J’avais entraîné mes amis à San Francesco a Ripa dans le Trastevere, quartier de Rome, contre vents et marées, sous un ciel menaçant suivi d’un semi-déluge, pour contempler Ludovicina Albertoni en pamoison, la présence de la Chapelle Altieri n’est pas facilement révélée par les paroissiens, car lorsque je les ai interrogés, ils en ont nié l’existence, or mon entêtement m’a permis de la dénicher malgré tout.
En 1669, préoccupé par la descendance de sa famille, le vieux cardinal Emilio Altieri voulut que sa seule nièce, épouse Gaspare Paluzzi Albertoni, auquel il imposa de prendre le nom Altieri. L’année suivante, Emilio devint pape sous le nom de Clément X, et l’oncle de Gaspare, le cardinal Paluzzo Paluzzi Albertoni devint rapidement le personnage le plus puissant de la cour pontificale. Sans hésiter, il s’activa pour qu’une de ses ancêtres, Ludovica Albertoni (1473 – 1533) déjà objet de vénération à San Francesci à Ripa, soit officiellement déclarée bienheureuse.
Pour la “bienheureuse Louise Albertoni”, comme à Santa Maria della Vittoria, le Bernin a ménagé à la Chapelle Altieri, divers effets lumineux. Ainsi une lumière indirecte tombe sur la statue, au drapé mouvementé, de la bienheureuse agonisante. Le corps repose sur un matelas de marbres polychromes ourlé de franges de bronze doré. Au-dessus, un tableau de Gaulli représentant la Vierge à l’enfant avec Ste Anne, révèle la vision de la bienheureuse.
Dans la 1° chapelle il y a une naissance de la Vierge du français Simon Vouet.
Les nombreux monuments funéraires font penser à cette chronique italienne rapportée par Stendhal :
A minuit, dans cette même église éclairée par un millier de cierges, une princesse romaine fit célébrer un office funèbre pour l’amant qu’elle allait faire assassiner…
J’avais lu une description sur un blog, ce qui une nouvelle fois me fit entraîner mes amies dans l’aventure pour contempler cet autre chef d’oeuvre du Bernin.
“La bienheureuse Ludovica Albertoni, dont la statue immortalisée par Bernin en 1674 gît à Rome dans l’église San Francesco a Ripa, ne lasse de me séduire et de m’intriguer.
D’un côté, l’explication officielle mettra abondamment en valeur la vie exemplaire de cette femme qui consacra sa vie au secours des pauvres du Trastevere. Toujours selon l’hagiographie officielle, c’est alors qu’elle allait être terrassée par la fièvre qui devait l’emporter en 1533, que Ludovica trouva réconfort dans l’Eucharistie, en attendant impatiemment la mort pour s’unir au Christ.
Les convulsions du corps alangui de la sainte sont, toujours selon ces sources, les signes de l’extase qui la gagne au fur et à mesure que s’approche le moment de sa délivrance dans la mort. Ludovica se laisse emporter par la vague de plaisir qui submerge sa douleur. Quant à l’artiste, le Bernin, les critiques mettront sur le compte de l’âge (c’est sa dernière oeuvre), l’expression jugée excessive de pathos.
La bouche entrouverte, les yeux clos, plaquant le drapé au bas des côtes avec sa main gauche alors qu’elle se caresse le sein de sa destre, les genoux légèrement desserrés, tout dans sa posture n’est qu’abandon et jouissance.
Pour ceux qui aimeraient fréquenter d’autres figures de l’ambiguïté :
1. L’extase de Sainte Thérèse d’Avila, à la chapelle Cornaro, Sainte-Marie de la Victoire, Rome, 1645, entourée des membres de sa famille de part et d’autre.
Pour une interpréation sensible et sensuelle, je vous renvoie au très beau texte de Katrine Alexandre — alias Mademoiselle K — initulé “Jouissance et Sainteré” et paru dans la “Vénus Littéraire”.”
photos 2 et 3 de l’auteur