Chantal est seule en scène. C'est, bien sûr, le principe d'un solo, mais c'est aussi une affirmation. Non pas seule contre tous, puisqu'elle dit le contraire à la fin : "mettre mes pas dans les pas de tous". Mais une façon d'assumer, de ressentir ce qu'a pu ressentir Sarah Baartman. Il ne s'agit pas non plus de jouer à la Vénus hottentote, mais d'exprimer les questions, les émotions, les douleurs, les révoltes, les espoirs que suscite le récit de la vie, de la mort et de ce qui a suivi la mort de cette jeune femme. Et, à travers cela, d'exprimer une identité.
Un corps exposé, détaillé, découpé va devant nous peu à peu trouver sa plénitude. Au prix d'un étrange tête à tête avec la mort, comme s'il fallait franchir, pas après pas, les territoires des ancêtres, s'y allonger, non pas sur la table de dissection à quoi Cuvier, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle en 1816, a condamné Sarah Baartman, mais sur la terre même, la terre mère, pour en ressentir les énergies, et tenir debout, libre.
Ce n'est pas seulement l'histoire d'une femme noire, différente. C'est aussi l'histoire d'un peuple, les Khoïkhoïs, premiers habitants de l'Afrique australe. C'est aussi l'histoire de l'Afrique du Sud, qui a connu un régime d'apartheid, basé entre autres sur des théories pseudo-scientifiques d'inégalité des races héritées, notamment, de Cuvier. C'est aussi l'histoire du monde contemporain, de notre capacité à vivre avec les autres.
Ce spectacle fort, émouvant, tragique, se conclut sur une note légère pour dire la vie dans ses contradictions, pour s'assumer tel qu'on est et le porter fièrement, avec ce qu'il faut d'ironie et d'amitié.
Ce spectacle, "On t'appelle Vénus" a été créé le 28 janvier 2011 au Théâtre Aimé Césaire de Fort de France (Martinique)
Pour en savoir plus sur l'histoire de Sarah Baartman, lisez ceci et ceci .