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Le 24/01/11 sur PLANETE : « LE MYSTERE DES MOMIES D’ANIMAUX ».

Par Ananda

Première partie (15h25)

Lorsque l’on pense à l’ancienne Egypte, on pense de suite aux monuments colossaux, parmi lesquels, au premier plan, trônent, bien sûr, les Pyramides. Immédiatement après, viennent à l’esprit les extraordinaires momies des grands pharaons.

Pourtant ici, ce documentaire égyptien et anglo-saxon en deux parties sort complètement de ces sentiers battus.

Si les toutes premières images, certes, s’attardent brièvement sur la grisâtre et si fragile momie de Ramsès-le-Grand, c’est pour appuyer le propos du commentateur, qui insiste sur le fait que ces vestiges, loin d’être seulement des « corps préservés », constituent de « précieuses mines d’information sur les pratiques anciennes ».

Nous voilà avertis : nous savons déjà qu’il va s’agir de momies.

Mais la séquence suivante a tôt fait d’ « annoncer la couleur  » : une égyptologue souriante et d’un certain âge y déclare « je crois impossible d’appréhender la civilisation de l’ancienne Egypte si l’on néglige le monde animal. Il est au moins aussi important que le monde des humains ».

Ainsi entrons-nous dans le vif du sujet : les momies d’animaux. Un sujet peu connu, rarement abordé, mais non moins fascinant.

Des pratiques qui faisaient toute l’originalité de la civilisation pharaonique, la plus ancienne et la plus longue (3 000 ans) qui fût jamais à ce jour sur terre (du moins à notre connaissance).

Pour illustrer à quel point, dans cette culture si unique, les animaux, « domestiqués », étaient également « vénérés », on nous assure que « qui tuait un chat était lapidé à mort, et l’on nous décrit l’importance que les Egyptiens accordaient aux bêtes comme une véritable « obsession ».

Longtemps négligée par les recherches et les préoccupations des égyptologues, « aujourd’hui, l’influence du monde animal apparait enfin au grand jour ».

Bien sûr, « l’Egypte c’est le terre des Pharaons », une terre qui a « livré de fabuleux tombeaux », preuves, avec tant d’autres, d’une civilisation sophistiquée. Il n’en reste pas moins que, bien contrairement à ce que nous pourrions croire, « la vie des Egyptiens était fortement influencée par la nature », et ils étaient « totalement immergés dans leur environnement ».

Pour s’en convaincre, pas besoin de chercher loin : leurs représentations en témoignent.

Le documentaire nous présente alors une scientifique égyptienne, aussi brillante que passionnée.

Le Docteur Salima IKRAM s’est spécialisée dans la radiographie des momies d’animaux.

Elle énumère les informations que ces dernières nous apportent : elles portent sur l’âge de la bête momifiée, sur son mode de vie, sur d’éventuelles maladies ou traumatismes ainsi que sur la cause de son décès. Nous avons même droit au spectacle d’une momie de cobra, serpent que les Egyptiens anciens momifiaient par crainte.

Mais c’est au Musée du Caire que l’on trouve les plus anciennes momies animales.

Le Dr Ikram s’y arrête sur un magnifique sarcophage revêtu de « dorures et de couleurs vives », celui d’une certaine Maatkharê, qui fut rien moins qu’ un membre de l’ « élite égyptienne », une « grande prêtresse, de condition quasi royale ». Dans ce sarcophage, nous raconte l’égyptologue, se trouvait, outre la défunte, « une petite momie posée à ses pieds ». Cette momie étant « de la taille d’un nourrisson », on en a conclu, un peu vite, que la dame entretenait une liaison cachée, dont le fruit interdit aurait été placé dans sa dernière demeure avec elle.

Pendant un siècle, la réputation de la malheureuse (qui –insiste bien Ikram, " en tant que prêtresse, n’était pas supposée avoir un enfant ") se trouva ainsi « entachée », et ne recouvra sa pureté que récemment, grâce au travail radiographique d’Ikram !

