Quelques fidèles journalistes, satisfaits d'avoir recueilli quelques confidences élyséennes, s'empressent de les colporter. D'autres conservent un peu de recul.
Faire semblant de travailler
Officiellement, Sarkozy n'est pas candidat. Claude Guéant a même donné quelques consignes à l'état-major de l'UMP. Nombre de députés UMp ont également exprimé leur souhait d'une candidature tardive. Il n'empêche. Dans les couloirs, on en rigole, et les gaffes, involontaires ou pas, sont légions. Jean-François Copé, le nouvel allié et futur candidat autoproclamé pour 2017, avait lâché en décembre dernier, à Pékin (sic !) qu'il voulait susciter une « mobilisation générale », pour Sarkozy « qui sera notre candidat ». Cette semaine, un ministre, anonyme bien sûr, a confié à l'AFP que son Monarque était « parti très tôt en campagne ». Sarkozy lui-même, mardi dernier, lors de sa réunion du Premier Cercle, avait assuré aux participants qu'il ne faisait que jouer un rôle de composition, « serein et protecteur », mais que ses supporteurs retrouvaient le Sarko qu'ils aiment dès la campagne officielle lancée.
Ses voeux, tout au long du mois de janvier, furent l'occasion de prodiguer nombre de gentillesses, des compliments pour l'action passée aux promesses d'investissements publics (grâce au Grand Emprunt). Tout le monde eut droit à ces encouragements : fonctionnaires, agriculteurs, maires, parlementaires, journalistes, militaires, autorités religieuses, ouvriers, personne ne fut oublié. On est loin du Sarkozy de la rupture qui s'attaquait à tous les tabous de la société française. Désormais, il faut caresser la France dans le sens du poil pour lui faire oublier 4 ans d'agitation et de brutalité !
La préparation de la présidence française du G20, depuis novembre, fut l'occasion de multiples rencontres. Certaines, avec les grands de ce monde, ne servaient qu'à soutenir l'image de l'homme expérimenté. D'autres, comme son voyage en Inde, visaient à charmer l'assistance. D'autres encore, comme avec Jacques Chirac et Dominique de Villepin, n'étaient qu'un « prétexte pour reprendre contact » avec les ennemis de l'intérieur.
Encourager Marine
Désormais, Sarkozy fait aussi semblant de ne pas s'inquiéter de la compétition de Marine Le Pen. La nouvelle présidente du Front National a plus de chance, à en croire les sondages, de disqualifier le candidat de gauche du second tour. Mme Le Pen a maquillé son islamophobie d'un vernis laïc, et, dans les médias, on persiste à souligner le discours social de l'héritière du millionnaire Jean-Marie.
Effectivement, à gauche, une relative panique s'installe. Dany Cohn-Bendit l'a explicité, il y a 15 jours : « Si ça continue comme ca, on ne peut pas exclure un nouveau 21 avril. » On accuse Jean-Luc Mélenchon de cliver la gauche à force de démolir le parti socialiste. Les primaires socialistes ont débuté, et son l'occasion de jolis déchirements.
On sait que Sarkozy est impopulaire, mais qu'il a son socle de 25 à 30% d'irréductibles. Personne dans l'opposition ne peut se targuer d'un tel score prévisionnel. Sarkozy, donc est confiant. Il fait semblant de ne pas voir qu'il est impopulaire depuis près de 3 ans déjà. Jacques Chirac avant lui, déjà, était tout aussi disqualifié pour 2002. Il fut réélu avec 80% des voix.
Pour contenir la menace frontiste, Sarkozy a aussi opéré un recentrage. Il cajole Borloo, Morin et les autres.
Décourager les dissidents
Mardi soir devant plusieurs centaines riches donateurs de l'UMP, Sarkozy a surjoué l'assurance : « Ne vous fiez pas aux sondages. Les Français aiment malmener ceux qui sont à leur tête. Et ils ont des favoris qui ne tiennent pas la route. Regardez Delors: il aurait dû faire dix mandats si l'on avait suivi les sondages. Et Jospin: pendant cinq ans tout le monde le voyait président. Et puis il y a le cas Balladur, je suis bien placé pour le savoir. » Il veut décourager la compétition interne.
Même Dominique de Villepin, l'opposant de toujours, s'est calmé. Son second procès Clearstream débute bientôt. Et Sarkozy a négocié avec Chirac quelques arrangements. Charles Jaigu, du Figaro, est toujours bien informé. Il faut le lire décrire cet échange entre Sarkozy et Hervé Morin qui s'inquiétait de l'étroitesse du socle électoral sarkozyen : « Oui, oui, d'accord… Enfin, laissez-moi quand même avoir une opinion! Je te rappelle que j'ai déjà été dans la bataille, et qu'en plus je l'ai gagnée! Je ne dis pas ça pour toi, mais regarde Jean-Louis (Borloo): quelques semaines avant le premier tour (en 2007, NDLR) il ne croyait toujours pas en ma victoire! Alors, ça suffit! D'ailleurs, je ne suis pas dans une stratégie de premier ou de deuxième tour. Je veux créer une dynamique…»
Passer à côté de l'histoire
Le plus incroyable est sans doute le contexte. En France, la situation est grave. Le chômage reste de masse et en augmentation. La reprise est plus que timide. Le pouvoir d'achat est prévu en berne, avec l'effet cumulé d'un retour de l'inflation et d'une stagnation des revenus, y compris des minimas sociaux.
A l'étranger, Sarkozy est en passe de rater le train de l'histoire. Le Maghreb s'embrase pour la démocratie. Le séisme politique, s'il se confirme, est aussi important que la chute du Mur de Berlin en 1989. Après l'exemple tunisien - une révolution populaire sans leader - voici l'Egypte qui bouscule son autocrate Moubarak. L'Algérie contient, pour le moment, ses secousses populaires. Bien plus au Sud, la dictature yéménite fait face aux mêmes difficultés.
Trop occupé à son exercice électoral, Sarkozy se tient à distance. La France fut critiquée pour son attitude lors de la révolution de jasmin. La voici tout aussi prudente avec les évènements d'Egypte. L'excuse servie pour justifier l'attentisme passé - pas d'ingérence chez nos anciennes colonies ou protectorats - sera-t-elle adapté pour l'Egypte ?
Une gauche qui se cherche, un bilan présidentiel que l'on cache, des électeurs désintéressés, un centre absent, et un Monarque qui se réjouit.
Quel pays !
Ami sarkozyste, réjouis-toi.