérique de leur activité, plus ils prennent au sérieux les métadonnées. Deux sessions leur sont entièrement consacrées, mais on en parle dans de nombreuses autres, et c’est bien. Les métadonnées ne sont pas nées avec le livre numérique, bien évidemment. Il était déjà indispensable de fournir des informations détaillées concernant les livres imprimés, pour rendre possible la commercialisation d’objets qu’il était nécessaire d’identifier convenablement et de décrire, d’une part, et aussi pour constituer des catalogues utilisables en bibliothèque. Cependant les métadonnées demeuraient l’affaire des spécialistes de la distribution, de la diffusion, de la vente, ou du catalogage en bibliothèque : le livre un fois posé sur l’étagère d’une librairie expose lui même aux yeux des clients ses propres métadonnées. Sa localisation dans tel ou tel rayon, informe le lecteur potentiel de la catégorie à laquelle il appartient, de la thématique qu’il aborde, sa tranche donne le titre, l’auteur, l’éditeur, et il suffit à quiconque de se saisir du livre pour découvrir sa couverture, de le retourner pour lire un résumé, de le feuilleter pour lire un extrait et se faire une idée de son contenu. Lorsque le livre est un livre numérique, cette expérience de manipulation est exclue. L’œuvre doit être présentée au lecteur sur un écran, celui d’un PC, d’une liseuse, d’un smartphone ou d’une tablette, et pour que cette présentation permette au lecteur de découvrir le livre, chacune des informations affichées doit avoir été saisie et transmise : titre, auteur(s), éditeur, ISBN, prix, type de fichier, indication de la présence ou non d’une protection (DRM), et nature de celle-ci, argumentaire descriptif…
Et là, on est dans le cas où le livre numérique a déjà été trouvé… Mais comment a-t-il été trouvé?
Comment en arrive-t-on à ce stade où la description d’un livre numérique se trouve affichée sur notre écran, accompagnée du bouton qui va nous permettre de l’acheter? De bien des manières, selon que l’on est à la recherche d’un titre précis ou que l’on souhaite parcourir les rayons d’une librairie en ligne à la recherche d’une lecture, sans savoir encore laquelle, ou bien que l’on cherche la réponse à une question ou un problème que l’on se pose, les possibilités sont nombreuses. Selon le cas, on utilisera un moteur de recherche générique, on naviguera parmi les rayons virtuels de la e-librairie que l’on préfère ou on se servira de son moteur de recherche interne, on aura suivi un lien présent sur un site, blog, réseau social. Quelles que soient les actions qui auront précédé l’affichage des informations concernant un livre particulier, ces actions, pour nous conduire vers ce livre, mettent en jeu les métadonnées. De leur qualité, de leur richesse, de la manière dont elles sont exprimées, dépend en grande partie la probabilité que le lien vers le livre en question apparaisse dans la liste des résultats générée par une requête sur un moteur, que le livre soit classé de manière pertinente dans la rubrique qui lui convient sur le site d’une librairie.
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