En réalité, le soi-disant nourrisson était « un petit singe vert momifié avec une attention extrême » (autant d’égard que pour un humain).

Pour le Dr Ikram, il ne pouvait s’agir que d’un « animal de compagnie (pet) auquel Maatkharê devait beaucoup tenir », au point qu’elle tenait dur comme fer à ce qu’il l’accompagne dans l’au-delà, lequel, aux yeux de l’Egyptien, était le « but ultime ».

Bel exemple du degré d’attachement de ce peuple aux animaux !

Les animaux auxquels les anciens Egyptiens s’attachaient le plus étaient les chats et les chiens.

Toutefois, comme ils étaient convaincus que « les animaux avaient une âme », tout animal leur était objet d’attachement potentiel.

Par les hiéroglyphes, les chercheurs savent – détail touchant – que les animaux étaient « nommés en fonction du son qu’ils émettent » : le chat était désigné par le mot « MIAOU » et le lion par celui de « RAOH » !

Le Dr Ikram ne peut s’empêcher de commenter, fièrement : « les Egyptiens furent uniques, car ils étaient les seuls à embaumer les hommes et les animaux ».

Et en effet, la momification (du moins systématique et à une grande échelle) fut le propre de l’Egypte. Elle traduisait le désir de l’égyptien de conserver un « corps intact », ce corps intact indispensable à l’accès à la « vie éternelle ».

Le documentaire se penche sur les procédés de momification.

Dans les tout premiers temps de la culture égyptienne, on se mit à pratiquer une « momification naturelle par enterrement dans le sable ». Ce dernier desséchait efficacement les corps ; cela frappa les esprits.

Par la suite, bien entendu, une évolution se produisit, qui aboutit à la momification artificielle, celle dont nous parlent tous les livres d’Histoire. Cette momification, prend-on la peine de nous (ré) expliquer, se déroule en deux temps :

1°/ extraction des organes internes (dont « le cerveau, par le nez ») afin d’empêcher le processus classique de décomposition.

2°/ opération qui consistait à recouvrir le corps d’une substance, le NATRON, doté de la propriété de le rendre tout sec.

On sait maintenant que 4,5 millions d’animaux eurent les honneurs de la momification, en Egypte. Voilà qui donne encore une idée de la « place prépondérante » qu’occupait, dans l’esprit des égyptiens antiques, l’animal !

La momification d’animaux entra dans les mœurs très tôt : dès la période de l’Ancien Empire.

A présent, les chercheurs assimilent ces momies particulières (du moins pour nous) à des « mines d’or ». Car, en les étudiant, on suit les évolutions de toute une société, sur une période extraordinairement longue.

Au départ (le cas de Maatkharê l’illustre), la momification ne touchait que les animaux de compagnie, très appréciés des Egyptiens.

Avec le temps, néanmoins, la pratique s’élargit à d’autres cas, pour des raisons toutes différentes.

C’est ainsi qu’il a été donné aux égyptologues de trouver, « déposés dans des tombeaux », « des queues de veaux et de taureaux soigneusement momifiés ». Force est de se rendre à l’évidence : les Egyptiens momifiaient des « quartiers de viande » (les meilleurs morceaux !), lesquels avaient, à leurs yeux, pour fonction de nourrir les défunts de haut rang…d’où le nom plutôt plaisant qu’attribue à ces étranges momies le Dr Ikram : celui d’ « en-cas de l’au-delà » !

N’oublions pas que l’ Au-delà était « ce qui comptait le plus pour les anciens Egyptiens », et qu’ils le voyaient comme une version améliorée de la vie terrestre, où les êtres humains avaient exactement les mêmes besoins que de leur vivant.

Cela nous semble quelque peu « naïf », « primaire », « matérialiste », mais c’est ainsi. Ces gens aspiraient à emporter, dans l’autre monde, un maximum de choses !

Traduction de leur sensualité, de leur amour de la vie chevillé au corps ? Sans doute.

Mais peut-être était-ce aussi une façon de se rassurer, de refuser, de nier la mort, cette horreur irreprésentable.

