Yo, Adrian !

Par Cyriltuloup

Avant que la saga ne dégringole dans la folie commerciale, Rocky est un récit majestueux sur la détermination d’un homme. Même un film politique avec ce portrait des quartiers pauvres des États-Unis. Une pure réussite étouffée par cinq suites.

Un point commun réunit les deux sagas clés de Sylvester Stallone, le premier épisode est le meilleur, et même carrément un chef d’œuvre. Rambo a connu le même désastre que Rocky en se faisant suivre d’épisodes injustifiables. Et dans les deux séries, là où le film précurseur s’attaquait vivement au système du pays, les suites tombent dans les bras du patriotisme. Rocky est à l’instar de Rambo un film psychologique qui a décidément marqué une génération, mais qui voit son image salie par la fièvre économique d’Hollywood. Sly enfile ses gants de boxes et incarne un boxeur méconnu qui grappille de l’argent là où il peut, qui se vends sur un ring pour ramener de quoi manger. Installé dans une maison à moitié délabrée, il essaie de séduire une jeune vendeuse d’animaux domestiques (Adrian). Après avoir été délaissé par son entraîneur, il est sollicité par le champion du monde poids lourds pour disputer le match le plus important de sa carrière.

On suit la vie minable du boxeur, sous le plan sentimental et les difficultés économiques rencontrées, jusqu’à son entraînement intensif avant le combat contre Appolo Creed. Rocky, notre étalon italien, ne peut pas s’empêcher de faire rebondir  une petite balle quand il marche. Après une introduction se déroulant sur le ring, où il triomphe d’un adversaire que tout le monde s’amuse à surnommer de tocard, on le voit vagabonder dans les rues où les pauvres chantent autour d’un feu. Le réalisateur parvient à retranscrire une ambiance totalement crédible, le froid allant même jusqu’à se faire ressentir lorsque le boxeur se réchauffe les mains. Pas question de moraliser le spectateur, juste de l’envoyer en banlieue populaire où il est difficile de gagner sa croûte. Écrit par Sly, Rocky est doté d’une narration impeccable qui ne mise pas sur les artifices, qui n’en rajoute jamais. L’édifice est construit sous une histoire d’amour tendre mais pas naïve, et l’amitié unissant les classes démunies rajoute un peu de « magie » au récit parfaitement calibré. On se souviendra tous du passage où Sly s’entraîne dans une chambre froide en frappant un jambon, on se souviendra tous du jogging matinal de notre héros courant sur la voie ferrée et grimpant les marches du Philadelphia Museum of Art. Un film sans fausses notes, avec des combats d’une rare intensité (Clint peut aller se rhabiller, son Million Dollar Baby ne fait  pas le poids) et une portée politique non négligeable. L’argent est dans Rocky un vraie problème et l’origine des inégalités. Le ring est encerclé de ces pauvres types qui misent tout leur fric sur un match anodin, il y a ce voisin  qui veut se faire de blé sur le nom du boxeur, et ce délaissement des quartiers pauvres comme si l’état laissait crever le prolétariat. Rocky est l’exemple même du la saga qui aurait du s’arrêter au premier épisode.

Rocky de John G. Avildsen (U.S.A, 1h59, 1976)