Un enfant invité à une fête d’anniversaire va se mettre tous les participants à dos. Une jeune mexicaine est tuée par un junkie. Un serial killer rentre dans sa chambre crasseuse après avoir commis l’irréparable. Un ado tombe amoureux de sa baby-sitter et fugue avec elle avant de commettre un hold-up. Des culs-terreux du fin fond du Mississipi s’entretuent dans un road house un soir de concert. Voila juste quelques exemples de nouvelles contenues dans ce recueil de Barry Gifford. Il y en a bien d’autres, à l’ambiance totalement différentes : certaines se déroulent en Tunisie, en Egypte, en France, en Italie… Mais les plus pertinentes sont celles qui radiographient le déclin de l’Empire américain.
Barry Gifford est l’auteur culte de Sailor et Lula. C’est lorsqu’il se transforme en chroniqueur des maux de son pays que son œuvre prend une dimension époustouflante. Le problème de ce recueil c’est qu’il y a trop de différences entre les textes. A tel point que l’on se demande si l’on n’est pas dans un ouvrage collectif tant l’ensemble apparaît hétéroclite. Tout cela ressemble à du collage d’éléments tellement disparates qu’il est difficile d’y déceler un quelconque fil conducteur. Autre point important, le fait que Gifford aime faire basculer ces textes dans les toutes dernières phrases. Un peu comme un peintre qui, après s’être consciencieusement appliqué sur sa toile, la déchire à coup de cutter.
Un recueil étrange donc, un peu bancal. Néanmoins, je suis content d’avoir découvert un auteur américain d’importance qui porte un regard acéré sur la décrépitude de la nation américaine. Pour finir et vous donner un aperçu du contenu, je vous mets ce petit extrait qui est en fait la quatrième de couverture. C’est d’ailleurs suite à la lecture de ce texte que je me suis décidé à acheter le livre, même si au final, ce n’est qu’une infime facette du recueil et de sa très grande variété.
« Tico Mariposa emmena Cookie Cruz dans sa chambre, au-dessus du bar Buena Suerte, au coin des avenues 16 de Septiembre et Pancho Villa. Fatiguée après sa journée de travail, Cookie n'était pas pressée d'aller préparer le dîner pour sa mère; alors, elle accepta le shoot qu'il lui proposa. A un moment, elle tomba dans les pommes ; quand elle se réveilla, Tico était en train de la violer. Elle se mit à crier si fort qu'il lui flanqua son poing droit dans la mâchoire. Elle saignait et pleurait ; Tico la retourna pour essayer de la lui coller dans le cul.
Cookie se traîna à quatre pattes, saisit une petite lampe sans abat-jour et la balança derrière elle, dans la figure de Tico ; l'ampoule vola en éclats. Tico lâcha Cookie ; elle se releva d'un bond mais, trop étourdie par la drogue pour tenir sur ses pieds, elle retomba et le regarda. [...] Tico se redressa sur les genoux, enleva lentement les morceaux de verre de sa figure. Puis il tendit le bras et saisit un pistolet qu'il pointa sur elle. »
Extrait de « Deux récits de frontière ».
American Falls, de Barry Gifford, 13e note éditions, 2009. 240 pages. 19,00 euros.
L’info en plus : Les éditions 13e note ont publié en septembre 2010 un roman de Gifford intitulé Une éducation américaine. L’histoire, à Chicago dans les années 1950-1960, de Roy, enfant de parents divorcés qui s'entend mal avec ses beaux-parents successifs et mène, très jeune, une double existence : celle d'un écolier sage, et celle d'un jeune adulte travaillant le samedi pour gagner un peu d'argent de poche et aider sa mère.