« Dans l’Ancien empire, on voit des animaux représentés partout ». Pour nous en donner une idée, le Dr Ikram nous entraîne sur le site de SAQQARA, très exactement à l’intérieur de la pyramide à degrés d’un dénommé Mérérukha. On y découvre, gravées sur les murs, de nombreuses scènes de sa vie quotidienne (notamment des scènes de chasse) qui sont autant d’attestations de ce besoin que ressentaient les Egyptiens d’ « emporter tout ce qu’ils possédaient » dans l’au-delà.

Mais on y trouve également des scènes qui ont de quoi étonner : elles montrent des Egyptiens en train de tenter d’apprivoiser des animaux aussi peu apprivoisables que des hyènes, ou des gazelles !

Pour en revenir à ce dont nous parlions plus haut, à savoir l’ " alimentation " des morts en quartiers de viande, on nous explique que du bétail était spécialement engraissé à cet effet, puis, une fois engraissé, abattu ; l’abattage était suivi du découpage des morceaux de choix, qui étaient cuisinés puis momifiés et placés dans la tombe.

« Ce phénomène va crescendo durant de Moyen-Empire, puis jusqu’au Nouvel-Empire », qui lui succède. Mais, comme nous l’avons déjà dit, il ne concerne que « les rois et les membres de l’élite ».

Ces momies étaient donc « réalisées avec les meilleurs morceaux de viande » : morceaux de veaux, de taureaux, de vaches. Il faut préciser aussi qu’en Egypte, la viande bovine était un luxe et par conséquent un « symbole de richesse », par essence réservé aux nobles. La masse des gens, elle, se contentait d’une nourriture végétarienne.

Le documentaire revient sur les « techniques de la momification », longtemps restées bien mystérieuses. De nos jours, on y voit un peu plus clair, et le Dr Nadia LOKHMA nous explique que « le NATRON est un sel alcalin très efficace pour l’élimination des liquides et la stérilisation ». Par ailleurs, elle nous révèle l’utilisation de résines, qui, par leurs capacités à obstruer les pores de la peau des cadavres, pouvaient empêcher la prolifération des champignons, de même que celle d’huiles odorantes (telles celles de genièvre, de cèdre et de ricin) qui éliminaient les odeurs de putréfaction.

Avec fierté, elle se fait un plaisir de conclure que « tout cela prouve, chez les anciens Egyptiens, un degré de connaissance extrême ».

A cela, le Dr Ikram ajoute que « le secret de la momification est la dessiccation ». D’où l’importance du NATRON. Cette substance se trouvait facilement à l’état naturel en Egypte. Avant de l’utiliser, les embaumeurs la réduisaient en fine poudre.

« La dessiccation par natron prenait six semaines pour un corps humain ».

Ceci posé, le documentaire aborde le cas des animaux-dieux.

En Egypte ancienne, « chacun des dieux était représenté par un animal », et, pour le Pharaon, il en allait de même.

Selon la conception égyptienne, « une partie de l’âme du dieu entrait dans l’animal qui le représentait ».

Tout ceci provenait du fait que les Egyptiens admiraient les bêtes. Voir courir un guépard, ou voler un oiseau, les fascinait, et leur semblait surnaturel. Aux animaux, ils attribuaient donc des pouvoirs nettement supérieurs à ceux de l’Homme, lesquels leur conféraient « un caractère divin ».

Songez donc : « un hiéroglyphe sur quatre représente un animal », et « sur 700 symboles hyéroglyphiques, près de 140 sont des représentations d’animaux » !

Les hyéroglyphes eux-mêmes étaient « vénérés » et « redoutés ».

S’ils l’étaient, c’est qu’ils étaient purement et simplement (selon l’expression égyptienne) « la parole des dieux ». Toujours dans cette optique et en vertu de ce mode de pensée, lorsque les Egyptiens gravaient un animal, ils ne faisaient pas autre chose que « capturer son âme ». Il fallait donc faire attention !

Le plus sacré entre tous les animaux-dieux était le taureau, qui incarnait la « puissance divine » autant que la force virile.

