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La présente Grammaire de l’imagination n’est ni une théorie de l’imagination enfantine, ni un recueil de recettes, un Brillat-Savarin des contes, mais simplement une proposition destinée à aller rejoindre toutes celles qui tendent à enrichir d’expériences stimulantes le milieu (maison ou école, peu importe) dans lequel grandit l’enfant.
L’esprit forme un tout. Sa créativité doit être cultivée dans toutes les directions. Les contes (écoutés ou inventés) ne représentent certes pas la panacée universelle dans l’éducation de l’enfant. Le libre usage de toutes les possibilités du langage ne constitue qu’une des directions dans lesquelles il peut s’épanouir. Mais tout se tient. L’imagination de l’enfant, stimulée pour inventer des mots, appliquera ses instruments à tous les domaines de l’expérience qui provoqueront son intervention créative. Les contes servent à la mathématique comme la mathématique sert aux contes. Ils servent à la poésie, à la musique, à l’utopie, à l’engagement politique ; bref, à l’homme tout entier, et pas seulement au rêveur. Ils servent justement parce qu’en apparence ils ne servent à rien : comme la poésie et la musique, comme le théâtre et le sport (tant que tout cela ne devient pas une affaire commerciale).
Ils servent à l’homme complet. Si une société basée sur le mythe de la productivité (et sur la réalité du profit) a besoin d’hommes à moitié – exécutants fidèles, reproducteurs zélés, instruments dociles sans volonté propre –, cela signifie qu’elle est mal faite et qu’il faut la changer. Pour la changer, il faut des hommes créatifs, qui sachent utiliser à plein leur imagination. (…)
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Ces propos, lus dans le livre de Gianni Rodari, me rappellent le livre de Jacques Rancière, Le Maître ignorant dont j'ai rendu compte dans ce blog.