Feu pâlede Vladimir Nabokov publié en 1961, est une curiosité délicieuse.
Sa composition est étrange. Le cœur du texte, en fait, est un long poème auto-biographique de 999 vers écrit par le poète John Shade. Ses thèmes: l'amour de sa femme (ils se sont connus à l'adolescence), la rumination sur la mort (sa fille s'est suicidée), la recherche du sens, etc.
Mais le poème est encadré par un avant-propos et un commentaire très étendu, qui reprend un grand nombre de vers pour en expliquer le sens.
Ces textes ont été rédigés par Charles Kinbote, un récent collègue de Shade à l'université où il enseignait, qui s'est emparé du manuscrit après le meurtre du poète. Un meurtre qui est une erreur, d’après Kinbote. Il est persuadé que l'assassin de Shade le visait, lui.
Sa déception à la lecture du poème est immense. Charles était certain d'en avoir inspiré le contenu avec les récits qu'il avait faits à son auteur durant certaines promenades.
Petit à petit, au fil de notes pleines de savoureux détails, son histoire personnelle parasite l'appareil critique et le dilate. On découvre par exemple qu'il aurait été roi d'un pays nordique proche de l'URSS nommé Zembla.
Mais évidemment, Kinbote est peut-être tout autre chose, c'est ce que le lecteur comprend au fil des scènes. Il rapporte par exemple certaines conversations qu’il a entendues. Ses collègues parlent de lui comme d’un mégalomane narcissique, d’un enseignant sans importance en quête de reconnaissance, qui se met en scène avec insanité...
Bref: jeux de miroirs, exquises tromperies. Redoublées par Nabokov lui-même, qui s'est amusé à écrire dans son journal, en 1962: "I wonder if any reader will notice the following details: 1) that the nasty commentator is not an ex-king and not even Dr. Kinbote, but Prof.Vseslav Botkin, a Russian and a madman..."[2]