« Les prêtres égyptiens sélectionnaient un animal dans le troupeau, et en faisaient un taureau Apis » qui, à partir de ce moment, en tant que « symbole de PTAH », se voyait parqué dans un enclos où on lui assurait une vie de « grand luxe », en le choyant.

Pour illustrer ce propos, le Dr Ikram se rend à MEMPHIS, où elle nous désigne un énorme bloc d’albâtre qui n’est autre que la pierre de sacrifice des taureaux sacrés.

Ensuite, elle regagne Saqqara, où cette fois elle pénètre en un « site interdit au public ». Ce site consiste en un « labyrinthe de passages » et de salles d’une superficie de quatre kilomètres. En ces lieux, dernière demeure des APIS, « vingt-quatre sarcophages » gigantesques, dont le plus imposant est « à peine plus petit qu’un pick-up ».

En voyant cela, on ne peut que se douter des difficultés que devait poser l’embaumement.

Un peu plus tard, on nous montre Salima Ikram, toujours sur la trace du grand taureau sacré d’Egypte, au SMITHONIAN. Avec Daniel HUNT, elle y étudie une magnifique momie d’Apis, et, sous le feu de son enthousiasme, ne peut se retenir de s’exclamer, très spontanément : « j’adore la façon dont ils les ont enveloppé ! »

Puis la chercheuse se met en devoir de radiographier la momie. Résultat : si la tête de l’animal se révèle « en parfait état », les os de son corps sont, en revanche « brisés et comprimés, empilés dans la toile ». Ikram et Hunt tombent d’accord sur ce qui, du coup, leur semble évident : « l’essentiel, pour eux, était qu’il ait une belle allure ».

Certes ; ça se confirme de plus en plus : « seules importaient la tête et les cornes », parce que seules revêtues d’un sens « symbolique ». Il s’agissait, vraisemblablement, de « transmettre un message à la foule » à la faveur de la procession qui marquait les obsèques du taureau sacré.

On est, là, dans un tout autre registre que celui de la momification (autrement plus soignée) des animaux de compagnie.

Mais, quoi qu’il en soit, le « lien hors du commun entre le monde animal et les Egyptiens » se confirme encore. Ces derniers ne concevaient proprement pas la vie sans la présence des bêtes.

Ceci s’explique peut-être par le fait qu’aux débuts de leur civilisation, à la période de l’Ancien Empire, toute la vallée du Nil était pourvue d’une faune très abondante, analogue à celle de l’actuelle Afrique sahélienne.

Nous savons que les Egyptiens étaient d’une nature conservatrice. Attachés à leurs traditions, ils virent cependant leur pays, au cours des siècles et même des millénaires, changer de visage : « le pays s’est désertifié » et, « en quête de nouveau pâturages », de matières premières (et peut-être de bêtes), ils se sont tourné vers de nouvelles contrées. Comme ils adoraient (dans tous les sens du terme) toujours autant les animaux, ils se sont enthousiasmés pour ceux qu’ils ont pu y découvrir.

On a la preuve de l’existence, à ces époques, d’un « commerce international » fort actif, dans lequel le commerce des animaux occupait une place « de premier plan ».

Les Egyptiens, pendant des siècles, ramenèrent sur les rives du Nil des « animaux exotiques » qui, aux dires de Zahi HAWASS, étaient importés « massivement » à des fins cultuelles.

Illustration : la cité d’HERMOPOLIS, « ville de THOT », où il existait un immense temple dans lequel vivaient des babouins sacrés, importés depuis le cœur de l’Afrique, et où trônaient d’imposantes statues de babouins, que le Dr Ikram, au milieu des ruines de l’édifice, nous montre. Le babouin était considéré comme « l’incarnation de Thot ». Mais pourquoi ?

Cela, une fois de plus, nous semble bizarre, mais les Egyptiens avaient leurs raisons.

On les connait, et on nous les donne : les Egyptiens, décidément très observateurs en matière de bêtes (des « éthologistes » avant la lettre !) avaient remarqué que ces singes avaient pour habitude, au moment de l’aube, de lever leurs deux mains dans la direction du soleil, et ils avaient très vite fait d’interpréter un pareil geste comme une prière à leur dieu RÊ.

Zahi Hawass, autre remarquable égyptologue passionné et fier de ses ancêtres, évoque un site du désert constitué de « catacombes remplies de babouins momifiés »…car on les momifiait aussi !

Direction, donc, ce fameux site…en cours de route, on nous précise que « plus d’un millier » de singes embaumés y ont été découverts.

Le Dr Salima Ikram, une fois sur les lieux, nous désigne des « supports d’offrandes » et jusqu’à des « traces d’offrandes » (d’huile versé).

Ses radiographies, quelques temps plus tard, lui apprendront un fait surprenant, mais révélateur du bon sens des Egyptiens : ceux-ci prenaient la précaution d’extraire les dangereuses canines des primates captifs.

Les cadavres de ces babouins lui révèleront aussi d’autres choses : grâce aux « ongles très longs », elle décèlera que les captifs « ne faisaient pas de gros efforts », cependant que les os, de leur côté, lui « parleront » d’un certain degré de stress. De là, Ikram déduira que ces pauvres babouins « manquaient d’exercice », et pour cause : « ils étaient cloîtrés ». Cela n’empêche toutefois pas que l’on « prenait soin d’eux », et que ces découvertes apportent la preuve que « les égyptiens étaient des vétérinaires accomplis ».

Passons maintenant à un autres cas – et pas des moindres : celui du lion.

« Importé d’Afrique centrale », l’animal était (comme on aurait pu s’en douter) le « protecteur et symbole des Pharaons ».

Deuxième partie (16h20).

Ici, nous avons droit, tout d’abord, à une petite « récapitulation ».

Histoire, ans doute, de nous « remettre dans l’ambiance », le commentateur se fait fort de nous rappeler, d’une voix solennelle, que les anciens Egyptiens apportaient « autant de soin à la préservation des animaux qu’à celle de leurs rois » mais que, nonobstant cette insigne marque de respect, ils n’en pratiquaient pas moins « le sacrifice rituel et en masse » des mêmes bêtes.

Puis fuse l’annonce : « le Dr Ikram tente de comprendre ce qui se cache derrière ces momies d’animaux ».

Nous revoici à nouveau « dans le bain ».

Irruption de TOUTANKHAMON !

Découvert en 1922, le plus célèbre représentant de l’Egypte pharaonique (en tout cas à nos yeux) ne pouvait être passé sous silence. Qu’on se souvienne de son « masque d’or »…

En ce qui concerne son rapport à la gent animale, il apparait aussi étroit que l’étaient ceux de tous les autres pharaons, connus ou moins connus. Par exemple, « les parois de sa chambre funéraire sont couvertes de représentations de babouins », et aucune des « références animales » caractéristiques de la civilisation égyptienne ne manque à son environnement mortuaire.

Mais c’est à Saqqara, et grâce à un animal, que Zahi Hawass va réussir à élucider la cause probable de son décès.

L’année 1997 a, en effet, vu la découverte d’un tombeau (« tout un ensemble de chambres et de couloirs »). Les yeux pétillants, Hawass le désigne comme « un lieu unique : le tombeau de la nourrice de Toutankhamon ! » Ladite nourrice se nommait MAYA.

Le tombeau, en lui-même, est plutôt décevant : « il a été pillé ». Pourtant, on y a quand même trouvé quelque chose qui pourrait bien constituer un important indice : le squelette d’un lion, « le seul jamais découvert dans une tombe égyptienne » !

Hawass développe : le cadavre de l’animal « est orienté est-ouest, signe de riche sépulture ».

Cela n’a rien d’étonnant, puisque « le lion était maintenu en captivité en tant qu’animal royal ».

Or nous savons que le Pharaon Toutankhamon a été victime, peu de temps avant sa mort, en hiver ( qui, en ancienne Egypte, était la saison de la chasse) d’ « une fracture du fémur gauche », compliquée probablement d’une infection qui s’avéra fatale.

Pour Hawass, il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’on ait, ici, affaire à un « accident de chasse ».

Fin connaisseur de l’ancien souverain, l’égyptologue justifie son point de vue en pointant le fait – connu – que le jeune pharaon « adorait chasser les animaux sauvages ».

L’hypothèse parait donc logique et convaincante ; la mort par le lion, le lion dans le tombeau de la nourrice (qui lui avait « donné vie »)…on peut se dire : « pourquoi pas ? ».

Retour du Dr Ikram, qui aborde un sujet très intéressant : en Egypte, les animaux les plus sacrés étaient les plus dangereux. Paradoxe ?

Eh bien non, pas tant que ça… « L’Egypte est une terre où les animaux dangereux pour l’homme sont légion ». Pensons aux scorpions, aux serpents (associés au pouvoir pharaonique, sous l’espèce du fameux serpent Uraeus, cobra dressé qui ornait le devant de la coiffure royale)…ça ne devait pas être la fête ! mais les Egyptiens, malgré tout, considéraient cela comme normal.

Dans la pensée égyptienne, le Bien et le Mal étaient complémentaires ( ce qui témoigne, soit dit en passant, d’un très haut degré de sagesse, de réflexion philosophique), et les animaux dangereux étaient totalement inclus dans l’ordre du monde (lequel était un « équilibre »).

Pour autant, cela ne voulait pas dire que les Egyptiens ne les redoutaient pas : simplement, ils  « cherchaient à s’en protéger » en les ménageant, en tentant de conjurer leur menace mortelle par offrandes et gestes cultuels qui constituaient, dans leur esprit, autant de « précautions ».

Des temples furent bâtis, « pour pacifier, obtenir l’assistance de ces tueurs ». Le plus connu était, à KOM OMBO, le Temple du crocodile.

Nombreux dans le Nil, les crocodiles « devaient représenter le plus grand danger » animal, pour l’égyptien. Aujourd’hui encore, au sud du pays, ils continuent de susciter la crainte des pécheurs (là, les réalisateurs du documentaire prennent la peine d’aller en interroger un, et de recueillir, à bord d’un vieux bateau, une anecdote parlante, flippante).

Il y a plus de 2 000 ans, au bord du Nil, à KOM OMBO, se dressait le temple de SOBEK, dont le cœur abritait un crocodile vivant. Dans ses ruines, le Dr Ikram a repéré le bassin réservé à la bête, qu’elle nous fait découvrir. Elle en profite pour nous expliquer que la pièce d’eau était alimentée par « un puits et une conduite », et que, pour les prêtres qui géraient ce temple, la présence du grand reptile posait « un réel problème ». Ils l’ont résolu en dotant le bassin en question d’un « dispositif ». Sur la ruine, on devine encore la trace des « grosses plaques de pierre » de « l’ancienne barrière » qui barrait la route au crocodile « pour protéger les visiteurs » venus lui apporter leurs offrandes sous la forme de nourriture.

Le Dr Ikram étudie ensuite une « magnifique » momie de crocodile, « parfaitement préservé » et, à cette occasion, dénote la présence de « beaucoup de résine et de bandelettes ». Elle note aussi que « le crocodile sacré a entre cinq et sept ans, ce qui est très jeune » pour cette espèce. Mais ce n’est pas un cas rare, puisqu’elle se hâte de nous préciser que, de toute façon, « une bonne partie des crocodiles momifiés sont morts prématurément ».

Prochaine étape pour Ikram : New-York, le BROOKLYN MUSEUM. Là, l’égyptologue va bénéficier d’un matériel de pointe et aura la possibilité de radiographier une momie de crocodile « locale ».

Sur « sa » momie, elle ne constate « aucune brisure de la colonne vertébrale », ni signe de maladie.

Alors qu’elle s’attendait plus ou moins à ce qu’il soit défoncé (conformément à ce que l’on pensait alors de la façon de tuer leurs crocodiles sacrés qu’avaient les Egyptiens), elle trouve un crâne en parfait état.

Toutefois, elle ne parvient pas à déterminer la cause du décès de l’animal.

L’absence d’indices matériels la pousse à chercher du secours ailleurs, et elle confie que, d’après le témoignage d’ « anciens récits », les Egyptiens donnaient à manger à leurs crocodiles des tonnes de quartiers de viande et même des « tartines de miel » ( !).

Il n’y a pas à dire : ces bêtes « étaient trop nourries, avec des aliments qui ne leur convenaient pas ». Une telle pratique ressortissait, chez les Egyptiens, autant de la bienveillance que du calcul et dans le second cas, il s’agissait, tout simplement, d’endormir la faim et donc l’agressivité des sauriens par la « surbouffe »…pas bête du tout !

Exit le crocodile.

Après avoir appris qu’ « au fil du temps, la ferveur envers les animaux a pris de plus en plus d’ampleur » en Egypte pharaonique, nous en venons à l’affection envers le chat.

Cette dernière ne date pas d’hier ; « elle remonte à 4 500 ans », et le plus étonnant est que, comme le documentaire nous le montre au passage, elle est encore vivace dans le peuple égyptien actuel.

Le chat, pour leurs ancêtres, c’est l’incarnation de BASTET, la déesse égyptienne du foyer et, par extension, celle de la famille et de l’amour. N’est-ce pas normal ? Le chat ne vit-il pas à l’intérieur des maisons (et par conséquent, des foyers) ?

Le plus grand temple de BASTET se situait à BOUBASTIS, ville qui lui était vouée.

Le Dr Ikram s’y rend de ce pas.

A cette faveur, nous apprenons que ce vaste édifice était « jadis, un temple très fréquenté », théâtre, « chaque année », de « grandes célébrations très populaires » au cours desquelles on offrait des chats momifiés à la déesse.

Si « de nombreux cadavres de chats » furent, à l’époque, nécessaires pour fabriquer une si grande quantité de momies, il ne reste, hélas, aujourd’hui (au grand dam du Dr Ikram qui le déplore) « pratiquement plus aucune » d’entre elles.

La raison ? La plupart furent broyées et utilisées comme fertilisants par des paysans européens, au moment où les momies étaient « à la mode » et créditées de certaines vertus.

Pour avoir la possibilité d’étudier l’une des rares à subsister, l’infatigable Dr Ikram se voit contrainte de retourner au SMITHONIAN, où elle retrouve qui plus est le scanner aux rayons X. Elle obtient une modélisation en 3D de la rarissime momie et, de suite, se livre à plusieurs constatations :

1/ les pattes du chat sont rabattues sur les côtés de son corps.

2/ le cou de l’animal constitue une « zone très comprimée » et une bandelette est resserrée autour.

3/ sa conclusion : « les Egyptiens tuaient délibérément des chats pour les momifier ». Quel paradoxe !

D’un côté, des chats massacrés « en quantités astronomiques », de l’autre, des bêtes de compagnie à qui l’on vouait un attachement sans bornes (« ils tuaient des animaux qu’ils adoraient »).

Seule explication plausible : les Egyptiens « étaient très pragmatiques » ; ils ne reculaient devant rien pour « satisfaire leurs dieux ». Et le tour est joué !

En tous les cas, redisons-le, les momies d’animaux permettent d’évaluer l’évolution de la très longue civilisation antique d’Egypte. Aussi sont-elles devenues l’objet d’études approfondies.

Un exemple nous en est donné : l’analyse d’échantillons de résine trouvés sur une momie de ce type, et « pas plus gros qu’une tête d’épingle ».

Issus du BROOKLYN MUSEUM, ces échantillons sont expédiés à BRISTOL (Royaume-Uni) ; là, « chaque molécule est isolée » et, de la sorte, on parvient à « déterminer la composition des baumes » qu’utilisaient les Egyptiens : résine de conifère et huile végétale dans le cas de la momie étudiée.

Mais ce n’est pas tout : grâce encore à toutes ces momies et à l’étude de « subtiles modifications » les concernant, échelonnées au fil des siècles, on a pu constater des évolutions qui ont fini par aboutir, au bout du compte, à la révélation d’une « véritable révolution dans les pratiques religieuses » de l’Egypte des Pharaons.

Tout se ramène, ici, aux faucons de SAQQARA, momifiés en masse.

Le faucon, nous le savons, était le « représentant du Pharaon vivant » (en effet, il « vole dans le ciel de l’Egypte, sans avoir l’air de bouger », de même qu’il « observe la terre et peut voir tout ce qui se passe »).

La coutume voulait qu’un pèlerin aille acheter un animal momifié et l’offre ensuite au dieu (HORUS).

C’est l’égyptologue Paul NICHOLSON qui prend la parole pour évoquer l’habitude d’inhumer des faucons dans des catacombes.

A notre surprise, nous apprenons de sa bouche que ces momies de faucons « ressemblent beaucoup à des momies humaines par leur aspect », leur forme, et qu’elles sont en fait « essentiellement constituées de bandelettes ».

L’analyse radiographique du Dr Ikram vient le confirmer : elles ne contiennent pratiquement que « quelques plumes et un ou deux os », soit une « infime partie de l’oiseau »…était-ce une forme d’ « arnaque » ?

Non, peut-être pas, émettent, ensemble, Ikram et Nicholson : un peu comme dans le cas du taureau Apis évoqué plus haut, peut-être que tout résidait dans le contenu symbolique et que les fidèles, n’étant aucunement dupes du contenu des momies, n’y attachaient guère d’importance. Cela, de toute façon, il est probable qu’on ne le saura jamais. Pas besoin, en conséquence, de trop s’attarder là-dessus.

Ce qui, en revanche, est beaucoup plus intéressant, c’est d’essayer de décrypter, au travers du véritable « phénomène » que représentent ces faucons, le rôle qu’ils ont joué dans la « révolution religieuse de l’Egypte antique ».

Dans ce but, Salima Ikram et son confrère Paul Nicholson se lancent bravement dans l’exploration des catacombes de Saqqara.

On a là des enfilades de couloirs sur neuf kilomètres. Elles contiennent des masses de récipients qui, eux-mêmes, contiennent des momies de faucons. Evaluées en « milliers », ces « quantités astronomiques » sont impressionnantes. En les voyant, on ne serait pas loin de penser à des « usines » à momies.

« Usines » ou pas, elles sont, assurément « la preuve d’un culte public ».

L’Egypte, à ce moment-là, comptait dans les sept millions d’habitants…sept millions d’Egyptiens, plus un demi- million de faucons à l’état de momies ! Ce sont des chiffres qui parlent, tout de même.

Quel était l’exacte fonction de ces catacombes ? On ne le sait pas trop.

Ce que l’on sait juste, c’est que les momies y étaient « empilées, emmurées », un peu « comme des bouteilles de vin » ! S’agissait-il d’une « réserve » ?

Un tel phénomène est tardif, puisqu’il se manifeste seulement à partir de 600 avant Jésus-Christ, période qui voit « l’explosion de la momification d’animaux ». A cette époque, la fin de la civilisation pharaonique est proche, et le peuple égyptien, en quelque sorte, « s’approprie la religion ».

Maintenu pendant près de trois millénaires à distance des rites et des lieux de prière par le pouvoir des prêtres, qui servaient de seuls et uniques intermédiaires entre les gens de basse condition (ou même de condition moyenne) et les dieux, il conquiert enfin, par le truchement de ces momies, l’accès direct à ses divinités.

Trois millénaires de société hyper conservatrice et hyper élitiste se terminent, mais il faut croire que, pour l’ancienne Egypte, c’est le signe d’une « décadence » et l’amorce d’une fin prochaine.

Voici venu, avec l’évocation de cette fin, le moment du « mot de la fin » de ce documentaire.

Il reviendra à Zahi Hawass, fier égyptien, qui conclura : « ce ne sont pas les pyramides qui ont fait les Egyptiens, ce sont les momies ».

Et certes, après tout ce que l’on vient d’apprendre, on le croit sans peine.

P.Laranco.


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